19.09.09 La Libre: "Fin de la crise ? Non, nouvelle bulle !"
Arnaud Zacharie, secrétaire
général du Centre national de coopération au développement (CNCD), ne
croit pas à la réalité de la reprise économique et réclame plus que
jamais davantage de réglementations à léchelon international.
Après un an de crise financière, on ne parle plus que de la relance économique. A juste titre ?
Non.
En réalité, on est déjà en train dassister à la constitution dune
nouvelle bulle spéculative. Dune part, la reprise économique actuelle
est mécanique parce quelle nest due quà la fin du déstockage dans
les entreprises et, dautre part, la meilleure santé des banques nest
quapparente. Premièrement, on arrive au bout des stocks des
entreprises. Même si les ménages consomment moins, il arrive un moment
où ces stocks sépuisent. Les entreprises doivent donc les
reconstituer. Cest cette reconstitution des stocks qui provoque le
retour de la croissance économique. Dautre part, du côté des banques,
si les bilans apparaissent bien meilleurs, cest le fruit de
linjection de dizaines de milliards deuros qui leur ont permis de se
refaire une santé à court terme. Mais il ne faut pas se leurrer : les
bilans des institutions financières sont encore remplis de produits
toxiques et de créances douteuses.
Il y a aussi les pertes d'emplois qui commencent à s'accumuler…
La
crise financière a provoqué une crise économique qui est seulement en
train de déboucher actuellement sur une vraie crise sociale. Cest
maintenant que les budgets de chômage économique arrivent à leur terme.
Paradoxalement, alors que lon commence à parler de reprise, cest
maintenant que la crise sociale entre dans le vif du sujet.
Avec quelles conséquences, selon vous ?
Il
y a deux risques majeurs. Dune part, la crise sociale va peser sur la
demande. La diminution de la consommation due à cette crise va sans
doute provoquer une rechute de léconomie. Dautre part, les
gouvernements pourraient croire que lon est sorti de cette crise
majeure. Or, si lon croit trop vite être arrivé à la fin de la crise,
on va arrêter les politiques expansives et remonter les taux dintérêt,
ce qui risque de casser cette timide reprise et de faire replonger
léconomie dans la récession. Il ne faut donc certainement pas croire
que lon est face à une reprise durable.
A quoi peut-on s'attendre, alors ?
A
mon avis, il faut plutôt se poser cette question : est-on dans une
reprise en "W" ou dans une crise en "VL" ? Des bulles spéculatives sont
en train de se reformer, notamment sur le marché obligataire
international. Les Etats-Unis, avec leurs plans de sauvetage et de
relance budgétaire, ont creusé des déficits record. On peut se poser la
question de la solidité du dollar comme devise de référence. La hausse
des taux dintérêt sur le marché obligataire international indique que
le financement de la dette publique va être de plus en plus difficile.
Le statut du dollar commence donc à vaciller.
Est-ce vraiment un problème ?
Pour
les pays émergents qui ont placé une partie de leurs réserves en bons
du Trésor américain, oui ! Ces pays réclament dailleurs un nouveau
système monétaire international qui garantisse une coopération des
Etats en vue dassurer une stabilité de leur monnaie. Le but est
déviter des crises de change.
Y a-t-il un risque de voir survenir de telles crises ?
Oui,
car actuellement, il y a une résurgence non avouée des dévaluations
compétitives : des pays essaient de se refaire une santé en dévaluant
leur devise pour doper leurs exportations. Evidemment, ce type de
politique non coordonnée crée des gagnants, mais aussi des perdants. Et
ça napporte aucune stabilité. Il faut donc continuer à promouvoir des
mesures de régulation financière internationales pour éviter de
nouvelles bulles.
Voilà pour la finance. Et au point de vue commercial ?
A
ce niveau, aussi, il existe des politiques du chacun pour soi qui ne
sont pas vraiment avouées. La plainte récente de la Chine contre les
Etats-Unis (en raison dune taxe à limportation sur les pneus chinois,
NdlR) en est lillustration. Parallèlement, lOrganisation mondiale du
commerce (OMC, NdlR) est complètement paralysée.
Pourquoi ?
Les
pays émergents réclament un nouvel équilibre, plus conforme à leur
place dans le monde économique multipolaire actuel. Par ailleurs, côté
occidental, on sent beaucoup moins de volonté de prôner le
libre-échange. Car, pour la première fois depuis longtemps, depuis
ladhésion de la Chine à lOMC, Etats-Unis et Europe se sont retrouvés
face à un partenaire commercial qui est plus compétitif queux dans
plusieurs secteurs.