08.09.09 Le Potentiel: Cinq questions à Elisabeth Mbuyi (*)

1. Que faites-vous pour d’autres femmes dans l’exercice de votre métier et du mouvement associatif dont vous êtes membre?

Possédant une boutique de droit, AFAC (Association des femmes
avocates de la République démocratique du Congo) accorde une
consultation gratuite aux justiciables, en général, et particulièrement
aux femmes. Les victimes de violences, quelles qu’elles puissent être,
y sont consultées ; des femmes en instance de divorce, des travailleurs
en conflit avec leurs employeurs sont orientés et conseillés de la
manière dont ils peuvent conduire leurs procès et d’être réhabilités
dans leurs droits. Outre la boutique de droit, il existe à l’AFAC une
clinique-juridique où sont reçues les personnes victimes de violences
sexuelles. Les parents des victimes peuvent venir s’enquérir de la
procédure à suivre lorsque celles-ci (victimes) sont par exemple
indemnisées en cas de condamnation des auteurs de viols. Les victimes
elles-mêmes peuvent être assistées jusqu’au niveau du parquet ou du
tribunal.

2. Connaissez-vous un cas très précis de violence sexuelle
que vous avez personnellement « traité »? Comment les procès, dans ces
cas, se terminent-ils?

Je n’ai pas encore eu à plaider pour un cas de violence sexuelle,
sauf des cas de divorce et de différentes autres violences de ménages.
Très souvent, la loi du plus fort étant toujours la meilleure, les
femmes pour lesquelles nous plaidons échouent. Elles sont faibles
économiquement; dans les procès de divorce par exemple les femmes
sortent presque bredouilles. Même si nous les assistons
judiciairement… bien. Etant donné les faiblesses de la justice
congolaise, l’homme réussit toujours à s’en sortir facilement au
détriment de la femme. Les femmes sont, donc, dans la plupart des cas
perdantes.

3. Avez-vous l’impression que la justice ne fait pas bien son travail? Que faites-vous, en conséquence?

L’impunité persiste en République démocratique du Congo. Il y a un
écart important entre ce que l’on dit et ce qui se fait sur le terrain.
Il arrive souvent, malheureusement, qu’au niveau des tribunaux, les
victimes ne soient pas indemnisées. Que de fois, il y a des
arrangements à l’amiable entre les victimes et les auteurs de viols.
Les victimes indigentes ne savent pas tenir le procès jusqu’au bout.
Lorsqu’on leur propose une amende transactionnelle, elles acceptent
facilement de transiger. Ou alors c’est le magistrat qui remet en
liberté l’auteur de viols quand bien même celui- ci serait fautif.

La justice doit punir les auteurs de viols et les mettre hors
d’état de nuire. Nous sensibilisons, sensibilisons toujours à lutte
contre l’impunité. L’Association des femmes avocates de la République
démocratique du Congo a juste l’obligation d’assister judiciairement
les victimes de viols, mais elle ne peut pas aller ni au- delà de ses
moyens ni de ses possibilités non plus. N’empêche, nous avons déployé
des efforts considérables de sensibilisation des élèves des niveaux
primaire et secondaire. Nous avons sensibilisé dans toutes les écoles,
publiques et privées, dans les confessions religieuses. Objectif? Que
les enfants aient l’information utile, qu’ils sachent ce que dit la loi
sur les violences sexuelles et comment se comporter si jamais elles se
trouvaient victimes de violences; qu’elles sachent dénoncer. Nous
sensibilisons également les magistrats. Nous leur parlons des dangers
que présente le fléau de violences sexuelles au cas où un procès ne
serait pas équitable. Nous discutons avec elles dans les réunions et
forums.

4. La loi existe pourtant?

La loi existe mais elle n’est pas bien appliquée. Il serait mieux de
l’appliquer, de la rendre effective. Les lois, bien qu’elles ne soient
pas souvent parfaites, elles doivent être vulgarisées pour que les
femmes et filles puissent mieux les connaître. Lorsqu’elles sont mal
formées, sous-informées et irrégulièrement sensibilisées, les femmes
contribuent souvent à la violation de leurs propres droits.

5. Faut-il attendre, chaque année le 8 mars pour que la femme dénonce et appelle au respect des lois et de ses droits?

J’ai comme impression que souvent les efforts sont focalisés sur la
journée du 8 mars de chaque année. Et après le 8 mars, tout est fini.
La journée du S mars, seule, ne suffit pas. Le travail est immense sur
le terrain. Après le 8 mars, la campagne de sensibilisation au respect
des droits de la femme doit se poursuivre et demeurer permanente.
TIREES DE MONUC MAGAZINE

Droits de reproduction et de diffusion réservés © Le Potentiel

Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.