Ils ont dit : « Une session budgétaire » ? Non. Une session pour rire (JP Mbelu)

Encore un petit budget

 

Prenons
le cas du budget. Il semble qu’il pourra se chiffrer à plus ou moins 5
milliards de dollars. Si vous posez la question de savoir ce que
signifie cette somme pour plus ou moins 50 millions de Congolais, la
réponse risque d’être celle-ci : « Acceptez quand même qu’il y a eu
passage de plus ou moins 2 milliards à plus ou moins cinq, ce n’est pas
une mince affaire. Ce chiffre a augmenté. Et puis, sous Mobutu, il n’y
avait pas de budget. » Souvent, les questions liées à ce qui peut être
réalisé avec un budget sont escamotées. C’est comme si penser un budget
était sacrifié au profit du calcul de son augmentation. Penser est
réduit à calculer. Tel est l’héritage du néo-libéralisme dont le Congo
souffre et souffrira encore pendant longtemps, tant que les politiciens
actuels le dirigeront. Explicitons.

Avec
la rentrée parlementaire, nos médias autocensurés risquent de laisser
dans l’ombre la révision du contrat chinois sur la demande du Fonds
monétaire International. Or, si le Congo a accepté de renégocier ce
contrat sous l’instigation du FMI, c’est pour qu’il puisse bénéficier
de ses apports financiers et qu’il poursuive le paiement de « sa dette
odieuse ». Donc, comme à l’époque où Antoine Gizenga accédait à la
Primature, le Congo guidé par le FMI n’ira nulle part.

Cela
pour une raison historique évidente : le FMI n’a jamais aidé un pays à
s’émanciper des moyens de contrôle de l’impérialisme occidental (dont
lui-même, la Banque mondiale et les autres Club de Paris). Les pays
asiatiques émergents n’ont jamais suivi ses conseils et les pays de
l’Amérique du Sud faisant partie de l’Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA) ayant opté pour le socialisme du 21ème
siècle, c’est-à-dire pour une idéologie politico-sociale et
économico-culturelle au service de leurs populations, ont coupé le
cordon ombilical qui les liaient aux institutions de Bretton Woods.

Une
autre raison est économico-politique : les pays bénéficiant de l’aide
des IFI sont obligés d’appliquer les politiques néo-libérales
(libéralisation, dérèglementation et/ou réglementation au
profit des multinationales, privatisation, etc.) L’application de ces
politiques permet aux pays bénéficiaires des « largesses » des IFI
d’être soumis aux diktats des pays impérialistes au sein desquels les
mêmes politiques ont marqué leurs limites et sont décriées.

Donc,
en acceptant le petit budget de la misère qui sera prochainement
voté «  par acclamation moyennant quelques modifications » (toute œuvre
humaine étant perfectible, nous dira-t-on) sous la supervision des IFI,
les gouvernants Congolais actuels optent pour le suicide collectif.

Tenez.
Pour la énième fois, ils vont appliquer les programmes d’ajustement
structurel. Payer « la dette odieuse » extérieure aura un impact
négatif sur les dépenses sociales : la santé, l’éducation, l’emploi,
etc. vont en pâtir. Pour dire les choses simplement, payer les
médecins, les infirmiers, faciliter l’accès à des soins de qualité,
payer les enseignants et les autres fonctionnaires de l’état
convenablement, cela ne sera pas possible. Les petites promesses qui
seront faites seront démagogiques. Les dés sont pipés.

 

Les conséquences des choix téléguidés

 

Quelles
seront les conséquences de ces choix téléguidés ? Il y aura de plus en
plus de répression policière pour intimider ceux et celles qui
chercheront à réclamer « leurs droits », le taux de mortalité ainsi que
celui de l’analphabétisme seront en hausse, la corruption s’installera
davantage et l’élite compradore s’enrichira aux dépens de nos masses
populaires. Pour ces dernières, voir le bout du tunnel risque d’être remise aux calendes grecques si rien n’est fait pour mettre ladite élite hors d’état d’agir.

Une
autre conséquence est que le gouffre qui sépare ceux et celles d’entre
nous qui ont, tant soit peu une bonne maîtrise du fonctionnement des
IFI et nos masses populaires se creuse davantage. Pour une raison
simple. L’application des programmes d’ajustement structurel entretient
l’analphabétisme et l’ignorance nécessaires à la soumission et à
l’à-plaventrisme. Elle réduit les populations qui en subissent les
contrecoups au rang de simples sopekatistes, c’est-à-dire au
rang des mendiants ayant perdu tout sens de la dignité humaine et
n’ayant à la bouche que les verbes « achète pour moi » (sombela ngai), « donne-moi » (pesa ngai) et « partage avec moi » (kabela ngai).
La perte de tout sens de la dignité humaine rend nos masses populaires
vulnérables. Elles deviennent des proies faciles entre les mains des
« jeunes pasteurs » (toutes tendances confondues) avides
d’enrichissement facile. Ces derniers opèrent un lavage de cerveau
conduisant leurs proies à oublier que le Dieu en qui elles donnent
l’impression de croire a créé l’humain (homme et femme) à son image et
à sa ressemblance et lui a dit qu’il mangera à la sueur de son front.
Et que la gloire de Dieu, c’est l’homme debout ; pas courbé au pied des
vendeurs de miracles ou des idolâtres de Mammon.

L’appauvrissement
anthropologique (de tout homme et de tout l’homme) exponentiel de nos
masses populaires, le gouffre qui se creuse entre elles et leurs élites
éveillées dans la compréhension des mécanismes de cet appauvrissement
peut retarder le temps de la rupture avec une gestion néo-libérale
suicidaire du pays. Mais cela peut aussi constituer une bombe à
retardement…

Ils ont dit : « Session budgétaire » ! Non. Il n’y aura rien. C’est une session pour rire…

 

J.-P. Mbelu

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