L’Afrique centrale vers un changement générationnel (Nzuka Konde)

 Nous assistons, depuis un mois, à une scène purement africaine où la
maladie et par conséquent le décès d’un Chef d’Etat sont devenus un secret
d’Etat pendant que ce dernier a été juste hier un des hommes les plus influents
du continent. Comme si la honte ne vient pas seule, le Premier Ministre gabonais
s’est illustré en cabale médiatique en s’empressant de démentir l’information
selon laquelle le Président gabonais aurait rendu l’âme, allant jusqu’à menacer
la presse française pour avoir diffusé une nouvelle sans fondement. Le peuple
africain en général et gabonais en particulier avaient droit de savoir ce qui
se passait autour de Omar Bongo, paix en son âme, sur son état de
santé après quasi un demi siècle de règne sans partage. Il est
vraiment inadmissible que l’entourage du Chef d Etat ait entretenu un flou
artistique sur son état de santé et sa mort pendant que ses années au pouvoir
ont été le fruit d’une médiatisation au zénith. Un simple déplacement de ce
dernier en Europe se suivait d’une série de reportage. Mais son hospitalisation
en Espagne a été présentée comme un repos personnel après le décès prématuré de
son épouse. C’est seulement lorsque les média étrangers se sont mêlés de
l’histoire, la présidence de la république s’est précipitée pour confirmer son
hospitalisation. Ce qui est sûr c’est que l’Afrique centrale tend vers une
métamorphose générationnelle de ses dirigeants après avoir été longtemps le
berceau des dictatures. De Mobutu à Bongo en passant par Obiang Nguema et Sassou
Nguesso pour finir avec Paul Biya, Edourdo Do Santos et Idriss Deby. C’est
l’unique partie du continent où même l’intégration économique peine à décoller
par rapport aux grands progrès qui se réalisent en Afrique de l’ouest ou en
Afrique australe où l’intégration économique et la libre circulation des biens
et personnes, surtout en Afrique occidentale, est devenue une réalité.

 

 En Afrique centrale ces vieux dinosaures, presque issus de
l’indépendance, ont prouvé à la face du monde leur incapacité dans la gestion de
la chose publique. Des exceptions près avec l’Angola et la Guinée
Equatoriale
sur le plan économique. L’élan démocratique et
économique dépend, en grande partie, de la disparition sur la scène politique de
ces hommes. Mais l’acte posé par le Premier Ministre gabonais montre
l’irresponsabilité des dirigeants africains. Selon ma propre pensée, les
autorités gabonaises se sont réveillées avec la fuite de l’information sur la
mort du Chef. Pour ne pas donner l’exclusivité de l’information aux média
français, elles ont tenté de démentir ce matin pour la confirmer après. Ce qui
est encore grave, c’est qu’après le décès du Chef elles (autorités) n’ont pas
entamé la procédure pour sa succession selon les us et coutumes de la
constitution gabonaise. Le flou entretenu démontre une volonté délibérée de
s’asseoir sur la constitution et imposer au peuple gabonais un homme en dehors
de la légalité. On risque de se trouver dans le schémas de la monarchie
républicaine :on assiste aux vacances de pouvoir depuis le décès du doyen des
Chefs d’Etat africains.

 

 Cette monarchie républicaine est en train naître au Gabon. Le fait
d’avoir déclenché le couvre feu sur tout le territoire gabonais sans penser à
l’ordre constitutionnel dévoile les ambitions familiales de la famille Bongo. Or
c’est le personnage constitutionnel qui devrait préparer les obsèques de l’ex
président gabonais et organiser les élections selon le chronogramme de la loi
des lois. La disparition de Bongo met fin au pouvoir indéterminé au Gabon et
ouvre la porte vers le renouvellement de la classe politique gabonaise en
particulier et celle de l’Afrique centrale en général là où le germe de la
dictature opprime l’émergence d’une classe politique ambitieuse et consciente
des défis à relever pour bâtir une sous-région prospère, loin des clivages de
méfiance et de rivalité de leurs Chefs. Ce n’est pas non plus normal qu’un Chef
d’Etat arrivé au pouvoir quand Obama, le président américain, avait à peine 7
ans. Combien de présidents américains se sont succédés ? Combien de présidents
français l’ont accueilli en France et aujourd’hui ils reposent en paix ? N’y
a-t-il jamais eu d’autres gabonais capables de prendre les reines du pouvoir ?

 

 J’ose croire que la disparition, pas nécessairement physique, sur la scène politique de ces hommes dans la sous-région, apporterait un
nouveau souffle dans l’intégration politique, économique, sociale et
professionnelle des peuples. Elle va, sans doute, réinstaurer la confiance au
sein de la CEAC
et de la CEMAC. Ces
dernières institutions ont été victimes d’antagonisme à outrance de ces leaders. Le Cameroun voulait être le moteur économique. La
découverte du pétrole en Guinée Equatoriale a relancé les ambitions de Obiang
Nguema dans les organes décisionnels de la
Cemac.
Le
Gabon a toujours reçu un soutien
sans faille de la
France
et Bongo était considéré le cerveau de la francafrique.
Sans oublier le Congo de Sassou où le soutien des sociétés pétrolières
françaises jouent un rôle prédominant dans la gestion des finances congolaises.
Tous ces leaders ont bloqué l’essor d’une nouvelle Afrique centrale. D’où ma
conviction d’un changement générationnel dans l’échiquier politique de la sous-région.

 

 

Ecrit par Konde
Nzuka 

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