26.08.09 MSF- Haut Uélé : " Les exactions contre les civils continuent "

"De

Faradje, Hôpital général de Faradje – Haut Uélé, Province Orientale, RDC.

© Miguel Cuenca

Quelle est la situation aujourd'hui dans cette
région du Congo?

Depuis septembre 2008, les rebelles de l'Armée de
résistance du Seigneur (Lord's Resistance Army ou LRA), qui viennent de
l'Ouganda voisin, commettent des actes de violence à l'encontre des populations
des Haut-Uélé et Bas-Uélé, au nord-est de la RDC.

Ces violences, qui touchent plusieurs régions du
nord de la RDC, du Sud-Soudan et de République Centrafricaine, ont été
exacerbées par les opérations menées contre la LRA par les armées des pays
voisins en décembre 2008.

Aujourd'hui, les exactions contre les civils
continuent et l'accès des organisations humanitaires reste difficile en raison
de la forte insécurité.

Peux-tu nous parler de ta mission et des
projets de MSF?

J'étais responsable du projet de MSF dans les
villes des Niangara et Faradje, dans le district du Haut-Uélé.

A Niangara, MSF soutient un hôpital d'une
cinquantaine de lits, et offre notamment des soins médicaux et psychologiques
pour les victimes de violences sexuelles.

De l'autre côté de la rivière Uélé, qui traverse
la ville, nous travaillons aussi dans un centre de santé. Au total, l'équipe de
Niangara assure 800 consultations médicales par semaine.

Du côté de Faradje, nous appuyons un centre de
santé de 40 lits, où l'équipe assure 500 consultations hebdomadaires et offre
également une aide psychosociale aux personnes ayant vécu des expériences
traumatisantes.

D'autres équipes MSF travaillent également dans
les localités de Dungu, Dingila et Doruma. Au total, 130 Congolais et 21
employés internationaux travaillent dans les projets de MSF au Haut-Uélé et
Bas-Uélé.

Où vivent les populations déplacées
par les violences ?

Selon les estimations officielles, 250 000
personnes ont fui les violences dans le nord de la RDC et des dizaines de
milliers d'autres ont traversé la frontière pour se réfugier au Sud-Soudan. A
Faradje, 4 000 personnes déplacées vivent rassemblées dans trois camps alors
qu'à Niangara, ils sont environ 10 000 à être accueillis par la population
locale.

La population locale essaie tant bien que mal
d'aider les déplacés et fait preuve d'une grande solidarité en leur offrant un
abri, de la nourriture et des vêtements, alors que ces personnes ne parlent
parfois pas la même langue. Or la population locale vit déjà dans des conditions
très précaires et les conditions de vie se détériorent pour tout le monde. Ici,
les gens partagent tout, même la misère.


Les déplacés peuvent-ils aujourd'hui
rentrer chez eux?

Certains ont essayé mais c'est une minorité. Et
souvent, ce qu'ils trouvent sur place les dissuade de rester : leurs maisons ont
été brûlées, leurs biens pillés, et l'insécurité est omniprésente.

La plupart des déplacés restent donc dans les
villes ou les camps. Quand la nourriture fait cruellement défaut, certains
tentent des allers-retours vers leurs champs. Or, la dernière récolte de mars et
avril a été perdue. Pour celle qui arrive maintenant, la plupart des habitants
de la région n'ont pas pu semer en raison de l'insécurité.

Comment se traduit cette insécurité
chez les populations ?

Ces attaques ont lieu depuis septembre 2008. La
frayeur est tenace parce que presque tout le monde a été affecté par une forme
de violence, soit parce qu'ils en ont été les victimes directes, soit parce que
des personnes de leur entourage ont subi un meurtre, un viol ou un
kidnapping.

Dans les yeux de chacun, vous percevez une peur
indescriptible : la peur de se faire attaquer pendant son sommeil, la peur de
voir ses enfants se faire kidnapper, et la peur d'abandonner sa maison et sa
terre, source première de nourriture.

Lors des consultations, l'équipe MSF soigne le
paludisme, des infections respiratoires ou des infections sexuellement
transmissibles, mais aussi des cas de gastrites ou de douleurs diffuses. Or ces
derniers diagnostics sont des indicateurs, entre autres, de stress.

En plus des soins médicaux, nous avons mis en
place un programme d'aide psychosociale. Dans cette région, presque toutes les
personnes que vous rencontrez ont vécu des expériences traumatisantes. Ces
dernières semaines, au centre de santé de Faradje, nous avons reçu un nombre
croissant d'enfants qui avaient été kidnappés par les rebelles de la LRA pour
servir de porteurs, de combattants ou encore d'esclaves sexuels.

A ce jour, nous avons pris en charge 108 enfants,
garçons et filles, âgés de 9 à 18 ans. Nous leur offrons un endroit où dormir,
des espaces de jeu et un accompagnement individuel par une psychologue MSF. J'ai
été impressionnée de voir à quel point ils évoluent positivement.

Les organisations d'aide sont-elles
en mesure de répondre aux besoins des populations ?

Il est très difficile pour les organisations
humanitaires de travailler dans la région. MSF est d'ailleurs contrainte
d'effectuer la majorité de ses déplacements par avion, en raison du manque de
route et de l'insécurité.

Aujourd'hui, l'aide humanitaire est largement
insuffisante pour répondre aux besoins de ces populations, déplacées ou non.
C'est pourquoi nous continuons d'appeler d'autres organisations humanitaires à
établir une présence permanente auprès des populations des Haut-Uélé et
Bas-Uélé, comme le fait MSF pour le moment.

 

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