18.09.09 Le Soir – Congo : « montrer aux gens que le travail a commencé », par COLETTE BRAECKMAN

Pourquoi
êtes-vous si critique à l’égard du gouvernement de Kinshasa ?


Parce qu’il ne tient pas ses promesses
: alors que le pouvoir central nous avait imposé un budget, plus modeste que
celui que nous souhaitions, en s’engageant à le financer, il ne l’a fait qu’à
raison de 20 %. A
Kisangani, lors de la réunion des gouverneurs de province, une avance nous avait
été promise afin de nous permettre de fonctionner : c’était il y a quatre mois,
et rien ne nous est parvenu…
Je l’ai dit au Premier ministre «
je ne sais pas où nous allons… »


Il devient très difficile de gouverner : dans le nord de la
province, il y a eu la guerre, les gens ont besoin de tout et nous ne pouvons
rien faire. Partout les travaux sont bloqués, nos engins de travaux publics ne
peuvent pas fonctionner… Et
pourtant nous envoyons de l’argent à Kinshasa : 80 millions de dollars par mois,
mais rien ne nous revient, alors que la loi prévoit que 40 % des recettes soient
rétrocédées aux provinces…
Même avec 10 % de cette
somme, nous pourrions déjà faire quelque chose. En 2011 si je dois me présenter
comme député, quel bilan vais-je pouvoir présenter ?


Le Katanga connaît-il une certaine reprise
économique ?


La situation commence à s’améliorer, les banques recommencent à
prêter aux sociétés minières, nous reprenons peu à peu nos exportations, qui atteignent
déjà 60.000 tonnes de cuivre par mois, contre 25.000 auparavant.
Nous
avons supprimé beaucoup de taxes illégales à l’exportation mais malgré cela nos
recettes augmentent… Nous profitons aussi de la reprise pour mettre de l’ordre :
les entreprises qui avaient fui la province lors de la crise, sans même payer
les travailleurs ou s’acquitter des taxes, ne sont plus les bienvenues. Quant
aux creuseurs, qui étaient en train de mourir dans des trous, nous essayons de
défendre leurs intérêts : les sociétés qui achètent leur production doivent
désormais préparer les sites, assurer les travaux qui en découlent. Les sociétés
sont responsables de la sécurité : elles savent que si par malheur il y a encore
un mort, elles seront poursuivies en justice…


Comment se porte
la Gécamines ?


Je ne connais pas les projets du PDG Paul Fortin, mais la
production n’a pas réellement repris. Des 300 millions de dollars que
les Chinois devaient payer pour financer la relance, la Gecamines n’a reçu que
50 millions… Le reste est resté à Kinshasa… Et cela alors que c’est le Katanga
qui doit financer les cinq chantiers lancés par le chef de
l’Etat…


Croyez-vous que
ces chantiers seront terminés lors des élections qui devraient avoir lieu en
2011 ?


C’est
impossible,
mais il
faut que les gens voient que partout le travail a commencé. Il faudra alors
donner au président un nouveau mandat pour qu’il puisse poursuivre le
travail…
C’est mon point de vue… Il faudrait aussi que le président soit
entouré de gens capables de suivre ces chantiers : pour l’instant, c’est lui
seul qui court partout pour inaugurer, suivre les travaux, vérifier le travail…
Ce sont les cinq chantiers du peuple congolais, et où sont les ministres ? Le président est tout
seul…


Pourquoi Golden
Misabiko, le président local de l’association de défense des droits de l’homme
Asadho a-t-il été mis en prison ?


C’est le président de l’Asadho à Kinshasa qui avait écrit que le
site de Shinkolobwe, où se trouve la mine d’uranium, était toujours exploité par
les creuseurs. Une affirmation très grave, formulée à la veille de l’arrivée de
Mme Hillary Clinton au Congo. Dès que cela fut publié, une mission de la Monuc
s’est rendue sur place, et invitée à l’accompagner, l’Asadho ne s’est pas
présentée. Moi-même j’ai vérifié : il est apparu que le site était bien gardé,
que l’exploitation clandestine y était impossible, que des détecteurs d’uranium
placés aux frontières n’avaient rien relevé. L’Asadho, priée de fournir des
preuves, a été incapable de le faire et le gouvernement central a donc porté
plainte. Son communiqué était donc faux, et nous avons conclu qu’il avait été
émis dans l’intention de nuire aux autorités de la province et de la république,
de ternir l’image du chef de l’Etat dans un moment important, car chacun sait
qu’évoquer l’uranium et de possibles trafics, cela rend les Américains nerveux…
Or il n’y avait rien du tout…


Vous savez, dans ce pays, les ONG racontent ce que soufflent
leurs partenaires en Europe, ceux qui les financent… Nous, nous voulons qu’elles
fassent réellement leur travail au lieu de faire de la politique, de vouloir
mouiller l’image de notre pays… Ma porte en tout cas est toujours ouverte, au
cas où ces ONG souhaiteraient vérifier leurs affirmations…


Etes vous
satisfait de la réouverture du consulat belge ?


Certainement, car les Belges nous aident beaucoup, entre autres
pour récupérer les enfants de la rue, pour assainir l’eau, développer
l’agriculture… La population est satisfaite… Mais je trouve que le gouvernement
belge devrait envoyer au Congo de jeunes opérateurs économiques, qu’il faudrait
financer de petits projets qui seraient mis en œuvre par de jeunes Belges,
soutenir des PME… Il faut organiser la relève car nous considérons que les
Belges, eux au moins, sont toujours très corrects avec nous, je compte sur eux à
100 %…

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