Contribution au débat sur l’ouvrage collectif " les réformes: attentes et désillusions en RDC"sous la direction du Professeur Théodore Trefon, par Norbert Yambayamba

 

1. Je voudrais de prime abord apaiser mes compatriotes
congolais qui de près ou de loin ont eu des réactions divergentes sur
cette publication. J'ose croire que lorsqu'on est dans une salle d'urgence, il
est de bon aloi d'écouter et de capitaliser les différentes interventions des
médecins  en vue de guérir sa maladie. La RDC, notre pays, se trouve dans un état très
critique qui nécessite la synergie optimale des médecins professionnels pour
sortir de son coma. Je crois que cet ouvrage rentre dans cette perspective. Il
a le mérite de faire la photographie de la situation sans entrer dans la
politique politicienne. Au lieu donc de se fâcher, il faut plutôt réfléchir
avec moins d'émotion ou de passion pour tirer la substance du message et en
tirer profit. Car il est anormal pour un temps record qui part de 2001 jusqu'à
ce jour, que la communauté internationale ait soutenu plusieurs réformes dans
l’ordre de 15 milliards de dollars américains sans que celles-ci produisent des
effets escomptés. Plusieurs secteurs de la vie nationale ont été bénéficiaires
de cet argent notamment, les secteurs de la Justice, des entreprises publiques, des mines,
des forêts, des infrastructures etc. et les résultats sont maigrichons. Il y a
là un problème réel qui nécessite un point d'arrêt pour une petite évaluation
qui aiderait à la fois, les acteurs internes et externes à revisiter leurs
stratégies d'intervention. Le faire n'est pas un crime de lèse majesté, bien au
contraire, les dirigeants congolais ont besoin en cette période où le pays est
en ébullition d'avoir une argumentation solide pour mieux négocier avec ses
partenaires au développement qui généralement ont toujours tendance à imposer
leur manière de voir les choses au nom du principe qui dit, "la main
qui donne est au toujours dessus de la main qui reçoit".

 

2. Pouvez-vous imaginer chers frères que plusieurs réformes
sont intervenues dans les différents secteurs sans que des résultats palpables ne
soient atteints. Par exemple, malgré des moyens investis dans le domaine de la justice,
mais l'injustice, la corruption, l'impunité continuent sans arrêt. Des milliers
de dollars ont servi de réformer les entreprises publiques. Les choses ne
semblent pas bien marcher. Aucun revenu supplémentaire pour renflouer les
caisses de l'Etat. Il en st de même des réformes opérées dans les secteurs
minier et forestier. Les contributions de ses deux secteurs n'ont pas permis à la RDC de faire face à ces défis.
L'exploitation forestière contribue au PIB jusqu'à ce jour à proportion de 0,7%
sur les 145 millions d'hectares des forêts contre 10 % pour le Cameroun avec 22
millions d'hectare et 11 % pour le Togo. Mutatis mutandis pour le secteur
minier dont la RDC
reste le dindon de la farce avec des accords visiblement léonais. Là aussi, c'est
un problème réel;

 

3. La RDC
compte à ce jour plusieurs intervenants, mieux plusieurs bailleurs
multilatéraux et bilatéraux. L'action de ces partenaires est positive mais pose
beaucoup de problèmes au niveau de son efficacité. Pouvez-vous imaginer pour ne
prendre pour exemple que la
Province
du Nord Kivu, Il y a au moins 207 intervenants
extérieurs sur le terrain. Bien que prêchant tous la décentralisation, ces
intervenant n’intègrent pas leurs programmes diversifiés dans le programme
provincial de développement. Le Gouvernement Provincial ne connaît pas les 
flux financiers apportés par ces intervenants. Le Gouvernement central signe
avec chaqu'intervenant de contrat- cadre sans que ceux-ci soient transmis aux
provinces pour exécution. Conséquence, non seulement les autorités provinciales
ne connaissent pas les montants d’actions, mais n’ont pas discuté avec les
intervenants sur les priorités et les espaces géographiques d’intervention.
Pour ce faire, plusieurs sont focalisés sur un même problème avec possibilité
de détournement des uns et des autres y compris le Gouvernement Central et
Provincial qui allouent des budgets qui ne seront pas exécutés parce que
plusieurs intervenants ont déjà résolu le problème d’avance. Le mérite du livre
est que celui-ci fait ressortir la faiblesse liée à l’absence d’un schéma directeur
entre les bailleurs et l’Etat pour arrêter les priorités, répartir les moyens
d’actions, répartir les espaces géographiques d’intervention etc. en vue
d’éviter de faire plusieurs fois la même chose.

 

4. Certes, cet ouvrage renferme certaines erreurs d’informations
comme par exemple, le fait de dire que les bailleurs se contredisent comme pour
stigmatiser le fait que la Banque Mondiale
est contre la décentralisation, tandis que l’UE est d’accord. Par rapport à
cette assertion, il est vrai que les auteurs n’on pas comptabilisé certaines
évolutions positives liées à la mise en place d’un cadre de concertation entre
les partenaires de développement de la
RDC
intervenant dans le cadre de la décentralisation. A ce
niveau, les différents bailleurs notamment la Banque Mondiale, la Banque Africaine de
Développement, l’UE, le PNUD et la
CTB
ont mis en place une coordination de travail où, ils lèvent
les options au travers leurs experts recrutés pour la circonstance. C’est
pourquoi, tous sont d’accord avec la décentralisation. Cependant, malgré cette
conclusion hâtive, le problème de manque de schéma directeur reste pendant et
constitue un défi majeur sur l’efficacité de l’aide dans notre pays.

 

5. Comment chers compatriotes ne pas croire à un
comportement de statuquo, lorsqu’on voit se consolider le paradoxe de la RDC, soit pays riche, pays
pauvre où se construit à ce jour, un ilot d’abondance dans un océan de misère,
malgré les immenses potentialités liées à son scandale géologique, faunique,
forestier, agricole, énergétique, humain, halieutique  etc.

Au lieu de s’investir pour transformer nos richesses
potentielles, la tendance est de prendre le raccourci axé sur la mendicité
internationale fondée sur une prédation des richesses naturelles sans se
soucier de l’ensemble de nos compatriotes qui sont dans la misère la plus
intolérable.

 

6. Quelle que soit la réaction des uns et des autres, j’ose
croire que cet ouvrage a le mérite d'avoir posé le jalon d'une réflexion qui doit continuer et qui exigera
une sorte de remise en question des différentes parties prenantes. En tout cas,
une frange de la classe politique et la société civile de la RD Congo se
sont inspirées de beaucoup de ces conclusions pour en faire des
commentaires dans plusieurs chaînes de télévision et relayer ipso facto le
message au ras du sol. Sincèrement, cet ouvrage a rencontré une adhésion totale
de la population parce qu’il pose des questions de fonds liées à l’avenir de
notre pays qui est dépendant de plus de 50 % du budget qui vient de l’extérieur
;

 

7. Malgré ce constat amer susceptible de décourager et de
pousser tout un peuple au désespoir, le livre fait ressortir certaines opportunités
qui s'offrent malgré ce tableau sombre. Il s'agit du fait que le peuple
congolais est entrain de s'approprier de sa République, il devient de plus en
plus innovant, créatif et productif pour s'adapter à défaut de mieux à la
situation. Et de poursuivre, que plusieurs initiatives sont nées et continuent
à naître pendant cette période difficile et ont aidé les congolais à ne pas
disparaître. Cette fenêtre ouverte a suscite de l'espérance et de la
détermination pour que les efforts se fassent davantage en vue de
relever défi de la pauvreté ;

– Encore une fois félicitation pour ce livre qui a suscité
l'intérêt d'une réflexion profonde autour de la question de la coopération qui,
visiblement n'a pas l'air d'avoir répondu aux attentes de la population.
Je crois que les résultats de cette étude vont pousser les différents
partenaires au développement à s'interroger sur l'efficacité et la pertinence
de leur action.

Je considère cette publication comme un atout majeur qui
peut être capitalisé par les différentes parties prenantes pour revisiter
leurs stratégies d'intervention. Il permet également aux dirigeants congolais d’avoir des
arguments pour documenter leur agenda de négociation en vue de revisiter les
mécanismes et les stratégies de l’aide au développement.

 

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