28.07.09 Senegal Business: Aboubacar Fall (Conseiller juridique principal de la Bad) : L’Afrique a payé plus de 7 milliards de dollars aux Fonds vautours

"argent"

Une Facilité africaine de soutien juridique au profit des
pays victimes des fonds vautours vient d’être lancée. Comment procèdent
les fonds vautours ? Et quelle est l’ampleur du phénomène ?

Aboubacar Fall : Les fonds vautours rachètent sur le marché secondaire
des créances détenues sur des pays pauvres, à prix cassés (parfois au
franc symbolique), pour ensuite contraindre ces pays, par voie
judiciaire, à payer le montant initial de ces créances ainsi que les
intérêts qui s’y rapportent. Ces fonds vautours ne s’attaquent, en
général, qu’à des Pays pauvres très endettés (Ppte) ayant bénéficié des
annulations et/ou des réductions de dettes destinées à les remettre à
flot. Ils refusent alors de participer à la renégociation de la dette
de ces Ppte, tirant ainsi profit des concessions financières consenties
par les autres créanciers. Il s’agit généralement de sociétés-boites à
lettres domiciliées dans les paradis fiscaux. Les procès qu’ils
intentent se déroulent dans les grandes capitales des pays du Nord.
Selon les experts de la dette des pays en développement, les pays
africains sont les principales victimes de ce phénomène et ont dû
rembourser plus de 7 milliards de dollars.

Comment cette facilité va-t-elle fonctionner ?

La Facilité, qui est un fonds créé sous la forme d’une organisation
internationale indépendante de la Bad aura, entre autres missions, de
financer la mise à disposition des pays africains qui en feraient la
demande, de services juridiques de haut niveau, à travers des cabinets
d’avocats, soit en amont pour négocier une réduction du montant de la
créance réclamée par les fonds vautours, soit en aval dans le cadre des
procès intentés par eux devant des juridictions judiciaires ou
arbitrales. Il faut dire que, même si ces créances peuvent paraître
amorales, elles n’en sont pas moins juridiquement fondées. En
contractant les dettes dont il est aujourd’hui réclamé le
remboursement, les pays africains avaient, en général, renoncé à leur
immunité, accepté des clauses donnant compétence à des juridictions de
droit anglo-saxon (plus favorables aux créanciers), accepté
l’application du droit anglais et la possibilité d’une cession sans
condition de ces créances.

Le 29 juin dernier, à Tunis, s’est tenue l’assemblée constitutive de
la Facilité, qui a mis en place ses organes statutaires et qui, dans le
même temps, marque le lancement officiel de ses opérations. La facilité
opérera selon deux schémas, à savoir l’octroi de dons (subventions) aux
pays africains dans le cadre de la lutte contre les fonds vautours
(avec un plafond quant au montant maximum à allouer à chaque pays) et
une avance remboursable dans le cadre de la négociation des contrats
commerciaux complexes, qui constituent le second objectif de la
Facilité. Toutefois, ce remboursement s’effectuera selon des modalités
qui tiendront compte du niveau de développement du pays demandeur
d’assistance juridique. Ainsi, un pays à revenu intermédiaire
rembourserait 100 % de l’avance consentie, alors qu’un pays sortant de
conflit ou un Etat fragile pourrait bénéficier d’une subvention de 50 %
et ne rembourserait donc que 50 % de l’avance reçue. Rappelons, que ces
avances consistent en des honoraires d’avocats réglés directement par
la Facilité pour le compte du pays bénéficiaire des services
d’assistance juridique.

Quels sont les pays affectés par ce phénomène ? Y a-t-il des précédents emblématiques ?

Plusieurs pays africains bénéficiaires de l’initiative Ppte sont
affectés par ces procès. Dans un récent rapport, conjointement produit
par la plateforme Dette & développement (France) et le Centre
national de coopération au développement (Belgique) et intitulé ‘Un
vautour peut cacher un autre’ ou ‘Comment nos lois encouragent les
prédateurs des pays pauvres endettés’ datant de mai 2009, les plus
agressifs des fonds vautours sont identifiés et localisés, de même que
les pays africains qui sont leurs victimes.

On peut citer l’affaire qui a opposé Kensington au Congo, en 2004.
Les créances qui auraient été rachetées à environ 2 millions de dollars
auraient rapporté une plus-value de 116 millions de dollars. Il y a eu
également FG Hémisphère contre la République démocratique du Congo, en
2007. Dix-huit créances rachetées à 2 millions de dollars auraient
rapporté 108 millions de dollars. Donegal a aussi gagné 20 millions de
dollars pour 30 créances sur la Zambie, rachetées à 3 millions de
dollars en 2007.

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