08.10.09 Le Potentiel: CINQ QUESTIONS à Virgile Kikaya

 

 

1. Qu’entendez-vous par efficacité de l’aide au développement ?

Actuellement, on parle beaucoup de l’efficacité de l’aide avec la
Déclaration de Paris, le Forum de haut niveau d’Accra et même, plus
récemment, avec la conférence de Kinshasa. C’est un concept qui date du
début des années 2000. Il se base sur le constat selon lequel tous les
programmes d’aide antérieurs n’avaient pas porté les fruits escomptés.
D’où, les pays pauvres s’appauvrissaient davantage. Il était donc
nécessaire de revisiter les mécanismes d’appui au développement surtout
avec les objectifs du millénaire qui devaient être atteints à temps.
Qu’est-ce que le développement ? Serait-ce ces chiffres abstraits de
croissance économique positive que l’on nous présente lors des
conférences dans des salons huppés de la capitale ? Je préfère que l’on
approche le développement un peu à la manière d’Amartya Sen qui nous
donne une vision plus humaine du développement. Le développement doit
être mesuré à la capacité des pauvres et des vulnérables à se prendre
en charge et à être capables de changer leur futur. Il est donc
extrêmement nécessaire que tout effort de développement soit basé sur
le renforcement des capacités de ceux qui en ont le plus besoin.

2.Quelle lecture faites-vous de la Déclaration de Paris ?

La Déclaration de Paris est cet engagement des ministres des pays
dits développés et sous-développés ainsi que des représentants des
agences bilatérales et multilatérales de développement à respecter les
concepts d’appropriation, d’alignement, d’harmonisation, de gestion
pour les résultats et de rendre compte. Ces concepts sont intéressants
et devraient a priori contribuer à une meilleure efficacité de l’aide.
Toutefois, certaines faiblesses sont à noter. Il y a d’abord la quasi-
absence de la Société civile dont les membres, censés représenter les
principaux bénéficiaires, n’ont pas eu clairement voix au chapitre
alors que c’est à eux que les gouvernements doivent rendre compte. La
Déclaration n’a pas non plus de caractère coercitif et aucune sanction
n’est prévue pour les pays qui ne respecteraient pas leur engagement.
Il y a également le fait que les cibles à atteindre d’ici à 2010 sont
toutes des indicateurs de mise en œuvre. Il n’est pas prévu dans la
Déclaration, une mesure de l’impact sur les principaux bénéficiaires.
Enfin, n’oublions pas qu’il s’agit d’une Déclaration qui est précédée
par d’autres déclarations comme celles de Rome ou du consensus de
Monterrey, par exemple, qui tardent encore à être totalement mis en
œuvre.

3.Est-ce que la multiplication d’aide en République démocratique du Congo facilite le développement ?

Je crois que la multiplication d’aide ne devrait pas être un
problème en soi. Personne ne trouve un problème à l’abondance des
ressources. Encore, faut-il que ces ressources soient utilisées de
façon optimale. D’abord, si les conditions sont trop compliquées, les
organisations du pays n’auront pas accès à cette manne. Aussi une
grande partie est-elle dirigée à des conférences, des consultations ou
même donnée sous forme de réduction de la dette extérieure. On se
retrouve parfois avec avec 30% des montants qui arrivent chez les
principaux bénéficiaires. 4. Y-a-t-il d’autres mécanismes qui peuvent
aider au développement ?

Tout à fait. Je citerais, par exemple, les initiatives en faveur du
micro-crédit. Ces actions ont produit de bons résultats dans des pays
comme l’Inde ou le Bangladesh. Il s’agit de faire bénéficier des prêts
aux principaux concernés. Cela est souvent plus efficace, car on appuie
des personnes dans leurs activités de tous les jours et pour
lesquelles, elles ont déjà acquis de l’expertise. Aussi, du fait
parfois qu’il s’agit de la seule opportunité que ces populations ont
pour changer leur vie, elles s’y accrochent et font tout ce qui est
possible pour réussir car l’avenir de leurs enfants en dépend.

5. Quelles seraient les perspectives d’avenir pour l’aide au développement ?

Elles sont multiples. On pourrait déjà chercher à concentrer les
efforts de l’aide extérieure dans des secteurs précis et éviter du
saupoudrage lorsque tout le monde veut tout faire. On devrait
concentrer les efforts à renforcer et développer les capacités de nos
systèmes nationaux et de notre société à jouer leur rôle de moteur du
développement. On pourrait mettre en œuvre des stratégies innovatrices
incluant par exemple des mécanismes de retour des cerveaux congolais
qui ont décidé de travailler à l’étranger. Et puis, pourquoi ne pas
arrêter carrément l’aide si on constate que ça ne marche pas. La porte
reste ouverte à toutes les suggestions.

PROPOS RECUEILLIS PAR ALAIN NGULUNGU

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