Katanga veut être jugé au Congo (E. Bakama)

La chambre de première instance II de la Cour pénale a tenue une
audience publique le 1 juin 2009 pour examiner cette exception.

En effet, la défense de Katanga estime que la RDC a exercé des poursuites
contre Katanga alors même qu’il affichait sa volonté de le poursuivre pour les faits de Bogoro. Pour elle, La
chambre préliminaire avait constaté à tort qu’il n’y avait pas d’enquêtes en cours en RDC contre Katanga pour les
faits de Bogoro.

Les juges de la chambre de première instance II relève cependant, une certaine contradiction dans le
chef de Katanga car ce dernier avait lui-même demandé de comparaitre devant la CPI ,comment expliquer
qu’il décline aujourd’hui la compétence de cette juridiction au travers de
cette exception d’irrecevabilité ? serait-il mieux jugé au Congo qu’à la Haye ?

Pour la défense , la recevabilité d’une affaire
n’est pas la compétence et il ne s’agit pas d’opposer la CPI aux juridictions
congolaises.

 

Pour le
bureau du procureur, l’affaire contre Katanga est recevable et sa poursuite est
cohérente avec le statut de Rome. La cour ne peut pas forcer les Etats à mener
les enquêtes et poursuivre un fait précis. Dans le cas du Congo, il n’y avait pas d’enquêtes pour les
crimes de Bogoro dont Katanga est poursuivie à la CPI.

Par ailleurs, les juges de la Chambre voulait savoir les
raisons qui ont conduit le bureau du procureur à limiter le champ de poursuite
à Bogoro alors que d’autres faits avaient été commis et auraient pu être
retenus et l’ont été dans la procédure au niveau national.

Cette question ramène à la politique de
poursuite au niveau du bureau du procureur. Ce dernier privilégie le
 « Focus investigation », c'est-à-dire les enquêtes focalisées
qui consistent à amener rapidement des accusés devant la justice en tenant
compte de la sécurité, la protection des témoins, l’économie judiciaire etc.
Bogoro était selon l’accusation, représentatif de la criminalité. Selon
les informations recueillies, il était donc plus facile d’enquêter sur cette
attaque.

 les
représentants légaux des victimes considèrent pour leur part que les garanties du procès
équitable ne pourraient être mieux offertes que par la CPI.

La protection des victimes, des témoins vu les moyens dont disposent la cour face à la RDC ne sont pas équivalente.
De même, la sécurité des représentants légaux des victimes poserait problème en
cas de renvoie vers la RDC.

 

Enfin, la chambre a donner la parole aux
représentants de la RDC
pour recueillir leur observations par
rapport à l’exception d’irrecevabilité soulevée par la défense de Germain
Katanga. Pour eux, l’exception de la défense de Katanga pose en réalité trois
questions aux quelles il faut répondre
avant de préciser la position des autorités de la RDC.

 

a) La RDC a-t-elle véritablement mené à bien
les enquêtes contre Germain Katanga ? si oui, sur quels faits ont porté
ces enquêtes ?

En réponse,
ils ont signaler qu’un dossier judiciaire avait été ouvert à charge de katanga
et autres personnes à la suite de l’assassinat de 9 casques bleus de la Monuc ressortissants du
Bengladesh. Les enquêtes sur ces faits sont difficilement menées à bien car
plus d’une année après l’arrestation des personnes susnommées, le dossier n’est
toujours pas en mesure d’être renvoyé devant la juridiction de jugement.

L’allusion
sur les enquêtes qu’auraient menée la
RDC
à Bogoro serait donc non fondée.

b) La RDC avait elle la capacité de mener
véritablement à bien des enquêtes sur ces allégations ?

La RDC souligne que le pays était écartelé
entre rebellions et bandes armées, l’insécurité persistant dans l’Ituri, l’inaccessibilité des victimes
et des témoins dans un pays où il
n’existe pas un système de protection de ces personnes, l’indisponibilité des
structures judiciaires aggravées par l’insuffisance de ses capacités
opérationnelles, les aléas du processus de paix etc.. Bref tous ces facteurs réunis indiquent que la RDC ne disposait pas de la
capacité de mener véritablement à bien les enquêtes sur les crimes de Bogoro.
La situation malheureusement ne s’est guère améliorée depuis.

c) La RDC a-t-elle mené des poursuites contre
Germain Katanga ?

La réponse à
cette question découle des réponses aux deux questions précédentes.

Si en effet,
aucune enquête n’a été menée, il va de soi qu’aucune poursuite ne pouvait être
engagée.

Pour toutes
ces raisons, les autorités de la
RDC
estiment que la
CPI
doit rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la
défense de Katanga.

 

La chambre a
posé quelques questions aux représentants de la RDC notamment sur le sort des co-accusés de
Katanga pour l’assassinat des 9 casques bleus de la Monuc.

Pour ceux
–ci, la détention préventive est toujours en cours. Ils attendent leur
jugement.

Existe-t-il
encore un titre de détention contre Katanga en RDC ?

La remise de
Katanga à la CPI
a eu pour effet de lever son titre de détention. La décision de clôture avant
sa remise à la Cour
équivaut au regard du code de justice militaire à un non lieu.

Cependant,
un problème demeure quant au sort de la procédure ouverte par la justice
congolaise à l’encontre de Katanga même si la procédure se poursuit pour les
autres co-accusés. C’est une question pratique que la RDC devra résoudre.

 

Il n’est pas aussi facile de
comprendre pourquoi les crimes de Bogoro sont restés à l’écart des enquêtes des
autorités congolaises. Pour elle, Bogoro n’était pas dans leur champ de vision
et elles évoquent l’incapacité de mener
les enquêtes dans une situation d’insécurité et avec des moyens très limités.
Mme la juge Fatoumata Diarra souligne que le procureur de la CPI
enquête dans les mêmes conditions. Serait-il beaucoup plus efficace qu’un Etat
souverain.

 

Enfin, la chambre voudrait savoir
l’état actuel de la justice congolaise dans l’hypothèse du renvoi de l’affaire
en RDC.

Pour le ministre de la justice du
Congo, « on ne peut pas dire que l’appareil judiciaire est rester
pareil depuis en 2003. On ne peut non
plus dire que la situation est meilleure au point d’aboutir à la délocalisation
de l’affaire Katanga ». il ya des efforts positifs mais beaucoup reste à
faire. Le Congo est encore dans l’incapacité de rendre une justice qui réponde
aux critères des standards internationaux tant au niveau des enquêtes, des
poursuites et du procès équitable. 

 

 

 

Que retenir de cette audience ?

 

Il apparait illogique voire flou de voir Katanga sollicité un
renvoi vers la RDC
au nom du respect du principe de complémentarité alors qu’il avait demandé
d’être transféré à la CPI.

En outre, les garanties légales
qu’il bénéficie au niveau de la
Haye
sont nettement supérieures à celles qu’il pourrait avoir
au Congo que ca soit au niveau de conditions de détentions, du droit au procès
équitable qu’ à la peine encourue.

Du reste, les autorités congolaises
confirment qu’aucune enquête n’a été menée et qu’aucune poursuite ne pouvait
être engagée contre Katanga au Congo pour les faits de Bogoro.

Par ailleurs, la situation actuelle
de la justice congolaise ne s’est guère améliorée pour envisager un tel
renvoie.

 

En ce qui concerne, l’accusation, il
est important de souligner que la politique d’enquête et de poursuite au niveau
du bureau du procureur donne matière à
réflexion.

En effet, quelles sont les raisons
qui ont conduit à limité le champ de poursuite à Bogoro alors que d’autres faits avaient été commis et
auraient pu être retenus et l’ont été dans la procédure au niveau national ?

Le focus investigation (enquêtes
focalisés) nous ramène à l’impact de la
stratégie de poursuite du bureau du procureur. Cette stratégie consiste
notamment à ne poursuivre que les personnes ayant la plus grande responsabilité
dans la commission des crimes( les gros poissons) mais l’analyse des affaires
démontre le contraire.

Dans l’affaire Katanga par exemple,
l’on oublie l’implication des autorités ougandaises dans la commission des
crimes. C’est la question des critères de sélection au niveau du procureur(
absence des critères perceptibles sur terrain). Les enquêtes du procureur au
Nord Kivu n’ont toujours pas abouti aux poursuites des auteurs des crimes
graves. 

 

Enfin, si la
RDC
reconnait haut et fort son incapacité de rendre une
justice qui réponde aux critères des standard internationaux quelle serait la conséquence pour les autres
procès organisés au Congo ? En d’autres termes, si la
RDC
clame son incapacité à rendre un procès équitable comment serait-elle capable de le faire dans
d’autres affaires comme l’affaire Nkunda ? Certains procès organisés en RDC
sur les crimes graves ont d’ailleurs aboutis à des condamnations suivis
malheureusement de l’évasion des condamnés ; L’exemple du jugement de
SONGO MBOYO est éloquent

 

Pour ma part, l’exception
d’irrecevabilité soulevée par la défense de Katanga devrait être rejetée pour
les raisons évoquées ci haut.

En soulevant cette exception, l’on
comprend qu’il a un agenda caché qui est celui de se soustraire à la justice en
bénéficiant de l’impunité.

 

Heureusement que la chambre de première instance II vient de décidé à son
audience du 12 juin 2009 que l’exception d’irrecevabilité soulevée sous l’art
17- 1 par la défense de Katanga était irrecevable.

Pour la chambre, le mandat d’arrêt
contre Katanga n’était pas aucunement vicié et deuxièmement, la
RDC
n’avait pas la volonté de poursuivre cette affaire.

 

La chambre rappelle dans sa décision
que la cour pénale internationale est complémentaire des juridictions
pénales nationales.

Le juge président Bruno Cotte a
indiqué que la chambre a pris acte de la manifestation, claire et explicite du
manque de volonté de la RDC
d’exercer des poursuites dans cette affaire.

 

 

 

Eugène Bakama Bope

Président du Club des amis du droit
du Congo

CAD

 

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