La Reforme de l’Enseignement Supérieur et Universitaire au Congo, Par où Commencer ? (Mzee Lombe Mwembo, Ph.D)

 Toutefois, sachant que tout est à refaire au Congo, la question
qui se pose tout naturellement est celle de savoir par où commencer. Faut-il
commencer par la fin pour terminer au commencement ou bien commencer au
commencement pour terminer
à la fin? Faut-il
commencer au primaire, au secondaire pour améliorer le niveau des étudiants qui
entrent dans l’enseignement supérieur et universitaire ou bien commencer au
niveau universitaire ? Existe-t-il une relation de collaboration entre les
deux ministères pour décider par où commencer ?

Qui dit reforme dit changement de formes, de
structures et de fonds d’un programme afin d’atteindre une amélioration. Une
reforme n’est pas une fin en soi. Son efficacité doit être mesurée en termes de
changements visibles et palpables qui améliorent la qualité de la vie. Définie
de cette manière, toute reforme dans notre système d’enseignement n’est que
louable. Pour avoir osé de bousculer le système quasi périmé, Dr. Mashako
mérite nos éloges. Parce que nous parlons de reforme au niveau universitaire,
nous devons comprendre ce que le terme université veut dire.

Signification et Mission de l’Université

L’origine de l’enseignement universitaire
remonte à Kemet connu à ce jour comme ancienne Egypte. Il est important de
rappeler tout simplement que le mot université vient du terme ‘ univers’. Cela
veut dire que l’université congolaise a la mission et l’objectif de placer l’univers congolais ou le monde congolais, ou le cosmos congolais au centre de ses
activités d’enseignement, d’apprentissage et de recherches. Quel monde
[univers] est au centre de notre système d’enseignement universitaire
actuellement? Les langues, les cultures, les valeurs, les traditions et les
technologies congolaises ne sont pas au centre de notre enseignement
universitaire. Par contre, ce sont les langues, les valeurs, les technologies
des autres qui dominant le centre de nos universités. Notre univers est délogé
de notre université. Depuis longtemps, le très respecté, l’Abée Ekwa a déploré
la rupture qui existe entre notre enseignement et nos valeurs morales et
sociales. Nos universités ne sont pas encore des institutions citoyennes, elles
sont centrées sur un univers étranger. Il y a une rupture totale entre ce que nos étudiants apprennent dans les
auditoires et les réalités de leurs vies.

L’une des conséquences du délogement de nos
langues et cultures par les langues et les valeurs des autres fait que nos
enfants qui terminent l’université ne connaissent pas leur pas pays, ne
connaissent pas leurs cultures et leurs valeurs et surtout ne sont pas utiles à
notre pays. Ils connaissent bien la géographie de la Belgique mais ne savent
pas où se trouve le parc de Virunga et son importance dans le développement
national. Ils connaissent Louis XIV, mais ne savent rien de la reine Zinga
Nkuvu ni des exploits des Azande.  Combien d’étudiants congolais savent que la
Reine Nzinga Nkuvu était aussi Général d’armée, et seule, elle a réussi monter
une armée qui résista les invasions portugaises pendant de nombreuses
années ? Connaitre son histoire est un exercice important car l’histoire
inspire, oriente, encourage, instruit et incite à l’action, les événements se
répètent.  Quelques uns de nos étudiants
peuvent bien écrire le français, mais ne savent pas écrire correctement cent
mots en leurs langues. La vraie reforme est attendue impatiemment pour avoir la
qualité de l’enseignement et la qualité de la vie des étudiants.

Que Signifie la Qualité de l’Enseignement ?

Ce n’est pas la réussite en termes de
pourcentages qui doit être appelée qualité de l’enseignement. La qualité de
l’enseignement ne consiste pas à construire les bâtiments scolaires, ni à
équiper les classes et les auditoires des équipements ultramodernes ni a
posséder des tonnes de livres. La qualité de l’enseignement ne se traduit pas
non plus par les fréquences des reformes timides. Toutes ces choses sont
importantes. La qualité de l’enseignement consiste à dispenser un enseignement
approprié et adapté aux réalités du milieu local d’abord et au monde extérieur ensuite.
Cette sorte de
reforme demande un courage politique exceptionnel compte tenu des défis énormes
internes et externes. Elle exige une sensibilisation populaire car nos peuples
sont nés et ont grandi dans les cultures congolaises statiques réfractaires au
changement et à l’adaptabilité. Il faut cultiver la culture de l’adaptabilité
au changement qui nous manque sérieusement au Congo et en Afrique.

Une reforme profonde de notre système
d’enseignement est nécessaire, mais il faut commencer par une reforme qui
valorise les jeunes et place leurs intérêts et leurs besoins au centre. Les
universités et les instituts supérieurs ont déjà formé des dizaines de milliers
de jeunes qui ne savent pas utiliser l’enseignement reçu. En termes clairs, je
suggère que le gouvernement mobilise des fonds de l’intérieur et à l’extérieur
du pays pour créer des écoles de rattrape, de recyclage, des instituts
communautaires qui vont accueillir les jeunes et leur apprendre un métier. Selon
le Rapport de conjoint de la Banque Mondiale, le Gouvernement de la RDC et les
institutions scolaires du Congo (2005), près de cinq millions de jeunes de
l’âge scolaires n’étaient pas à l’école. Si à cela nous ajoutons de milliers de
diplômés du secondaire, des instituts supérieurs et universitaires qui n’ont
pas d’emploi, nous avons à peu près six millions de jeunes sur la rue. Une
bonne reforme doit inclure ces six millions de jeunes afin d’éviter une
catastrophe dans quelques années.

Un enseignement de qualité ne doit pas être
compris en termes de réussite aux concours ou aux examens. Le Congo a des
milliers de jeunes qui ont réussi leurs diplômes avec 60% ou plus, mais la
qualité de leur vie est misérable. Le pourcentage ne traduit pas nécessairement
la réussite de la vie. Au Congo, nous avons besoin d'une reforme qui met
l’accent particulier sur l’entreprenariat.
Nos jeunes doivent apprendre différent métiers et professions pour être utiles
à eux mêmes et utiles à la nation et au monde. Notre système d’enseignement à
tous les nouveaux doit accentuer cet esprit d’entreprenariat et récupérer les
six millions abandonnés dans la rue.

Observez ce qui se fait et se vend dans les
rues, les marchés et les villages du Congo et tailler un enseignement approprié,
c’est cela la mission de nos universités. Toutes les imitations des universités
internationales sont bonnes. Cela est important car nous ne devons pas être
fermés sur nous mêmes, mais nous devons d’abord créer des universités qui
répondent aux besoins des étudiants en nourritures, vêtements, logement, transport, loisirs, etc.

L’idée de concours pour être admis dans
l’enseignent supérieur et universitaire ne doit pas être comprise comme une
reforme comme tel, car cela ne changera rien à la situation socio-économique
actuelle des nos étudiants. Ceux qui seront admis avec plus de soixante
pourcent seront les enfants des riches. Au Congo obtenir 50% des points ne
signifient pas toujours être moins intelligent. Mais signifie souvent que l’on
n’a pas eu d’argent pour corrompre. Exiger les 60% des points est une bonne
chose, mais tant que la culture de la corruption domine tous les secteurs de la
vie nationale et même les églises, cette noble idée du Dr. Mashako n’apportera
pas le changement ou l’amélioration espérée. Les parents vont corrompre pour
que leurs enfants obtiennent les 60% exigés. Le système de cotation au Congo
est démodé. Il doit être revu, car aux USA par exemple, un congolais qui amène
son diplôme avec 60% cela équivaut presque à la cote ‘D’. Il ne s’agit pas de
copier les Usa, mais de revoir le système de cote au Congo qui est trop sec,
moins objectif et peu transparent.

Notons aussi que le système de concours rappelle
la stratégie coloniale qui éliminait les élèves pour avoir échoué une leçon de
religion ou de musique; ils étaient renvoyés de l’école pour aller cultiver les
champs. Si les congolais répugnent les travaux des champs aujourd’hui, l’une
des raisons est à chercher dans le système éducatif colonial. Celui-ci faisait
croire qu’obtenir un diplôme était la clé d’une vie aisée avec un bon emploi,
de l’argent, promotion, etc. La réalité montre le contraire. Même dans les pays
comme l’Irlande et les Philippines où le niveau de l’éducation est très élevé,  un grand nombre de diplômes n’ont pas
d’emploi.

Par contre, aux USA, seulement près de 26% de la
population ont le niveau de Licence. Le reste de trois cent millions des
américains a le niveau de l’école secondaire. Cependant, les américains ont
appris un métier et certains d’entre eux qui n’ont que le niveau secondaire ou
qui n’ont fait que deux ans après le secondaire et détiennent leur
« Associate Degree » vivent parfois mieux que leurs compatriotes qui
ont des diplômes universitaires. Tout cela grâce à l’esprit d’entreprenariat
qui caractérise le peuple américain.

Un autre grand inconvénient du système de
concours est la création de classes sociales. Les concours créent une
stratification sociale qui à la longue engendrent des injustices et des
inégalités sociales, car les ont vont tout posséder pendant que les autres
n’auront rien du tout.

Erreur à Eviter

L’une des raisons de faire la reforme est la
multiplication des universités et des instituts supérieurs non viables et non
fiables non plus. Cela se voit
à l’œil nu.
Cependant, prendre la décision de fermer ces institutions sans une solution de
rechange est une erreur à éviter. D’abord la décision de fermer les
institutions non viables décourage les initiatives locales. Or rien n’est plus
grave dans la vie nationale que de décourager les initiatives locales, car
d’elles naitront le développement endogène dont parle le Président de la
République. Si les gens sont souvent empêchés de créer, ils finiront par
croiser les bras et se dire, attendons voir. Le gouvernement a raison
d’empêcher l’anarchie, mais la manière de le faire doit éviter de décourager
les bonnes volontés et les initiatives locales rares au pays. Plus important
aussi est la question de savoir ou iront des milliers des jeunes qui
fréquentent les universités non viables. Notre gouvernement doit travailler dur
pour encadrer, soutenir et financer les institutions déjà existantes pour ne
pas verser les jeunes dans les rues déjà encombrées.

Une Université Congolaise pour l’Univers Congolais

La meilleure façon de constituer une élite
intellectuelle congolaise en évitant une stratification de la société
congolaise et compétition suicidaire est de donner aux jeunes plusieurs
options: créer des écoles de métiers, des écoles professionnelles, des écoles
artisanales, des universités dotées des options multisectorielles, etc. Les
enfants choisiront eux-mêmes leurs orientations et se rendront compte que faire
l’école de métiers est plus profitable que faire l’université qui conduit au
chômage. Si le gouvernement veut aider nos enfants, la seule voie obligée est
de faire tous les efforts pour réunir assez d’argent. Avec cet argent créer des
écoles des métiers, des écoles professionnelles et des écoles artisanales. Le
people congolais est un peuple entreprenant. Notre système d’enseignement doit
apprendre à nos enfants à produire la nourriture, leur apprendre à fabriquer
les habits, les souliers, les bijoux, les lotions, les meubles, les allumettes,
le pain, la beurre, les voitures, les vélos, construire les ponts, les routes,
les ordinateurs, etc. Ceux qui les fabriquent ont été créés comme nous par le
même Dieu qui ne voit pas la différence dans la couleur de la peau. Ce que les
autres font, nous pouvons le faire. Il n’y a que le ciel qui peut nous empêcher
de voler comme nous voulons.

Au lieu de former les enfants qui réussissent à
un examen pour mourir chômeurs, luttons pour une reforme en profondeur de l’université
connectée à l’univers congolais avant d’être une université universelle. Enfin,
pour réussir une reforme, tout comme pour réussir tout projet social, la base
doit soutenir ce projet. Une reforme sans appui de la base est bâtie sur les
ruines et est semblable à un arbre sans racines. Les idées qui viennent d’en
haut doivent être divulguées, propagées, vulgarisées à la base composée des
parents, étudiants, écoles. Ce sont l
à les partenaires de l’éducation. Cela demande du temps et des stratégies en
plus de l’argent. Les reformes ne devraient pas surprendre les gens. Elles
doivent être annoncées, discutées, planifiées avant leur entrée en exécution
graduellement. Les reformes ou les mesures qui se prennent à la hâte n’ont pas
la chance de réussir car elles manqueront le soutien des intéressées. Oui,
notre enseignement a besoin des reformes profondes qui transforment les vies et
non les reformes qui créent des problèmes supplémentaires.

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