Jean Pierre Bemba, le Mlc et 2011 (L'Oeil Congolais)
Le drame du Mlc, il n'est malheureusement pas le seul dans cette situation,
est celui de tous les partis politiques du Congo en particulier et ceux
d'Afrique en général, à quelques exceptions près, est celui d'avoir un
leadership dont l'aura et le charisme supplante les structures, l'idéologie et
la vision du parti. Cette situation est justement dû au fait que tous ces
partis n'ont, durant leur existence et l'exercice du pouvoir, ni su insuffler
ni communiquer une quelconque vision à la société.
Ainsi donc la survie et l'existence du parti repose sur l'aura et le
charisme de son fondateur, qui pour la plupart du temps est et demeurera le
seul président de ce parti jusqu'à sa mort. Car lorsque cette dernière
surviendra, le parti cessera d'exister au mieux et au pire disparaitra. La mort
du fondateur et leader charismatique du
parti conduira à des luttes intestines qui aboutiront à la création d'ailes qui
se réclameront tous de la paternité du fondateur. Ceci est le plus grand drame
des partis politiques en Afrique, qu'ils soient du pouvoir ou de l'opposition
tous partagent le même drame.
On aurait pu croire que la longévité du leader et sa durée au pouvoir
auraient pu consolider le parti ou créer une cohésion opportuniste des cœurs, à
défaut de celle d'esprit, aux seins de ces “ouailles”, mais la mort de Bongo, 42 ans au pouvoir, le nombre
pléthorique des candidats, transfuges du PDG et les défections de certains hauts cadres, ont vite fait de me déchanter.
Même longtemps au pouvoir, les partis politiques africains ne parviennent
pas à survivre à l'affaiblissement physique et la mort du leader (charismatique).
L'Udps et le Palu en sont des exemples palpables. Tshisekedi et Gizenga,
tous vivants, ne parviennent plus à contrôler la masse d'
“ouailles” qui ont
fait d'eux des semi-dieux. Un entourage gourmand qui a su bâtir autour de ces
hommes des ramparts imprenables, a organisé une cour de courtisans dans laquelle l'évocation
des mots “alternance” et “succession”
vous classaient dans la liste des “suspects”. Aujourd'hui ces personnages, à la
fin de leur vie, n'ayant plus les nerfs solides pour résoudre les palabres,
sont des spectateurs impuissants de la bataille au pouvoir auquel se livre “ leurs fils” qui se réclament tous
“héritiers” légitimes et de droit du « Lider maximo » pour les uns et
de « Yandi Ve » pour les autres.
Dans une situation post-électorale qu'était la notre, le Mlc se présentait
comme étant l'alternative (la seule?) sérieuse au pouvoir de l'AMP et de Joseph Kabila.
Le charisme et le populisme de son leader le plaçaient sur les sentiers du
pouvoir. Malgré la situation post-électorale qui a prévalu, les relations
exécrables entre Jean-pierre Bemba et Joseph Kabila, qui ont abouti aux
affrontements sanglants que Kinshasa a connu, et malgré son exile forcé, Jean
Pierre Bemba restait et demeurait toujours dans le cœur de certains congolais
comme l'autre solution pour 2011 au cas où cette législature, à qui on
souhaitait et souhaite tous les malheurs du monde et vœux d'échecs, venait à se
casser la gueule. Malgré la défaite aux
législatives et aux provinciales, le MLC et l'alliance qui l'avait pu créer
autour de lui avait su garder un semblant d'unité et refusa de disparaitre, leur évitant ainsi le
cachet d'une alliance électorale opportuniste.
Loin de Kinshasa, le Mlc et ses partisans espéraient un retour triomphal et
triomphant du “Igwe”. la promulgation de
la loi sur le statut de l'opposition et de son porte-parole était l'occasion
parfaite pour un retour magistral de Igwe. Mais tout cela était sans compter
louis Moreno Ocampo, qui depuis 2005, avait Jean-Pierre Bemba dans son viseur.
Et malin était celui qui aurait pu prévoir l'arrestation de Bemba par
2008 à Bruxelles.
Cette nouvelle a fait l'effet d'une bombe dans l'espace politique congolais,
lorsque les uns parlaient de justice internationales, les autres ne juraient
que sur un complot ourdi à partir de Kinshasa en complicité avec les puissances
occidentales en vue d'éliminer un ennemi politique.
Et dès ce jour, l'opposition a cessé d'exister en République démocratique
du Congo. Le Mlc se retrouve depuis tétanisé et paralysé par l'absence de JBG.
Certes, il était en exile mais libre, mais cette fois-ci il fallait compter
avec le fait qu'il était devenu prisonnier international, accusé de crimes
graves. Cette arrestation avait stoppé la vie de l'opposition congolaise. Pour
preuve, la loi sur son statut et celui de son porte parole, malgré son adoption
par le parlement et sa promulgation par le président, est restée lettre morte.
Jean pierre Bemba absent, l'opposition politique a perdu son essence de vie, du
moins c'est l'impression que cette dernière ne cesse de me donner.
C'est là que le malheur s'est produit, comme par magie le Mlc a cessé de jouer
son rôle de grande sœur de l'opposition. Il s'est donné un nouveau leitmotiv: “
Sauver le soldat Bemba”. Dénonciations, condamnations, marche de
soutien, appels pour la remise en
liberté de Bemba, ont été et sont devenus le combat du Mlc. En consacrant corps
et âme au sort de Jean Pierre Bemba et sa libération, le Mlc s'est éloigné du
réel du combat politique. Sauver Bemba a, pendant un moment, l'impression
qu'une capitalisation de cette situation aurait été possible, en parvenant à rassembler les partisans et les
congolais autour d'un slogan qui serait devenu un combat politique. Mais l'absence du Mlc sur la scène politique, les
actions à impacts visibles et peut-être électoralistes,de Joseph Kabila et la
campagne de charme de son épouse, ont rappelé aux kinois et aux congolais que
la vie pouvait continuer sans Jean pierre Bemba. Pourquoi dans ce cas se
préoccuper du sort d'un homme qui, pendant des dizaines d'années s'est enrichi
sous Mobutu, alors que les cinq chantiers semblent devenir une réalité.
Malheureusement le Mlc ne semble toujours pas saisir cette donne qui a
changé. Jean Pierre Bemba a été arrêté, il faut penser le Mlc sans lui et mener
le combat politique sans lui. Combattre pour sa libération, est certes
honorable, mais ne peut être au centre des préoccupations de ce parti et de ses
militants. Lorsqu'après l'arrestation de JBG, José Makila, alors gouverneur de
l'Equateur, avait essayé de faire bouger les choses, légalement ou pas, tous
les cadres du Mlc ont vite fait de lui rappeler que Jean Pierre Bemba en vie,
il était nullement question de le remplacer. De sa cellule dorée de
commandes.
Pendant que le Mlc espère une libération (improbable?) de Bemba, le parti
pouvoir exploite le terrain vide lui laissé par l'opposition. Et c'est de bonne
guerre que ces derniers se réjouissent, de ce que l'opposition s'inquiète plus
du sort de Bemba, que de la façon dont s'exécute les cinq chantiers et comment
se prépare 2011. Et oui 2011 avance à grands pas, et le parti au pouvoir ne
ménage aucun effort pour exploiter ce vide laissé par l'opposition.
Le Mlc victime de son leader semble aujourd'hui être incapable d'envisager
son avenir politique au-delà de son président fondateur. Le parti ne vit et ne
respire que par et pour lui. L'absence de Jean-Pierre Bemba aurait dû être une
opportunité à saisir par les cadres de ce parti pour organiser une alternance
au sein du parti et ainsi préparer un candidat pour les échéances de 2011. En
effet succéder à Bemba n'est pas une mince affaire, c'est pourquoi il était
nécessaire au Mlc de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de
préparer un nouveau leadership capable de se présenter en alternative
valable à Joseph Kabila.
A une année et demi de 2011, fort est de constater qu'il ne faudrait pas
espérer l'apparition d'un leader miraculeux qui sortirait du Mlc ou de toute
autre formation de l'opposition. Ceux-ci ont démontré leur incapacité à
s'organiser et à survivre au delà du chef-fondateur. Le Mlc a démontré son incapacité a trouver
une alternance à JBG, et c'est peut être
cela qui a motivé des cadres comme Delly Sessanga à se positionner au centre,
et créer un nouveau courant au sein même du parti. Courant qui avait suscité
bien des interrogations lors de sa création.
Si le Mlc veut survivre à 2011, il est temps que ces cadres se mettent a
réfléchir et à planifier au delà de Jean-Pierre Bemba et son improbable
libération. Les échéances électorales avancent à grands pas, la coalition au
pouvoir se met déjà en ordre de bataille pour une victoire au premier tour,
parce qu'en 2011 plus que jamais cela est possible. En 2006, Joseph Kabila a
été l'homme de la paix, il est fort à parier qu'en 2011, il ajoutera à sa
casquette de faiseur paix, la casquette de bâtisseur.
Si d'aventure, Jean Pierre Bemba
venait à être libéré, aurait-il les mêmes chances qu'en 2006 de faire basculer
le vote en sa faveur ?!
L'échec prévisible du Mlc et de
toute l'opposition en 2011 sera plus le résultat d'une paralysie politique
interne au Mlc qu'à l'existence d'un bilan réellement positif de l'AMP.
Si le charisme d'un leader peut être le secret de la réussite d'un parti,
il peut être aussi la cause de la chute
de celle-ci dans les limbes de l'histoire collective. Le charisme du leadership
doit servir à cimenter et accompagner l'idéologie et la vision que le parti
véhiculent au sein de la société. L'exercice de déification du leader et le
“culte de son indispensabilité” qui lui est rendu, hypothèque l'avenir d'un
parti politique en limitant sa durée de vie à celle de son créateur.