01.07.09 Le Potentiel / CINQ QUESTIONS : Thierry Tanoh, Vice-président et directeur Afrique subsaharienne de lInternational Finance Corporation(*)
1. Comment vont les affaires pour lIFC en Afrique par ces temps de crise?
Plutôt bien. Cest justement dans des périodes comme celle-ci quune
institution comme la nôtre est le plus sollicitée. Par les pays à
revenu intermédiaire, qui, en raison de lassèchement des ressources à
destination des pays émergents, renouent de plus en plus avec les
institutions de Bretton Woods. Mais aussi par les pays les plus
pauvres, qui souffrent à la fois de la réduction du prix des matières
premières et du tassement des transferts de fonds des Africains vivant
en Europe. Le tout sur fond damenuisement de lintérêt des
investisseurs pour lAfrique…
2. Ne sagit-il pas plutôt de la perpétuation dun désintérêt?
LAfrique a tout de même connu, ces cinq dernières années, une
croissance sans précédent, aux alentours de 5 %. Cela a été en partie
possible grâce aux investissements directs étrangers [IDE, NDLR].
Cependant, dans le contexte de crise actuel, par peur du risque, les
investisseurs se tournent curieusement vers les États-Unis, où lÉtat
offre une garantie qui rassure, sil faut en croire certains analystes.
Paradoxalement, cest donc vers le pays doù est partie la crise que
vont les capitaux.
3. Des cimenteries, il y en a au moins une dans chaque pays.
Pourquoi nencouragez-vous pas une spécialisation des États, pour
financer sur un seul territoire une cimenterie qui produirait pour
tous?
Ce débat mintéresse, parce quil nous porte au cœur de la
problématique de lintégration régionale. De notre point de vue, la clé
du développement du secteur privé de lAfrique subsaharienne sarticule
autour de trois grands axes. Le premier, qui est notre cheval de
bataille, est le climat des affaires. Le deuxième est le soutien actif
aux petites et moyennes entreprises, qui sont, dans nos économies, de
véritables moteurs du développement. Le troisième axe est le soutien
aux grands projets, et je milite tout particulièrement pour ceux qui
impliquent une intégration régionale.
Le développement du continent africain nécessite une
compétitivité à léchelle mondiale de son industrie et de ses services.
Cela ne sera possible que si lon arrive à accroître les débouchés des
entreprises africaines aux plans régional, continental et
international. Elles doivent donc produire des biens et services – pour
lesquels elles ont besoin dénergie à des tarifs compétitifs – et les
distribuer tout en réalisant des économies déchelle.
4. Pourquoi vos institutions ne donnent-elles pas aux États
africains sérieux et rigoureux les moyens datteindre le stade ultime
du développement?
Lorsquun pays réussit, cest dabord à lui-même quil le doit.
Aucune institution ne peut se vanter davoir développé un pays. Nous
accompagnons les États. Et certains font de notre soutien un meilleur
usage que dautres. Le Botswana, le Mozambique, la Tanzanie, le Rwanda,
le Liberia, la Sierra Leone sont des pays qui impressionnent par les
efforts quils font pour assainir lenvironnement des affaires et
intégrer le secteur privé dans leur développement. Lorsquun pays
évolue de la sorte, il acquiert très vite la capacité dattirer
directement les fonds commerciaux. Que le Cap-Vert ou tout autre pays
se développe sans nous est une excellente chose. Cela arrivera
dailleurs de plus en plus souvent en Afrique.
5. À propos de lélection dObama, vous avez dit que
lAfrique devrait sen inspirer pour mettre en valeur le travail, le
sérieux et la rigueur, que vous opposez à la corruption et aux
solutions de facilité. Y aurait-il un tel déficit de moralité en
Afrique?
Barack Obama a beaucoup travaillé et fait preuve dune rigueur et
dune détermination assez extraordinaires. Il na pas choisi la
facilité et a prouvé quavec de telles qualités il est possible de
sélever à des niveaux où lon ne vous imaginait pas. Ce qui manque à
la jeunesse africaine, ce sont des modèles, des repères, des gens qui
linspirent, à qui elle peut vouloir ressembler. Les modèles sont des
personnes capables damener les autres à se surpasser. Cest cela, le
véritable leadership. Être capable dentraîner avec vous des gens qui
croient en votre vision et qui en tirent une force extraordinaire pour
se surpasser. Avec Obama, les jeunes Africains savent, plus que jamais,
quils peuvent y arriver par le travail, sans être corrompus, sans
devoir recourir aux solutions de facilité, à lenrichissement rapide et
illicite, qui, faut-il le préciser, nest pas une spécificité
africaine. Car il y a aussi, en Afrique, des gens qui se sont enrichis
de manière tout à fait légale. Je pense à quelquun comme Mo Ibrahim,
qui a profité de la méconnaissance du marché africain par dautres pour
exploiter un filon en mettant en place une structure panafricaine. Pour
des personnes de ce type, jai un profond respect. Cest dailleurs une
très bonne chose quil y en ait, parce que cela montre que lon peut
senrichir sainement en Afrique. Il faut juste sassurer que notre
jeunesse sidentifie aux bons modèles et pas à des imposteurs.
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