Les raisons de participer aux élections de 2011 (Njoli Bodjenga)

  

Les conditions de tenue des élections en RDC ne se
sont vraisemblablement pas améliorées depuis 2006. Il est même possible
que le régime congolais, ayant pris un brin d’assurance, truque encore
plus grossièrement ces élections et détruise encore plus facilement des
vies pour se maintenir en place. Mais le pouvoir reste toujours une
relation, et à cause de cela il dépend de tous les protagonistes et non
seulement de ceux qui y sont positionnés avantageusement. Il faut donc
se donner la peine de regarder sa gestion sous plusieurs points de vue
pour s’en faire une meilleure idée. Les choses ne sont pas toujours
comme on les perçoit, les premiers seront peut-être les derniers.
Répondons aux 2 questions précédentes en essayant de regarder les
choses autrement.

 

 

Pour quelles raisons les Congolais devraient-ils
participer aux prochaines élections malgré les risques de fraude qui
sont peut-être même un peu plus élevés qu’en 2006 ?

 

 

Premièrement le processus électoral étant une
propriété collective des Congolais, ceux derniers devraient le
récupérer tout de suite peu importe l’état dans lequel il se trouve.
Personne ne va le réparer pour eux. Ils doivent donc commencer par se
le réapproprier et faire ainsi savoir à ceux qui le détraquent, aux
farfelus négateurs de l’identité congolaise, que cet outil est
propriété d’un peuple qui se reconnaît. C’est un exercice mental et
politique d’importance capitale pour un peuple en lutte, c’est un
territoire national à reconquérir et à remettre sous le drapeau.

 

 

Deuxièmement, les élections représentent une
opportunité de mobilisation et d’apprentissage sans égal qu’on ne
devrait jamais ignorer. Le boycotte électoral est complexe et ambigu.
Très peu d’électeurs congolais en comprennent le sens ni l’intérêt dans
le contexte politique actuel; il ne peut être que compromettant pour la
lutte de démocratisation alors que les élections représentent toujours
un momentum crucial où tout peut se jouer. La meilleure chose qu’un
parti d’opposition puisse faire est de s’y préparer plus intensément en
multipliant des alliances et en évitant d’envoyer des messages contradictoires à l’électorat.
Ce sont ces messages contradictoires qui désorientent la population et
l’empêchent, par exemple, de revendiquer énergiquement son vote
lorsqu’on le lui vole. Si les signaux des leaders sont incohérents, par
rapport à l’objectif reconnu, il est normal que la masse perde son
instinct et réagisse de manière atypique.

 

Ces élections seront très probablement pleines
d’obstacles pour les oppositions. Il faut cependant constater que si
les 13 parlementaires du Zaïre s’étaient découragés en disant « que
d’obstacles, que d’obstacles ! », les Zaïrois ne se seraient pas encore
départis du MPR-Parti-État. En réalité, dans le contexte actuel de
lutte de démocratisation, chaque obstacle est une opportunité de
victoire sur la déraison et aussi une opportunité de cohésion pour la
nation congolaise. Il faut les attaquer (les obstacles), à travers des
élections, pour pouvoir gagner, le plus de cœurs et d’esprits possible,
et faire progresser la société congolaise à la mesure de ces gains et
même des échecs.

 

 

Troisièmement, il faudrait arrêter de penser que les
élections ne devraient servir qu’à déloger Kabila. Il faut reconnaître
qu’il n’a pas été possible d’établir une unanimité significative à son
encontre et que de toute manière cela ne serait pas suffisant pour
démocratiser l’État congolais qui est aussi squatté par de nombreux
élus sans causes ni moralité ni compétence. Les élections sont
destinées à renouveler l’essentiel de ce personnel politique mais
surtout à impliquer tous les citoyens dans l’implantation de valeurs
politiques appropriées à la démocratie. C’est au travers les luttes
électorales que ces valeurs s’expriment le mieux et que les citoyens
les intègrent. Il semble même que cette implication formelle, dans les
processus électoraux, se trouve à la base de certaines revendications
révolutionnaires qui ont avancé bien de sociétés. Pour la favoriser il
est important que les leaders évitent d’envoyer des messages équivoques qui désorientent et perturbent l’instinct révolutionnaire de la masse;
les gens ne peuvent rien revendiquer si les choses sont floues. Si par
contre on favorise la synergie parmi eux, sur base d’un dénominateur
commun tel que les élections, ils seront en mesure d’estimer
l’orientation de leur choix collectif et d’en exiger le respect avec
une pression appropriée. C’est ainsi que peut naître une révolution
crédible, efficace et respectable si besoin est.

 

 

Disons une fois de plus que les choses ne sont pas
toujours comme elles semblent être. Contrairement à ce qu’on pourrait
penser, certains observateurs constatent que le pouvoir congolais a
déjà la trouille électorale. Il ne serait donc pas assuré de sa
capacité à détourner des votes aux prochaines élections. Alors pourquoi
lui faciliter la vie par une politique de chaise vide ?

 

Un compatriote, J-P Mbelu, a déjà suggéré avec
raison qu’il ne fallait pas attendre 2011 pour agir. Il ne faudrait
cependant agir que dans la perspective de ces élections si l’on veut
avoir un impact réel sur la démocratisation de l’État congolais. Il faut donc commencer la campagne électorale (sujet
à venir). Il est temps maintenant de traduire les analyses en tactiques
opérationnelles en vue de transformations concrètes de la société
congolaise. Il est plus que temps de financer les oppositions
congolaises, de supporter clairement ses leaders et de leurs fournir
des plans d’action.

 

Qu’est-ce qui a changé depuis 2006 et qui devrait cette fois-ci décider les Congolais d’aller aux urnes en 2011 ?

 

 

De manière générale, les Congolais disposent
désormais de suffisamment d’informations pour évaluer la gouvernance de
la RDC et sanctionner plus nettement ses acteurs; cela n’était
peut-être pas possible en 2006 où tout était flou. Certains partisans
du chef de l’État l’ont d’ailleurs déjà sanctionné en effectuant un
virage à 180 degrés par rapport à leur soutien de 2006. Ces gens qui
ont peut-être reconnu que la tâche était effectivement démesurée pour
le chef qu’ils avaient appuyé, vont contribuer à faire la différence
entre 2006 et 2011. Il y a un vécu collectif qui va très probablement
favoriser un surplus d’engagement citoyen contre la fraude anticipée.
C’est une chance à prendre car il est improbable d’obtenir de meilleurs
critères de décision pour agir.

 

 

Une autre chose qui a changé est que les Congolais
savent désormais que les Américains et les Belges ne sont pas aussi
omnipotents qu’ils le laissent croire. Ils ne pourront pas toujours
dissuader l’engagement des progressistes pour favoriser des mandataires
locaux plus obéissants, comme ils l’ont fait en 2006. Il a été
démontré, par le MLC, que les Congolais pouvaient changer leur destin
malgré les plans de la CIA et des agences belges. La participation aux
prochaines élections est aussi une bataille psychologique pour
renouveler cette détermination à recouvrer la souveraineté complète de
la RDC et à décourager l’aventurisme capitaliste sur ce pays. Il faut y
aller.

 

 

Enfin, il est clair que l’exercice partagé du
pouvoir en RDC aurait pu fonctionner beaucoup mieux si l’UDPS s’était
trouvée au moins à la place actuelle du PALU. Ses cadres plus aguerris
aux confrontations politiques auraient probablement eu le reflexe de
préserver leur périmètre de pouvoir et favoriser l’équilibre de force
utile à la probité et à la performance générale de l’État, plus
particulièrement en matière de respect des droits et libertés. Il y a
donc bien de choses à corriger dans le système actuel, à travers les
prochaines élections, et non seulement l’éviction de Kabila qui serait
probablement une excellente chose. Mais « un tiens vaut mieux que deux
tu l’auras », les Congolais doivent profiter de ces élections pour
envoyer des vrais politiciens aux Assemblées. Les machines sont là bien
rôdées et toutes prêtes : UDPS, APARECO, UREC, PS, etc. il ne manque
plus qu’un minimum de réalisme et d’esprit d’équipe. Peu de pays
disposent d’autant d’organisations politiques reconnues, viables et
fonctionnelles. Avez-vous la Somalie ? Personne ne sait avec qui parler
à propos de ce pays…

 

Aux urnes citoyens !


 

(À venir : Proposition d’une stratégie de campagne électorale.)

 

Njoli Bodjenga

Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.