Crimes de guerre au Congo : CPI ou TPI ? (GDB)

Depuis la visite au Congo de Mme Hillary Clinton, ces
espoirs ont pris un regain de vigueur et il est beaucoup question d’un Tribunal
Pénal International pour le Congo (TPIC), encore à créer. Simultanément, des
procès sont en cours devant la CPI,
à charge de Congolais responsables de certains crimes de guerre. D’autre part,
un tribunal international a condamné l’Ouganda pour son agression contre le
Congo. Bien qu’il s’agisse là d’un tribunal qui juge non les individus, mais
les états, il faut tout de même tenir compte de ce que l’agression ougandaise
constituait la « toile de fonds » de certains des crimes actuellement
jugés à La Haye,
l’Ouganda ayant entre autres tenté d’instrumentaliser l’hostilité entre Hema et
Lendu à son profit. Enfin, n’oublions pas que si JP Bemba est actuellement détenu
et poursuivi pou des faits commis en Centrafrique, il aura sans doute par la
suite à faire face à des accusations de la même CPI, concernant des faits
commis au Congo et dont certains font, eux aussi, partie des atrocités de l’Ituri,
donc de ce même dossier ougando-congolais.

Dans l’hypothèse d’un TPIC, on pourrait se trouver
devant une situation embrouillée ; Certains faits commis dans l’Ituri,
dont ils a déjà été jugé qu’ils étaient – au niveau des états – attribuables à
l’Ouganda, actuellement en instance de jugement devant la CPI, à charge de Lubanga et
autres, pourraient aussi faire l’objet d’actions devant ce TPIC ! Cela
ferait un assez joli « potopoto », et qui y gagnerait ? Sûrement
pas la Justice !

 

Il ne faut
pas surestimer l’émotion de Clinton

 

Je ne veux nullement accuser Hillary Clinton d’avoir
joué la comédie et versé sur les souffrances qu’elle a vues des « larmes
de crocodile ». Il est au contraire tout à fait vraisemblable qu’elle a
été réellement émue et choquée. Entre savoir et voir, il y a toujours un hiatus
et l’on ne peut qu’être secoué lorsque l’on voit, touche et sent ce que l’on
savait, par ailleurs, depuis longtemps.

La question qui se pose n’est donc pas de savoir si l’émotion
de Mme Clinton était réelle ou simulée. Elle est de savoir quelles conséquences
politiques pratiques cette émotion pourrait avoir. Et là, on semble bien être
loin du compte !

Pas mal de Congolais ont sursauté, désagréablement,
quand elle a fait une déclaration que d’aucuns ont qualifiée « d’invitation
à l’amnésie » oublier le passé et se tourner vers l’avenir, etc… On
devrait peut-être se demande si elle ne traduisait pas, par été déclaration, sa
propre attitude et, précisément, sa propre émotion : « Tout cela est
vraiment affreux et je préfère oublier mes propres responsabilités et celles de
mon pays dans tout cela ». Cela ne manifeste en rien une velléité
quelconque de change quoi que ce soit à la ligne suivie par la politique américaine.
Cela montre simplement la volonté d’en oublier très vite les images trop
pénibles.

En d’autres mots, c‘est l’histoire du monsieur qui
disait « La vue de la misère dans laquelle vivent les gens d’à côté était
vraiment insupportable. J’ai donc fait construire un mur pour ne plus la voir… »

 

Pourquoi
un TPIC ?

 

Avec ou sans émotion de la pat de Hillary, il faut se
poser la question : « Qu’est-ce qu’un TPI apporterait au Congo ? »,
et même plus précisément « Qu’apporterait-il qu’on ne puisse attendre de ce qui existe déjà, et notamment de la CPI ? ». Et peut-être
devrait-on sa demander aussi « Qu’est-ce que les autres parties en cause –
USA, Rwanda, Ouganda, etc… – pourraient attendre de l’un ou de l’autre ? »

 

Lorsqu’on prend connaissance des arguments mis en
avant en faveur de la création d’un TPIC, on constate bientôt qu’il s’agit d’une
liste de reproches que l’on peut formuler à l’égard de la CPI, accompagnée de l’affirmation
qu’un TPIC n’aurait pas ces défauts-là. Et, il ne faut pas avoir peur de le
reconnaître, la CPI
a de nombreuses faiblesses et défauts qui tiennent au fait qu’elle est un
prototype. C’est la première fois que l’on essaye de faire fonctionner une
justice internationale permanente. Renoncer à l’idée parce que le prototype n’a pas tourné rond
dès le premier essai revient à renoncer à toute espèce de progrès !

 

Certaines de ces objections se basent sur le fait que
la compétence de la CPI
ne s’étend qu’aux pays signataires du Statut de Rome. Cela n’est pas exact. La CPI peut parfaitement
poursuivre et même arrêter des ressortissants de pays non-signataires, à
condition d’y être autorisée par le Conseil de Sécurité de l’ONU. Certes, il
est probable qu’un vote favorable à une elle mesure, qui frapperait un allié très
proche d’un des pays disposant du droit de veto se heurterait précisément à ce
veto. L’exemple auquel on pense immédiatement est celui de la mise en cause de
hautes personnalités rwandaises, peut-être de Kagame lui-même, qui serait sans
doute arrêtée par un veto américain. Il est clair que c’est là un problème réel !
Mais il ne découle en rien de la
CPI
 ! C’est une conséquence de la manière dont le vote a
été organisé aux Nations Unies, et de l’usage excessif et sans pudeur que les
USA font de leur prépondérance. Que la loi du plus fort règne sans partage à l’ONU
est certes un problème, mais il est bien plus ancien que la CPI !

 

Un TPI est toujours créé par une décision
internationale qui définit sa mission et la délimite.

C’est à dire que le tribunal est chargé de connaître
des crimes de guerre ou contre l’humanité commis sur un certain territoire
entre une date X et une date Y, qui en marquent le début et la fin.  Ce mandat est toujours restrictif, c'est-à-dire
qu’à un mètre hors de la zone géographique, ou une minute après la fin du
fatidique dernier jour, le tribunal est contraint de se déclarer incompétent. Et
l’on peut compter sur les avocats pour user de toutes les possibilités que cela
peut offrir. C’est leur métier.

Or, à quand
faut-il faire remonter le début officiel des crimes de guerre ? C’est une
question à laquelle il n’est pas simple de répondre historiquement et qui, dans
le cas d’un TPIC, pourrait modifier du tout au tout sa compétence et ses
débats.

Si l’on choisit 1998, on met hors d’atteinte les personnes
impliquées dans un certain nombre de massacres qui ont accompagné la « guerre
de libération » de 1996/97.

Si l’on prend 1996, on ne tient pas compte de la
situation créée dès 1994 par l’afflux de réfugiés rwandais – certains en armes –
les coups de main du RFPR contre leurs camps, la responsabilité de Mobutu dans
cet imbroglio…

Ce ne sont là que des exemples. Jusqu’ici, le document
le plus ancien que l’on puisse citer comme faisant état de conflits entre « banyarwanda »
et « congolais pure laine » est un décret colonial date de 1923 !

 

Il existe donc, à la création d’un TPI de multiples
possibilités, surtout si l’on tient compte de la prépondérance américaine à l’ONU
et de son pouvoir de bloquer les décisions qui lui déplaisent, de s’assurer que
le glaive de la justice ne s’abattra pas sur ses amis. Sans préjudices des manœuvres
et pressions ultérieures pour orienter les poursuites, comme le TPIR d’Arusha l’a
tristement illustré. (Voir à ce sujet, p. ex. « La justice internationale prise au piège » de Charles Onana).

 

En se montrant favorable à l’idée d’un TPIC, Hillary Clinton
n’a nullement cédé à une émotion. Elle a couvert d’un voile mensonger de pitié
un calcul froid et cynique : mettre en avant la solution qui, sous les
apparences de la justice, permettrait d’assurer au mieux l’impunité de sn ami
et allié : Paul Kagame.

 

© CF & Guy De Boeck, le samedi 12 septembre 2009

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