La réaction de l’Action Kivu Yetu au message de nos Pères évêques interpelle (suite et fin, par JP Mbelu)

 Pour l’Action Kivu Yetu et le Pasteur Shabani, avions-nous écrit, « l'Histoire
retiendra qu'en 2006, il s'est déroule des élections dans un Pays  pour
une première fois sous surveillance des chars de combat. La crainte
était totale, La Communauté Internationale a mis des moyens consistant
à distribuer aux compatriotes d'esprit faible avec promesse des postes
ministériels ou inscription sur la liste des députes ou sénateurs. Des
contingents militaires, des armes de toutes sortes, bref un arsenal
impressionnant avec recommandation de voter pour le candidat étranger.
Pour cette seule opération, la Communauté International avait débloque
une bagatelle somme de + 456.000.000 d'euros. Ce montant a été
plusieurs fois confirmé par des médias internationaux et régionaux.  
3
ans après, nous nous rendons tous compte que c'était une grosse erreur
qu'un pays puisse confier la destinée de tout un peuple entre les mains
d'un irresponsable, un étranger, sans aucune expérience et par dessus
tout sans maitrise de la chose publique. » Il y a, à travers ces deux
prises de positions et lectures, deux approches des élections demandant
d’être étudiées et approfondies.

 

L’Action Kivu Yetu et la pratique télécratique de « la démocratie »

 

L’Action Kivu Yetu s’en prend à la pratique télécratique
de « la démocratie » au Congo. Les vendeurs de la démocratie
électorale-représentative et partisans du capitalisme sauvage
s’arrangent pour avoir accès aux matières premières stratégiques de
notre pays. Ils parrainent des hommes et femmes liges congolais et
étrangers. Ensemble, ils constituent un réseau de voleurs et de
receleurs. Pour donner une coloration démocratique à ce vol programmé,
les élections au suffrage universel sont organisées « sous surveillance
des chars de combat ». La démocratie vendue et achetée devient « une
aspiratrice des richesses » à travers ce réseau supervisé
par le FMI et la Banque mondiale abusivement dénommés chez nous
« partenaires extérieurs ». (Pour approfondir cette question, nous
recommandons la lecture de Michel Collon, Les 7 péchés d’Hugo Chavez, Bruxelles, Investig’Action, 2009. Surtout le chapitre cinq intitulé L’aspirateur des richesses.)
La démocratie téléguidée est, dans ce contexte, l’un des mécanismes
concoctés par ledit réseau pour aspirer les richesses du Congo. La
corruption des élites, l’enlèvement et l’assassinat des éveilleurs des
consciences (Kataliko et Munzirhiwa par exemple), l’appauvrissement des
populations, les génocides, etc. sont les moyens que le capitalisme
sauvage utilise depuis plus de cinq siècles pour accumuler l’argent et
faire du profit pour le profit.

Pour rappel, le fonctionnement de mécanismes est souvent rendu efficace par les médiamensonges et l’idéologie. Chez nous, la démocratie achetée a
été accompagnée d’une guerre psychologique et idéologique
permanente résumée par la réduction des Congolais aux « BMW » et à un
peuple manquant 15 personnes « non-corrompues ». Ceci n’est pas
nouveau. Pour « ouvrir les veines de l’Amérique Latine », voici ce que
disait le sous-secrétaire US à la guerre en 1912 : « La population
du Cuba est composée de Blancs, des Noirs, d’Asiatiques, et métis de
ces races. Les habitants sont généralement indolents et apathiques.
N’ayant qu’une vague notion de ce qui est bien et de ce qui est mal, ce
peuple tend à chercher le plaisir non à travers le travail, mais à
travers la violence. Il est évident qu’une annexion immédiate dans
notre fédération de ces éléments perturbateurs serait pure folie car
nous devons nettoyer ce pays. Nous devons tout détruire avec nos
batteries de canons. Nous devons imposer un blocus sévère en sorte que
la faim, et sa compagne habituelle, la maladie, sape la population
pacifique et décime l’armée.
 » (J.C. Breckenridge cité par M. COLLON, op. cit. , p.73 L’auteur souligne.) Aujourd’hui, ce qui ne peuvent faire par eux-mêmes, les U.SA.
et leurs alliés le réalisent à travers le parrainage des « élites »
politiques et militaires africaines (et latinos), au nom de la
démocratie.

Cette
approche des élections et de la démocratie téléguidée permet de
comprendre le diagnostic que dressent nos Pères évêques à tous les
plans. Quand ils écrivent : « S’agissant de la protection sociale de la
population, nous déplorons : l’occupation ou la destruction de terres
appartenant aux populations locales par des envahisseurs étrangers et
des usurpateurs locaux (…), le mauvais traitement, en matière
salariale, dont sont victimes les subalternes parmi les militaires, les
policiers, le personnel médical, les enseignants et autres
fonctionnaires de l’Etat ; l’arrêt des travaux de réhabilitation de
certaines voies de communication pourtant essentielle à la vie des
populations », ne devraient-ils pas remettre en doute le caractère
démocratique, libre et transparent des élections de 2006 ? A quel
niveau situent-ils ce triple caractère ? Au moment de déposer le carton
dans l’urne ? Peut-être ? Mais est-ce à ce moment-là que se joue
l’essentiel des élections financées par autrui et surveillée par des
chars de combat (ne fût-ce qu’à Kinshasa) ?

 

Au sujet de la transparence et de la liberté des élections de 2006

 

Quand
nos Pères évêques soutiennent le caractère transparent, libre et
démocratique des élections de 2006 et déplorent « l’insuffisance
manifeste du sens pratique de l’Etat » et l’ inefficacité des
institutions issues de ces élections, ils nous suggèrent de réfléchir
sur les différentes étapes que les élections doivent suivre pour être « valables ».

Aujourd’hui,
avec un peu de recul, la majorité de Congolais et les autres citoyens
du monde de bonne foi s’accordent à soutenir que le nerf de la guerre
au Congo est l’exploitation sauvage des matières premières de ce pays.
Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, leurs alliés européens et plusieurs
multinationales du Nord sont les initiateurs de ce projet du
capitalisme de désastre.

Comment
ces pays pouvaient-ils financer des élections qui handicaperaient la
réalisation de ce projet ? C’est-à-dire des élections qui feraient du
peuple Congolais le gestionnaire de ses richesses à travers une
coopération suivie avec ses représentants ? Du point de vue du bon
sens, faire ce choix aurait été contreproductif pour eux.

Dans
ce contexte, il est aisé de comprendre que les objectifs assignés à la
longue transition congolaise n’aient pas été réalisés. La formation
d’une armée républicaine n’a pas eu lieu. Jusqu’à ce jour. La
Commission (Justice) Vérité et Réconciliation n’a pas fonctionnée. Les
Congolais(es) scrutant le nerf de la guerre seraient arrivés à se
réaliser que l’exploitation sauvage de leurs matières premières n’est
pas un conflit congolo-congolais. Réconciliés et unis, ils seraient
devenus forts pour faire face à leur ennemi commun : le capitalisme
sauvage dont « les petites mains » sont restées constamment sur le
devant de la scène politique congolaise.(Entretenir la division par la
débauchage politique et la corruption remet aux calendes grecques ce
noble objectif.) L’autorité de l’Etat n’a pas été restaurée sur toute
l’étendu du territoire nationale. Jusqu’à ce jour. Passant à côté du
nerf de la guerre d’agression faite à nos populations, les différents
accords signés depuis la guerre des « tueurs tutsi » de 1996 et tout au
long de la longue transition congolaise ne se sont limités qu’aux
épiphénomènes.

Ainsi
pouvons-nous comprendre que « les faiseurs des rois » aient joué leur
carte en demandant à « leurs filleuls » de placer la barre de la
participation aux élections présidentielles très haut matériellement
(50.000 dollars US, sapant ainsi la règle de l’égalité des chances) et
très bas éthiquement et intellectuellement : les seigneurs de guerre,
les abrutis, les criminels économiques et les autres shégué  pouvaient
prétendre à l’un des plus hauts postes de commandement de notre pays.
La présentation des programmes et des projets des sociétés, le débat
politique entre les candidats, etc. ont été ou interdits ou négligés
tout au long de la campagne électorale. Où voit-on la démocratie, la
liberté et la transparence dans toute cette chimie ?

Si
ce triple caractère peut être collé au moment-même des votes surveillés
par « les observateurs internationaux » (que personne ne contrôle chez
eux) et les milices du RCD, il y aurait encore matière à débat. Le MLC
de Jean-Pierre Bemba a porté à l’endroit de son concurrent au deuxième
tour de la présidentielle des accusations des fraudes étayées par des
chiffres et des noms.

Aussi
réfléchir, penser ce qui s’est passé chez nous avant, pendant et après
les élections de 2006, est-il plus important que de se limiter à
compter les bulletins de vote ayant cautionné les candidats des
« maîtres du monde » à la tête de notre pays.

De
ce point de vue, le bilan est largement négatif, ne fût-ce que pour la
partie Est de notre pays. « En effet, écrivent nos Pères les évêques,
le contexte social, sécuritaire et politique qui prévaut actuellement à
l’Est de la R.D. Congo, le mutisme et la dérobade qu’affiche le pouvoir
autour de cette situation, nous interpellent. Bien d’animateurs des
institutions de la République, au lieu de travailler sérieusement pour
sécuriser la nation, font souvent montre d’attitudes de nature à
distraire la population et à mettre en danger l’avenir de notre pays. » Voilà
qui est bien dit. Distraire la population, mettre en danger l’avenir de
notre pays et servir les intérêts de leur réseau de voleurs et de
receleurs, telle est la mission qu’ils ont reçue « des faiseurs des
rois ». C’est cela que le suffrage universel a acté. Que faire ? Pas
deux solutions : les mettre hors d’état d’agir. Comment ? Ici, les avis
divergent. A côté de la manière forte,
il y a chez nous des compatriotes qui estiment que les élections
peuvent constituer une voie de sortie raisonnable. Ces élections
sauront-elles se passer de l’opération Justice, Vérité et
Réconciliation,  aujourd’hui où  certains partis politiques autrefois soudés souffrent de sérieuses fissures internes ?

Peut-être qu’un Hugo Chavez Congolais viendra mettre tout à plat et refonder autrement la chose politique chez nous.

 

J.-P. Mbelu

 

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