12.09.09 Le Potentiel: Cinq questions à Jolly Kamuntu

 

1. N’avez-vous pas peur d’être exposée ainsi dans ce métier devenu fort dangereux?

Ce serait mentir que de dire que je n’ai pas peur. Au contraire, il
m’arrive vouloir tout laisser tomber, mais je persiste parce que
lorsque la journaliste va vers la population, c’est pour que cette
dernière s’exprime. La personne ciblée, c’est la journaliste qui fait
parler la population. On a des statistiques parlantes sur les morts de
journalistes, les arrestations, etc. Mais, on se dit qu’on travaille
quand même avec le soutien de la population, cela nous donne du
courage.

2. Quel rôle pensez-vous qu’une femme journaliste peut jouer dans la reconstruction de la République démocratique du Congo ?

Notre pays est en pleine reconstruction, le rôle capital aujourd’hui
de la femme, et particulièrement de la femme journaliste, est de
sensibiliser et d’éduquer. Face aux conséquences des viols et violences
sexuelles qui ont touché des milliers de victimes, la femme journaliste
doit aider ces victimes. Nous avons tous appris que la Cour pénale
internationale va bientôt enquêter sur les cas de viols dans notre
pays. Le rôle des journalistes est de faire comprendre aux Congolaises
que tout le monde doit s’impliquer dans cette reconstruction. En
famille, nos maris nous disent toujours que c’est la femme qui est la
propriétaire de la maison et que le climat de la maison et de la
famille dépend de la femme. Il en est de même pour le pays : la femme
journaliste doit influencer les décisions en rapport avec le
développement du pays, la parité hommes-femmes. Elle doit mettre en
pratique ce pouvoir qu’elle détient grâce à sa plume et à son micro
pour amener les autres femmes à parler. Elle ne doit pas s’approprier
ces outils des émissions participatives à l’égard d’autres femmes,
leaders, de toute population. On suppose aujourd’hui que quand la radio
a parlé, elle a tout dit, surtout les radios communautaires qui sont
les plus fiables. Quand on a des textes juridiques dont la population
ne peut pas disposer facilement, c’est à nous de mettre ces
informations à la portée des populations. C’est à nous de rechercher
les informations à la place et pour nos populations afin qu’elles
soient bien informées.

3. Que pensez-vous de ceux qui assimilent les femmes journalistes à des personnes de petite vertu ?

On en a entendu de toutes les couleurs. C’est leur mentalité et on
n’y puis rien. Mais, notre rôle reste d’essayer de faire bouger les
choses, de corriger de telles mentalités et de contribuer à la
disparition des coutumes rétrogrades. Dans certains coins, il est
incompréhensible qu’une femme parle encore à la radio à 22 heures. Les
gens se disent: « Mais comment elle va rentrer elle? », etc. J’estime
qu’on doit dépasser cela. Aujourd’hui, nous sommes en train de prôner
la parité et la capacité de la femme. La femme congolaise et africaine
ne peut pas devenir un leader si elle est restreinte à certains
travaux, à certaines activités. Le leadership que nous souhaitons est
la participation intégrale de toutes femmes et hommes. Si on encourage
l’éducation des filles à tous les niveaux, c’est que la donne change.
Dans nos villages, on voit les filles à l’école, les gens ont compris
que les choses doivent changer. Une fille licenciée qui trouve un
boulot qui lui tient à coeur et qui répond à ses aspirations, pourquoi
ne pourrait-elle pas travailler jusqu’à 22 heures ou même plus tard
pour rendre service à la communauté? Ce qui peut arriver à la femme
journaliste peut aussi bien arriver à l’homme journaliste ou au
fonctionnaire.

4. Que diriez-vous si une de vos deux filles vous disait: « Maman moi je veux être journaliste »?

C’est mon souhait le plus lancinant. Je ne peux pas forcer mes
enfants à devenir ceci ou cela parce que moi mes parents ne m’ont pas
forcée à faire telles études ou tel métier. Si l’une de mes filles
choisissait le métier de journaliste, je serai la première à
l’encourager et à l’aider. Grâce à mon travail de journaliste, je suis
fière de rendre service à ma communauté. Ce boulot ne me rapporte pas
d’argent encore que je ne manque de rien matériellement mais quand je
passe dans la rue et que les gens me montrent du doigt en disant :
«C’est Jolly Kamuntu », quand les gens m’écrivent en masse ou me
téléphonent pour me solliciter ou pour participer à l’une de mes
émissions, c’est pour moi une source de bonheur.

5. Vous êtes devenue une spécialiste du journalisme judiciaire. Qu’est-ce que cela veut dire?

Je connais bien le journalisme appliqué à la chronique judiciaire.
J’ai été formée pendant deux ans par la Fondation Hirondelle sur la
couverture des procès civils et pénaux. Ces formations se sont
déroulées au Rwanda, au Burundi et à Arusha en Tanzanie. J’ai été
formée en 2008 par l’institut Panos Paris sur la justice
internationale, formation suivie d’un nouveau stage au TPlR à Arusha en
Tanzanie.

TIREES DE AMINA

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