DIASPORA NOIRE EN AMERIQUE DU SUD: LA MATRICE AFRICAINE DU BRESIL A DES CONTOURS PRINCIPALEMENT BANTU

 

La
substance bantu de la culture de l’immense ancienne portugaise de l’Amérique
méridionale est mise en relief par l’incontournable chercheur carioca Nei Lopes
et la regrettée Beatriz Nascimento.

 

Compilation d’études s’étalant sur 307 pages, ce Sankofa présente, outre
les contributions de ces deux « bantuistes », des analyses sur la longue
évolution de la lutte des noirs dans l’enfer esclavagiste et colonial brésilien,
sous ses formes armées, sociales, civiques et politiques.

L’époque contemporaine de ce combat pour la liberté est analysée avec
ses grands acquis au niveau de la perpétuation de la mémoire niger,
matérialisée, d’ une part,  par le lancement, au début des années 80,  du
programme fédéral  Mémorial Zumbi de Palmares, et, d’ autre part, dans le
domaine de l’éducation, avec la promulgation de la réformatrice Loi de 2003
portant sur l’ introduction dans les curricula, des études sur les relations
 ethno – raciales ainsi que l’ histoire et  la culture afro-brésilienne et
 africaine.

 Initiant sa contribution avec des épitaphes évoquant la « rainha
Ginga
 » et les esclaves que l’on caractérisait, au Brésil, comme angolas,
cabindas, benguelas, mocambiques
, etc., Nei Lopes soutient que dans la
générique dénomination « pièces de Guinée » , l’ on y incluait aussi les captifs
embarques de la Basse Guinée c’est a dire de la Loango Coast, du littoral
du Royaume du Congo et de la Colonie d’Angola. Cette appellation
commune fut renforcée par le transit fiscal des cargaisons de bois d’ébène à Sao
Tome, la stratégique colonie portugaise, tète de pont, dans le Golfe de Guinée,
de l’intense mouvement esclavagiste qui se déroulait dans la region, et cela,
des le début du XVI eme siècle.

Selon le chercheur de Seropedica, l’interminable embarquement des Bantu
se fera depuis les zones grassfieldiennes jusqu’ au fleuve Coporolo, au sud de
Benguela, et, sur la « contre cote » orientale, entre le Zambèze et le Limpopo,
dans l’actuel Mozambique.   

Et,
le principal axe stratégique du ravitaillement en main d’œuvre, corvéable et
taillable a merci, de l’économie du «  Vice-Reino », en pleine colonisation,
sera celui établi avec les terres de la Reine et des Rois Nzinga.  

Mu
par le lancement, en 1532, de l’exploitation de la précieuse canne a sucre et de
la découverte du très mercantiliste or, vers la fin du XVII eme siècle, le
trafic humain entre les deux rives de l’Atlantique va s’accélérer.

BLOC TRINITAIRE

Le
« sambiste » carioca rapporte qu’entre 1700 et 1850, les 2/3 de la main d’œuvre
africaine débarquée à Recife et Rio de Janeiro, provenaient de Sao Paulo de
Assumpcao de Loanda et de Sao Felipe de Benguela.

Selon lui, l’on y a enregistre l’introduction des rebolos,
mondonga, cabanga, cabeza, cangungo, cazongo, coanza, hanga, manga, ocarimba,
quisama, quitama
et benguela.

Et,
divers registres contiennent, pour les congo installes dans le Brésil,
portugais ou hollandais, les lumbo, vili, mbanda, bashilongo, musorongo,
mpomba
et mbata.

Il
signalise, également, l’entrée des anjicos ou
mfumungu, actuels tekes et des « gaboes », voisins
des congo.

Pour la cote mozambicaine, l’auteur des fameux dictionnaires bantu du
Brésil relève la venue des quiloas, ronga, tonga, shope, senga, ngon,
macua
et ajaua.

Nei
Lopes confirme, logiquement, la nette influence du bloc trinitaire
kikongo-kimbundu- umbundu dans la formation des particularités de la langue de
Camoes, parlée et, même, écrite, actuellement, dans la République Fédérative.

Celui-ci mentionne une trentaine de termes lies à la fameuse entité
historique Congo/Angola, et, l’on y retrouve des mots tels que
cumba, muamba, bunda, camundongo, tanga et muvuca  

Le
coriace érudit afro-brésilien reprend la fameuse affirmation du respectable
Renato Mendonca (1948), selon laquelle : « Le quimbundo, par son
utilisation plus vaste et plus ancienne, a exercé sur le portugais, une plus
grande influence  que le nago…
 ».

Musicien et compositeur de talent, le collaborateur de Sankofa constate
que les termes bantu surpassent, et de très loin, le vocabulaire d’origine nago,
de circulation plus limitée.

Reprenant Simao Souindoula, il constate que même le vocabulaire des
cultes jeje-nago a intégré des mots bantu tels que  quizila (tabu)
ou dijina (iniciado).

Le
solide homme de culture d’Itaguai, qui sait qu’il est oblige d’être,
scientifiquement, très rigoureux  face aux implacables mandarins des universités
d’Etat et des universités fédérales de son pays, propose un tableau contenant
une cinquantaine de mots portugais ayant subi l’altération phonétique ou
morphologique et syntaxique bantu.

Un
des exemples de processus de modification phonétique est, comme en Afrique
bantu, casaco que l’on prononce casacu.

L’analyse de la composante bantu de la culture nationale brésilienne
menée par le chercheur de Santa Isabel, étude de caractère éminemment
linguistique et anthropologique est  renforcée par  l’article, de nature plus
historique, de Beatriz Nascimento portant sur le remarquable phénomène de
résistance des afro-brésiliens opprimés, le quilombo, dont la
première référence administrative date de 1559.

ANGOLA/JANGA

Le
travail cette auteure, qui s’est remarquée par son activisme contagieux,
présente, invariablement,  une étonnante remontée à l’actuel territoire
angolais.

Cela s’explique par l’origine du terme, qui est proto-bantu ou bantu,
sous ses formes secondaires telles que  nlumbu ou eumbo, dans le
sens de propriété, résidence ou territoire.

Cette filiation résulte, également, a toutes les périodes de l’histoire
du Brésil esclavagiste de la formation de dizaines de territoires rebelles,
véritables « perigos negros », d’obédience visiblement bantu.

En
effet, en 1584, se constitue le célèbre Angola-Janga, plus connu sous
l’appellation de Quilombo dos Palmares et que dirigea le présumé jaga, Ganga
Zumba
.

L’on signale, dans le Rio de Janeiro impérial, niches, pour l’
essentiel, dans les montagnes, les Quilombos de Catumbi et celui que
dirigea Manuel Congo.

Au
XVIII eme siècle, l’on note la destruction du Quilombo de Tijuco, dans
les pénibles Minas Gerais.

  Et, vers 1830, l’administration rapporte
l’organisation d’une intense activité religieuse dans le Quilombo de
Cabula
, à Salvador, à Bahia.

La
lecture du deuxième volume de cette collection est, a tous points vue,
attachante parce qu’elle confirme les apports linguistiques et anthropologiques
africaines, définitivement gravés,  dans la riche et  variée culture  nationale
du Brésil.

Cette dimension, associée à l’extraordinaire brassage humain intervenu
dans ce vaste territoire d’Amérique du sud, a en fait la deuxième puissance
noire du monde, potentiellement membre de l’Union Africaine, dans le cadre du
projet d’institutionnalisation de sa Sixième Region.

Logique avec cette perspective, le Brésil sera le Pays, Invite d’
Honneur, de la Troisième édition du Festival Mondial des Arts Negres, qui se
tiendra dans la senghorienne Dakar, du 1 au 14 décembre prochain.

Par

Simao SOUINDOULA

Vice-président  du Comite Scientifique International

du
Projet de l’UNESCO « La Route de l’ Esclave »

C.P. 2313    Luanda   (Angola)

Tel. : + 244  929 74 57 34

 

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