Octobre
8 : Laurent Nkunda sempare du camp militaire de Rumangabo (50 km au nord de Goma). Les FARDC en reprennent peu après le contrôle. Depuis le mois daoût, 100 000 habitants du Nord-Kivu ont dû quitter leurs habitations.
9 : Le gouvernement de Kinshasa accuse le Rwanda, qui dément immédiatement, davoir engagé des troupes aux côtés du CNDP.
13 : Bernard Kouchner à Luxembourg déclare : « Tout est à nouveau dans le chaos. Nous redoutons quà nouveau des massacres massifs effrayants ne reprennent dans cette partie de lest et le Kivu ». La Conférence épiscopale nationale du Congo craint que « ces guerres récurrentes (…) ne deviennent un paravent pour couvrir le pillage des ressources naturelles » et invite la communauté internationale « à prendre des mesures effectives et efficaces (…) pour obliger les bandes armées à respecter les actes dengagement auxquels elles ont souscrit ».
26 : Le CNDP reprend le contrôle de Rumangabo. La foule prend à partie la MONUC, à Goma.
27 : 20 000 civils fuient, en direction de Goma, la localité de Kibumba (35 km au nord de Goma) attaquée par le CNDP. Deux véhicules blindés de la MONUC sont détruits, plusieurs casques bleus blessés. Le général Diaz, commandant espagnol de la MONUC, annonce sa démission. Un nouveau gouvernement est en place à Kinshasa, Adolphe Muzito est premier ministre. Rutshuru tombe aux mains de la rébellion.
28 : Des hélicoptères de combat de la MONUC ouvrent le feu sur les rebelles de Nkunda dans la zone de Kibumba. Le Conseil de sécurité de lONU se contente de « condamner fermement » les offensives rebelles et dexprimer son « soutien » aux efforts de la MONUC sans donner suite à la demande de renforts présentée par le chef de la MONUC, Alan Doss.
29 : Les FARDC abandonnent Goma, capitale du Nord-Kivu, pour se replier vers le sud en direction de Bukavu (Sud-Kivu). Javier Solana, diplomate en chef de lUE, appelle à la « retenue » et ajoute que « les civils sont une fois de plus les victimes principales des violences en cours ». Le Conseil de sécurité de lONU, réuni à New York, adopte à lunanimité des quinze membres une déclaration non contraignante condamnant loffensive de Nkunda et demande à ce quil soit mis « fin aux opérations ». Dans le même temps, Bernard Kouchner annonce que la France, qui préside lUE jusquà fin décembre, est favorable à un déploiement européen de 1500 hommes en RDC pour mettre fin aux violences. Le gouverneur du Nord-Kivu affirme que tous les déplacés qui se trouvaient à une dizaine de kilomètres au nord de Goma « se déversent dans la ville créant une panique générale parmi la population ». La secrétaire dÉtat adjointe américaine aux Affaires africaines, Jendayi Frazer, depuis Nairobi, prévient les rebelles de Nkunda qu« ils ne devraient pas rentrer dans la ville de Goma. Ils seraient tenus pour responsables de ce qui se passe (à Goma) ». La porte-parole de la MONUC à Goma, Sylvie Van der Wildenberg rappelle la nécessité de sécuriser les centres urbains et dénonce « la politique du CNDP qui consiste à pousser les déplacés vers les villes ». Le CNDP qui sest arrêté à une dizaine de kilomètres au nord de Goma, proclame, le soir du 29, « un cessez-le-feu unilatéral » pour « ne pas paniquer la population de Goma ». LAssemblée nationale congolaise à Kinshasa se prononce à lunanimité pour des négociations directes avec Nkunda.
Paul Kagame (à gauche) et Kabila (4e à droite) avec Olusegun Obasanjo (3e de gauche à droite) | Photo darchives
30 : Karel de Gucht, ministre belge des Affaires étrangères, estime « quune action militaire européenne [avait] du sens », proposant lenvoi de « 2000 à 3000 soldats bien équipés ». Britanniques et Allemands sopposent à ce scénario. La France recadre sa position : à lissue dune réunion au Quai dOrsay avec le chef de la diplomatie européenne Javier Solana, en présence du conseiller diplomatique de lÉlysée, Jean-Daniel Levitte, Bernard Kouchner renonce à sa proposition de la veille : « il ne faut pas imaginer que des troupes européennes vont se battre aux côtés de la MONUC ». LONG humanitaire britannique OXFAM annonce la suspension de ses opérations à Goma en raison des affrontements. La veille, lONG britannique ActionAid avait fait de même. La situation humanitaire est « catastrophique » selon le CICR. LUNICEF redoute des épidémies. Le nombre des déplacés est estimé à 250 000. À Kinshasa, Jendayi Frazer, a déclaré soutenir « les efforts de toute initiative européenne visant à envoyer une équipe multinationale pour faire régner la paix ».
31 : Bernard Kouchner estime que lest de la RDC est le théâtre dun « massacre comme il ny en a probablement jamais eu en Afrique qui est en train de se dérouler presque sous nos yeux, avec plus dun million de réfugiés, avec des attaques très précises, des mutilations sexuelles qui font partie des actes élémentaires de la guerre dans cet endroit ». Le HCR accuse des soldats gouvernementaux de la RDC de « pillages, viols et meurtres » commis à Goma ces derniers jours, malgré le cessez-le-feu. Une responsable onusienne, Navanethem Pillay, appelle « le gouvernement à prendre les mesures nécessaires dans les plus brefs délais pour contrôler ses soldats et protéger la population civile ». « Plusieurs camps de personnes déplacées près de la ville de Rutshuru dans le Nord-Kivu, à 90 km au nord de Goma, ont été vidés par la force, pillés et brûlés » a dénoncé le HCR, imputant ces exactions au CNDP. Depuis Kigali, Louis Michel, commissaire européen à lAide humanitaire, déclare que « les présidents rwandais et congolais ont donné leur accord pour participer à un sommet international pour ramener la paix dans lest du Congo ».
Novembre
1er : Nkunda organise une cérémonie officielle de mise en place dune nouvelle administration, sous contrôle du CNDP, à Rutshuru, préfigurant un futur « Tutsiland » dans le Nord-Kivu.
1er/2 : Samedi 1er novembre, les chefs de la diplomatie britannique (David Miliband) et française (Bernard Kouchner), rencontrent Paul Kagamé à Kigali puis, dimanche 2 novembre, le président de lUnion africaine, en Tanzanie, pour trouver une issue à la crise. LUnion africaine, qui a condamné le 31 octobre loffensive de Nkunda , annonce la tenue dun prochain sommet à Nairobi. À Kichanga, Nkunda déclare : « Nous voulons une négociation directe avec le gouvernement [de Kinshasa]. Jattends la réponse. Cest leur choix de refuser ces négociations avec nous. Mais nous allons les pousser à avoir ces négociations, sinon les faire partir du pouvoir ».
3 : Un premier convoi humanitaire escorté par lONU rallie Rutshuru, en zone rebelle.
4 : Des combats opposent le CNDP à des miliciens Maï-Maï près de Rutshuru, à Kiwanja (80 km au nord de Goma), en proximité immédiate dune base de la MONUC. Alain Le Roy, haut responsable de lONU au Kivu, réclame des « troupes supplémentaires » pour la MONUC.
5/6 : Le CNDP massacre plus dune centaine dhabitants de Kiwanja, sous les yeux des casques bleus de lONU qui laissent faire, retranchés dans leur camp à quelques centaines de mètres.
6 : Le CNDP sempare de Nyanzale (80 km au nord-ouest de Goma) ainsi que de Kikuku, à 9 km plus au nord, souvrant la route vers Kanyabayonga, ville qui verrouille le nord de la province.
7 : Ouverture à Nairobi dune réunion des chefs dÉtat de la région en présence de Jean Ping (Union africaine), de Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations-Unies, et dOlesegun Obasanjo, nommé depuis le 3 novembre, envoyé spécial de lONU au Kivu. En fin de journée, ses participants, chefs dÉtat africains, représentants de lUnion africaine et des Nations unies se déclarent daccord pour exiger un « cessez-le-feu immédiat » et louverture dun couloir humanitaire. Le CNDP, qui rejetait par avance les conclusions du sommet quil qualifie de « sommet pour rien » continue à exiger des négociations directes avec Joseph Kabila. En avalisant le projet de déploiement dune force africaine, le sommet de Nairobi consacre labandon du projet français de force européenne au Kivu.
9 : Des combats opposent, sur un nouveau front, le CNDP à des groupes armés pro-gouvernementaux (Maï-Maï et FDLR) à Ngungu (en limite des provinces du Nord et du Sud-Kivu, à 60 km à louest de Goma), « porte dentrée pour le Sud-Kivu » selon le porte-parole militaire de lONU, provoquant la fuite de milliers de civils. Le cessez-le-feu demandé à la suite du sommet international de Nairobi est totalement ignoré.
10/11 : Pillages et exactions à grande échelle commis par les FARDC à Kanyabayonga, Kaïna et Kirumba (100 km au nord de Goma) ; plusieurs villages sont mis à sac sur la route reliant ces localités, sur une trentaine de kilomètres.
14 : le HCR annonce vouloir déplacer « en quelques jours » des dizaines de milliers de réfugiés des 2 camps de Kibati (à une dizaine de km au nord de Goma) dans un nouveau camp, moins exposé aux combats, à Mugunga (ouest de Goma).
15/16 : Lors de la réunion de la SADC à Johannesburg, le président Kabila demande, sans lobtenir, lintervention de ses alliés, notamment de lAngola et du Zimbabwe.
Olesegun Obasanjo, émissaire de lONU avec Nkunda à Jomba, le 16 novembre 2008|Photo : AFP
16 : Après avoir rencontré le président Kabila (le 14) à Kinshasa, Olesegun Obasanjo, émissaire de lONU, se rend à Jomba pour discuter avec Nkunda ; à lissue de cette réunion, Obasanjo laisse entendre quil comprend les revendications de Nkunda : « Je sais maintenant ce que Nkunda veut. Je sais quun cessez-le-feu est comme danser le tango : on ne peut pas être seul ». Selon Obasanjo « la cause de la paix avance ».
17 : Les FARDC évacuent Kanyabayonga. Les Maï-Maï, indignés par la fuite de larmée gouvernementale tentent de bloquer les FARDC dans leur débandade. Le chef détat-major des FARDC est limogé, le lieutenant-général Didier Etumba le remplace.
18 : À Paris, le ministre congolais de la communication, Lambert Mende Omalanga, dénonce le rôle dun lobby minier dans la guerre : « M. Nkunda na pas plus dun millier dhommes à lui, mais il est linstrument dun lobby beaucoup plus puissant : celui des gens qui ont pris lhabitude de piller les ressources minières de cette région. Ils veulent maintenir le chaos et sentent leurs intérêts menacés par le rétablissement de lÉtat ». Le ministre met en cause « pas seulement le Rwanda mais un réseau daffairistes congolais et étrangers » impliqués dans lexploitation et le commerce du coltan.
19 : Le CNDP annonce le retrait unilatéral de ses troupes de 40 km sur plusieurs axes du front Nord, notamment entre Kanyabayonga et Nyanzale, ainsi quentre Kabasha et Kiwanja, affirmant vouloir donner « une chance à la paix » et « conforter » laction du médiateur de lONU.
20 : Le Conseil de sécurité de lONU décide (résolution n° 1843) lenvoi en RDC de 3 000 hommes supplémentaires pour renforcer la MONUC. 23 : Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner souhaite que la mise en examen en France de Mme Rose Kabuyé, une proche du président rwandais, « pour complicité dassassinat et association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » – elle est soupçonnée par la justice française davoir participé aux préparatifs de lattentat contre lavion de lancien président hutu rwandais Habyarimana, en avril 1994 – puisse faciliter une reprise des relations diplomatiques entre la France et le Rwanda.
24 : Le secrétaire général de lONU, Ban Ki-moon, estime, dans un rapport au Conseil de sécurité, que tant les FARDC que les troupes de Nkunda se sont livré à des « exécutions arbitraires, meurtres de masse, viols et torture » au Nord-Kivu.
25 : La chef de la diplomatie rwandaise déclare que « le gouvernement rwandais se réjouirait du rétablissement des relations diplomatiques avec la France rompues en novembre 2006. LONG Human Rights Watch (HRW) dénonce les abus du régime Kabila : selon le rapport dHRW, depuis les élections « censées apporter » la démocratie en RDC « les forces de sécurité gouvernementales ont tué délibérément ou exécuté sommairement au moins 500 opposants présumés et en ont détenu environ 1 000 autres, dont beaucoup ont été torturés ». Le gouvernement de Kinshasa a immédiatement réfuté les conclusions du rapport dHRW.
26/27 : Environ 13 000 Congolais se réfugient en Ouganda pour fuir les violences et les attaques brutales contre leurs villages par des groupes armés (région dIshasha, frontière sud-ouest avec lOuganda).
30 : LONU saisit verbalement Karel de Gucht de deux demandes : lune pour que la Belgique accepte lenvoi de soldats pour renforcer les troupes de la MONUC, lautre pour quelle participe à une « force de jonction » (a bridging force), dans lattente du déploiement des 3000 casques bleus supplémentaires en renfort des 17000 déjà présents en RDC.
Décembre
1er : Bernard Kouchner demande une concertation « urgente » des 27 après la requête de lONU aux Européens denvoyer des troupes pour une « mission intérimaire » en RDC, laissant penser que les pays européens sont prêts à rediscuter lenvoi de troupes au Kivu alors quils navaient pu se mettre daccord sur le sujet le 30 octobre.
2 : Les FDLR reprennent position sur un axe de 40 km environ après le retrait opéré unilatéralement par le CNDP et réinvestissent les localités dIshasa, Nyamilima et Kinyandoni.
3 : La Belgique confirme sa participation au renforcement de la MONUC mais elle renonce à envoyer des troupes dans le cadre dune force européenne, aucun pays nayant montré de volonté ni de capacité à dépêcher rapidement des soldats à lest du Congo.
4 : Par un courrier adressé à Javier Solana, Ban Ki-moon demande une nouvelle fois à lUnion européenne lenvoi « immédiat » dune force destinée à soutenir la MONUC en RDC, alors que la plupart des 27, y compris la France – qui a abandonné sa position initiale exprimée par Bernard Kouchner le 29 octobre – sont extrêmement réticents à lidée dune initiative militaire au Kivu.
La ministre rwandaise des Affaires étrangères sentretenant avec son homologue congolais Alexis Thambwe Mwanba à lhôtel Cap Kivu à Goma, le vendredi 5 décembre 2008.|Photo : AP
5 : Alors que jusque là le gouvernement de la RDC avait refusé toute négociation directe avec Nkunda, préférant sen tenir au cadre défini par le processus de paix « AMANI », le ministre congolais des Affaires étrangères, Alexis Thambwe Mwamba, déclare, à lissue dune rencontre à Goma avec son homologue rwandaise, Mme Rosemary Museminali, qu « une rencontre aura lieu entre les représentants du gouvernement de RDC et du CNDP sous les auspices de lONU et du médiateur le 8 décembre à Nairobi au Kenya ». Cette rencontre, qui peut apparaître comme une reculade du gouvernement de Kinshasa, vise à « formaliser le cessez-le-feu » décrété unilatéralement par le CNDP à la fin octobre.
6 : Les FDLR réclament louverture dun dialogue avec Kinshasa et Kigali qui ont adopté le 5 décembre un plan militaire pour les combattre à partir du 1er trimestre 2009. Les opérations de désarmement des FDLR devraient être menées conjointement par les FARDC et la MONUC avec un appui logistique et en renseignements du Rwanda.
7 : Le CNDP menace de quitter la réunion prévue le 8 si le gouvernement de la RDC insistait pour inclure dautres groupes armés dans les pourparlers.
8 : Rencontre à Nairobi entre représentants du gouvernement de Kinshasa et du CNDP sous légide de lONU représentée par Olesegun Obasanjo. Soucieux de renouer avec Kigali, Bernard Kouchner, réagissant à la demande de Ban Ki-moon demandant lenvoi dune bridging force au Kivu, exclut denvoyer des troupes françaises au sol « car laéroport de Goma est trop proche de la frontière rwandaise ».
9 : Selon Obasanjo « des progrès [ont été réalisés] dans la mise en place des fondements des pourparlers sur le fond », prévoyant que cette nouvelle étape serait atteinte « avant Noël ».
10 : Les pourparlers entre le gouvernement congolais et le CNDP sont « bloquées ». Olesegun Obasanjo met en cause lexigence, par la rébellion, de discussions englobant lensemble de la situation de la RDC et pas seulement le conflit du Kivu, ainsi que labsence de mandat clair des négociateurs du CNDP. Le commissaire européen Louis Michel demande également à Nkunda dabandonner ses revendications nationales pour se concentrer sur « les causes profondes » du conflit dans lest du Congo. Et de déclarer également : « le président Kagamé ma autorisé à dire à M. Nkunda que (…) son exigence davoir une négociation globale sur tous les problèmes de la RDC était inadéquate ». Le CNDP accuse le médiateur de lONU de partialité et claque la porte.
12 : Un rapport dexperts de lONU accuse le Rwanda de soutenir le CNDP. Il prouve que le Rwanda apporte une aide multiforme au CNDP, notamment dans le recrutement denfants-soldats et dans la fourniture déquipement militaire. Le rapport confirme également que le CNDP et les FDLR détournent à leur profit des sommes colossales en exploitant illégalement les richesses minières du Kivu : le CNDP contrôle la mine de coltan de Bibatama (territoire de Masisi) et vend le minerai à la MUNSAD, une société basée à Goma dirigée par un proche de Nkunda. Le conseil européen, réuni le 12 décembre, écarte lenvoi au Congo dune mission militaire. Nicolas Sarkozy a estimé que la MONUC était bien suffisante en nombre pour remplir sa mission et a souligné que lAngola était prêt à envoyer des troupes au Kivu « à condition que ce soit sous mandat de lONU ».
17 : En raison des conclusions des experts de lONU, la Suède suspend son versement annuel au Rwanda de 14,5 millions de dollars daide budgétaire. Peu avant, les Pays-Bas avaient gelé leur aide de 4 millions de dollars au Rwanda.
20 : À Nairobi, signature par les seuls représentants du gouvernement congolais de la prolongation du cessez-le-feu.
21 : Refus du CNDP de renouveler la trêve. Malgré ce refus, le gouvernement congolais se dit « déterminé à continuer le dialogue ». La reprise des négociations a été fixée au 7 janvier 2009.
22 : Le Conseil de sécurité de lONU proroge, en le renforçant le mandat de la MONUC jusquà la fin de 2009.
A lavant plan, assis, lenvoyé spécial du SG de lONU, lancien président nigerian Olusegun Obasanjo (à à gauche), le ministre kenyan des Affaires étrangères, Moses Wetangula (à droite) ; à larrière, le ministre congolais de la Coopération internationale Raymond Tshibanda (2e à partir de la gauche) et Serge Kambasu Ngeve, le secrétaire exécutif du CNDP (2e à partir de la droite) le 8 décembre 2008 à Nairobi.|Photo : AP
Commentaire
Quelques enseignements sont à tirer de la chronologie des évènements :
1.- Il est impossible darriver à une solution négociée avec Nkunda dont les revendications se modifient régulièrement et deviennent de plus en plus irréalistes. Seules des mesures contraignantes – qui nécessitent le concours, volontaire ou forcé du gouvernement rwandais, seul à avoir prise sur Nkunda – paraissent en mesure de le stopper dans son aventure. En effet, de fortes pressions économiques sur le Rwanda – par exemple, conditionner laide financière internationale au Rwanda à ses initiatives pour annihiler le CNDP et Nkunda – sont seules en mesure de faire bouger les choses. La Suède et les Pays-Bas ont donné lexemple ; quelques voix sélèvent au Royaume-Uni, principal soutien du Rwanda avec les États-Unis, pour réclamer larrêt du versement à Kigali de dizaines de millions de livres sterling daide budgétaire. Toutefois le nœud du problème reste le pillage des ressources du Kivu : tant que « la communauté internationale » naura pas de comportement éthique en la matière, le coltan, létain etc… resteront des « minerais de sang » et le Kivu une sorte de Lebensraum rwandais. Aucune solution viable napparaît à lheure actuelle. La « communauté internationale », comprenons lOccident sous cette appellation énervante, préférera longtemps encore sappuyer sur le Rwanda, plutôt que sur le Congo dont lappareil dÉtat et le gouvernement sont dune faiblesse inquiétante, pour sassurer ses besoins en coltan et en cassitérite du Kivu, dont lexploitation et lexportation vers les consortiums occidentaux constituent son intérêt primordial.
2.- Le gouvernement de Kinshasa est en position de faiblesse dans la négociation, la situation, tant militaire – avec les échecs cuisants de ses forces armées -, que diplomatique – Kinshasa paraît isolé sur la scène internationale – lui est défavorable.
3.- LONU a démontré sa totale impuissance à régler la crise. Elle peine à trouver des renforts pour la MONUC : seuls 600 soldats du Bangladesh et quelques Guatémaltèques (ainsi quun avion belge) seraient disponibles à lheure actuelle sur les 3000 dont lenvoi au Kivu est projeté. La MONUC a fait preuve de son impuissance à remplir son mandat, ne serait-ce que pour assurer la protection des civils dans le cadre du Chapitre VII de la charte des Nations-unies.
4.- LUnion européenne est divisée et se montre incapable de propositions sérieuses. La France porte une responsabilité particulière dans léchec européen : Nicolas Sarkozy, dont le pays préside le Conseil européen jusquà la fin de lannée, a désavoué, le 12 décembre, son ministre des Affaires étrangères qui, le 29 octobre, sétait montré favorable à une intervention militaire européenne, préférant suggérer lenvoi au Kivu de troupes angolaises sous mandat de lONU. Les propos du président français laissent perplexe et sont susceptibles – si son souhait de voir lAngola intervenir était exaucé – dinternationaliser le conflit, faute daccord préalable du Rwanda. En réalité, tout à leur projet de renouer les relations diplomatiques avec le Rwanda – l « affaire Kabuyé », dont lissue ne peut être que favorable à la chef du protocole de Kagamé, en est le moyen concerté par Paris et Kigali – les Français veulent éviter de sengager dans un processus où des soldats européens se retrouveraient aux prises avec la rébellion tutsi. |*Alain Bischoff
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