1926 – 1996 Biographie de Mgr Christophe Munzihirwa Mwene Ngabo s.j. Archevêque de Bukavu

Mzee
Christophe Munzihirwa Mwene Ngabo est né dans la Paroisse de Burhale à
Lukumbo en 1926. Après les études à l' école primaire paroissiale, il
fit encore trois années d' Ecole Normale avant d' entrer au Petit
Séminaire de Mugeri ou il fit les Humanités Gréco-Latines. Il passa
ensuite par les Grands Séminaires de Nyakibanda (Rwanda) et de Moba
(ex-Baudouinville) et fut ordonné prêtre du Diocèse de Bukavu à
Walungu, le 17 Août 1958. Ayant servi dans ce diocèse pendant 5 ans, et
devenu Curé-Doyen de la Paroisse Cathédrale de Bukavu, il désira
devenir religieux dans la Compagnie de Jésus. Le 7 septembre 1963, il
entre au Noviciat des Jésuites à Djuma au Bandundu au moment ou
sévissait dans cette région la rébellion muleliste. Les dernières
semaines avant sa mort Monseigneur raconta à plusieurs reprises comment
il fit alors l' expérience de la force des villageois, lorsque
étroitement liés aux chefs traditionnels, ils défendent leur terre et
leurs villages.

Il prononca les premiers voeux de religion deux ans plus tard en la
fête de la Nativité de la Vierge, le 8 septembre 1965. Ensuite, comme
il était entré dans la Compagnie étant prêtre, son parcours de
formation fut un peu particulier. De 1965 à1966 on le trouve à l'
Institut de Philosophie Saint- Pierre Canisius à Kimwenza (Kinshasa)
pour une année supplémentaire d' étude de la théologie. Sorte de
"recyclage" qu' il alla bientôt poursuivre en Belgique au Collège
Philosophique Saint- Albert le Grand à Louvain. De 1967 à 1969, il y
entreprend aussi des études de sciences sociales et économiques, après
etre rentré brièvement à Bukavu pour y relancer le Collège Notre Dame
de la Victoire, assez sérieusement endommagé par le passage des "
katangais". Il fut ainsi le premier jésuite à rentrer à Bukavu après
les événements et la fameuse affaire Jean Schramme. En 1969 il fut
rappelé au Zaire où il se voit confier la direction spirituelle des
jeunes jésuites en formation à Kimwenza. En même temps il devient
Vicaire à la paroisse universitaire. C' est ainsi qu' il vécut en 1971
la contestation estudiantine qui aboutit à l' enrolement de force des
étudiants de l' Université Lovanium et certains de l' Université de
Lubumbashi dans l' armée. Meme si, à cause de son âge, il aurait été
dispensé, il choisit délibérément de partager cet enrolement avec les
étudiants. En fait, nous avons été enrolés ensemble au Camp Militaire
des Parachutistes de Mikondo, en face de l' aéroport de Ndjili.
Plutard, le milicien Munzihirwa sera transféré au Camp Tshatshi, à
Ngaliema.

En
1973, le Père Munzihirwa rejoint la communauté de la Maison
Saint-Ignace à Kinshasa (Gombe) pour travailler au CEPAS (Centre d'
Etudes pour l' Action Sociale) et au CADICEC (Centre Chrétien pour les
Dirigeants et Cadres des Entreprises), tout en gardant la direction
spirituelle des jeunes pères scolastiques. L' année suivante (1974) le
voilà de retour en Belgique pour y faire une dernière année de
probation (Troisième An) à Fyt-lez-Manage. Ce temps de formation
terminé, il est nommé Vice-supérieur de la maison des étudiants
jésuites à l' Université de Lubumbashi où, pendant un an, il enseigne à
l' Institut de Sciences Religieuses. Le 3 décembre de cette même année
1975 il prononce ses derniers voeux dans la compagnie de Jésus. La
charge de supérieur qu' il continue à assumer ne diminue pas son goût
des études et de la recherche. En 1977, il commence même une thèse de
doctorat en sociologie à l' Université de Lubumbashi; thèse qu' il ira
bientôt continuer en Belgique.

Mais
le 31 juillet 1978, en la fête de Saint Ignace, fondateur de la
Compagnie de Jésus, le Père Général nomme le Père Christophe Recteur de
l' Institut de Philosphie Saint Pierre Canisius à Kimwenza. Charge
importante qu' il n' exercera que deux ans car le 1er octobre 1980, il
devient Provinvial des jésuites de la Province d' Afrique Centrale
(P.A.C.).Cette "province", unité administrative de la Compagnie de
Jésus dans le monde regroupe l'actuel RD Congo, le Rwanda et le
Burundi. C' est en 1986, le 1er Août, juste après son mandat provincial
de six ans, que le Père Christophe Munzihirwa est élevé à la dignité
épiscopale comme Evèque-coadjuteur de Monseigneur Pirigisha pour le
diocèse de Kasongo (dans le Maniema). Son ordination épiscopale eût
lieu à Rome le 9 novembre 1986. En 1990, il succède à Mgr. Pirigisha.

Le
15 Septembre 1993, tout en restant Evèque du diocèse de Kasongo, il est
nommé Administrateur Apostolique de l' Archidiocèse de Bukavu. Et le 27
mars 1994, il devient Archévêque de Bukavu, en même temps qu' il
continue à gérer les affaires du diocèse de Kasongo comme
Administrateur Apostolique. En avril-mai 1994, Mgr. Munzihirwa
participe à Rome au Synode spécial pour l'Afrique. A son retour à
Bukavu, c' est en tant qu' Archévêque de cette ville qu' il vit de près
le drame des centaines de milliers de refugiés déferlant sur le
Sud-Kivu à la suite des terribles événements d' avril 1994 au Rwanda.

Pendant
deux ans, par des nombreuses prises de position courageuses, il
proposera un chemin de paix pour la région des Grands Lacs et attirera
l' attention du monde sur les conséquences désastreuses de la présence
massive des réfugiés dans son diocèse déjà surpeuplé, proclamant le
droit de tous à une solution juste et non-violente. Il a mené ce combat
jusqu' au sacrifice de sa vie, le mardi 29 octobre 1996 au soir,
assassiné sur la route par les soldats de l' Armée Patriotique
Rwandaise (APR) alors qu' il se rendait chez lui après une journée
harassante entièrement consacrée à sauver des vies et à reconforter la
population en détresse, désorientée, abandonnée par ceux qui auraient
dû assumer leur responsabilité d' administrateurs. Les populations du
Kivu s' étaient toujours montrées accueillantes à l' égard de tous ceux
qui cherchaient refuge chez elles. A la suite de la démission de nos
prétendus responsables administratifs et militaires, Monseigneur se
trouvait seule référence populaire de VOIX qui informe et forme sans
complaisance. Position incommode que celle de ce prophète dont les
multiples messages (plus ou moins un par semaine dès le debut du mois
d' octobre 1996) ne laissaient personne indifférente. L' opinion de la
ville de Bukavu en dépendait sensiblement. Il a prôné la Paix entre les
ethnies comme interpellation chrétienne à aimer Dieu en aimant son
prochain (cfr.Mt.22,34-40); il a invité les populations bukaviennes à
ne pas quitter leur ville quoi qu' il arrive; et les gens faisaient foi
en ce temoin de la Vérité, conséquent de sa délicate mission de "
sentinelle-surveillant". Depuis les débuts de la catastrophe des Grands
Lacs, Monseigneur Munzihirwa n' a cessé de prendre position pour
interpeller les uns et les autres et leur rappeler leur devoir de
cesser la guerre, les exclusions, les discriminations de tout genre, la
politique régionale impérialiste, hégémoniste et néocolonialiste, qui
destabilise les pauvres populations déjà en désarroi. Il n' aimait
aucunement l' injustice, aussi la dénoncait-il d'où qu' elle vienne. Si
bien que l' on peut dire que Monseigneur Munzihirwa etait un homme qui
dérangeait: ses interpellations ecrites, ses mises en garde dans les
sermons étaient les bienvenues pour les petits, les sans voix, les
opprimés. Malheureusement, il n' était pas toujours bien compris;
parfois il avait l' impression de crier dans le désert ou de parler à
des gens qui ont leur parti-pris et qui interprétaient mal ses
messages. Souvent les gens ne croyaient qu' après avoir vu: le cas de
la guerre que nous vivons et qui lui a couté la vie. Baobab et roseau,
Monseigneur Munzihirwa est mort comme il a vecu: comme le peuple, avec
les simples, sans signes ni marque autre que l' humanite mortelle. Avec
son départ brusque, nous perdons un exemple de modestie et de
simplicité, surtout dans l' habillement. On sait que notre Archévêque
était contre les solennités, les fastes, jusqu' à paraître se négliger.
Il n' aimait pas qu' on s' occupe trop de lui. Les protocoles le
genaient au plus haut point. Et curieusement, pour son enterrement, les
circonstances ont obligé d' adopter la simplicité, voire le
dépouillement; un cerceuil et des draps frustes. Un homme riche d' une
culture générale, versé dans la connaissance de la littérature
chrétienne de l' antiquité à nos jours. Il pouvait parler des heures
durant d' un Père de l' Eglise ou d' un grand homme politique, avec
illustrations et citations. La culture et la langue mashi étaient sa
passion et il écrivait un swahili académique. Ses écrits en francais
pourraient etre un modèle de cette langue. Il était ce qu' on appelle
un érudit. Et avec tout cela, il ne négligeait pas les questions et les
problèmes de son peuple.

De
son vivant, Mgr. Munzihirwa avait choisi de se faire appeler "Mzee", l'
ancien, un vieux authentique en fait, signait aussi par " Muhudumu", le
serviteur. Plusieurs témoignages qualifient Mzee Munzihirwa de "
martyr", martyr de la paix, martyr de la vérité. Ce mot grec signifie "
témoin". Les martyrs de l' Eglise primitive furent les premiers
chrétiens à etre declarés " saints" dans l' église. Ils avaient
temoigné de leur foi jusqu' au sacrifice de leur vie. Il n' y a aucun
doute que Mzee Munzihirwa soit au ciel car il a vecu comme un saint sur
cette terre des hommes. En Afrique aussi, à l' approche du troisième
millénaire, l' Eglise continue a s' édifier sur le sacrifice des "
temoins" et que, fondée sur le roc, " la puissance de la Mort ne l'
emportera pas sur elle" (Mt.16,19). Dans une de ses publications
intitulée " Pour un chretien, quel développement?" (in Zaire-Afrique,
197, 1985,p.411), Mzee Munzihirwa écrit, je cite: "L' espérance que le
Christ ressuscité nous apporte est une espérance de libération
personnelle, collective et totale de l' homme mais elle demande des
hommes qui soient prets à en payer le prix: "Qui veut garder sa vie la
perdra et celui qui l' investit pour ses frères la sauvera". Fin de
citation.

 

En
mémoire de notre illustre disparu, un premier recueil-souvenir vient d'
être publié aux Éditions Loyola; ce document contient une petite
anthologie d' extraits et de textes qui relèvent les traits les plus
saillants de la personnalité et des convictions de Mzee Christophe
Munzihirwa; ceux-là même qui l' ont conduit au sacrifice suprême de la
vie en ce mardi 29 Octobre 1996, ainsi que les textes de celui qui fit
du ministère de l'écrit un des vehicules de son action apostolique et
de son combat pour le droit des pauvres. Tous ces textes méritent d'
être relus et medités en profondeur, car ils prennent toute leur
signification maintenant que " le silence final est devenu parole". Il
a encore dit, je cite: " Pour les actes de la vie, mourir est important
car c' est un acte qui se prépare pendant l' existence qui précède. Et
le silence final est une parole d' une grande richesse pour celui qui
sait écouter de l' intérieur.

Nous
espérons que la mort de Monseigneur Munzihira sera semence de paix. Il
est mort au combat, avec comme arme l' Evangile, la prière et une riche
culture humaniste et chrétienne. Ce n' est donc pas au nom d' une
idéologie politicienne que Mgr. Munzihirwa est mort. Il est mort au nom
et à cause de la charité-de cette charité qui parfois doit se faire
politique-au service de son Maitre et seigneur, pour ses frères et
soeurs, "pour la paix et contre la guerre au Kivu et en République du
Congo. Nous rendons grâce à Dieu de nous avoir donné un tel homme pour
témoignage de l' Evangile et raffermir l' Eglise. Ayons aussi une
pensée pieuse a son successeur Mgr. Emmanuel Kataliko, qui a succombé
après plusieurs mois de captivité; nos prières vont aussi aux nombreux
frères maristes, religieuses et abbés dont Claude Buhendwa et mon
collègue de classe (6e primaire a Burhale) Georges Kakuja et les
nombreuses victimes de la guerre qui continue a servir chez nous. "Le
seigneur a donné, le Seigneur a repris. Loue soit le Seigneur"

Les circonstances de son assassinat

Mgr munzihirwa a pris possession canonique de l’archidiocèse de Bukavu
au plus fort de l’entrée de centaines de milliers de réfugiés hutus
fuyant la guerre au rwanda. cette présence massive de réfugiés
installés au cœur meme de l’archidiocèse fut sa préoccupation majeure à
coté de l’occupation du sud Kivu par des troupes étrangères.

Dans ses prédications et messages écrits, il dénonçait le manque d’amour, la haine tribule ; il déploierait la
déstabilisation socio-économique du Kivu ainsi que la destruction de son environnement.

Dans
son souci de faire respecter la justice et les droits, il ne supportait
jamais qu’on maltraite un homme, crée à l’image de Dieu. Dans ses
nombreuses prises de position courageuses, il interpellait les
gouvernants, les institutions internationales, les États et même le
peuple. Il n’épargnait pas l’ONU et les organisations humanitaires
devant leur démission dans la cause des réfugiés.

Il
dénoncait les arrestations arbitraires, les disparitions des personnes
influentes, les conditions de vie scandaleuse dans « les prisons, les
climats de terreur etc. defendeur des droits de sans voix, il fut
victime de la haine et il a payé le prix de son engagement pour la paix
et la justice. Il fut assassiné le 29 octobre 1996.

Ses prises de positions courageuses

Pendant
deux ans, de 1994 à 1996, par des nombreuses, Mgr munzihirwa a proposé
un chémin de paix pour la région des Grands lacs et attiré l’attention
du monde sur les conséquences désastreuses de la présence massive des
réfugiés dans son diocèse, déjà surpeuplé. Il condamna le projet de
retour forcé des réfugiés chez eux et proclamait le droit de tous à une
solution juste et non-violente. Voici en guise d’exemples, quelques-uns
de ses appels en faveur de la paix et de son engagement pour la justice.

« nous demandons aux organismes d’aider aux réfugiés d’assumer leur
responsabilité en mettant tout en œuvre même les moyens extraordinaires
pour combattre une catastrophe qui menace aussi bien les réfugiés
rwandais appauvris et sans abri que la population congolaise qui y perd
la Paix »

«
nous en appelons à la responsabilité des nations et des états épris de
justice des droits de l’homme et des peuples, pour qu’ils oeuvrent pour
la paix et la stabilité dans cette région en épargnant ses habitants du
désastre qui les menace. Que ceux qui aiment cette région oeuvrent pour
y restaurer la paix et construites de justice, de réconciliation et
paix »

« mes chers frères de Bukavu, je vous invite à ne pas vous venger sur les innocents Tutsis qui sont parmi nous. Car Dieu
protège toute vie et tout peuple, et ne voudrait pas qu’on tue les innocents, surtout pour les intérêts matériels »

nous demandons aux militaires qui ont fuit le front et viennent maintenant agresser les habitants au lieu de les défendre,
que nous sommes leur frères et ce qu’ils font en nous pillant, en nous frappant, cela ne leur apportera pas bonheur »

bien
chers frères. Défendons nous avec courage contre les pillards. Ce sont
des voleurs. Mais toujours, souvenons-nous que nous sommes chrétiens,
et qu’à chaque moment de notre histoire, nous sommes chrétiens.
Conservons notre dignité de chrétiens. N’encourageons jamais toute
discrimination tribale ou raciale. Et celui qui touche à notre être
humain, parce qu’il touche à Dieu lui-même. Courage, défendez votre
dignité »

le pasteur a mené ce combat jusqu’au sacrifice de sa vie.


Son sang est une semence

Le sang versé par Mgr Christophe Munzihirwa est une semence de paix pour le Congo et les grands lacs. Il est mort au combat
avec comme arme l’Évangile, la prière et toute sa culture.

Il a été assassiné parce qu’il avait parlait haut et fort, et il ne voulait pas taire les injustices et les violations des
droits de l’homme.

Pour nous les chrétiens Mgr Munzihirwa est à jamais vivant et son témoignage nous éclaire et nous inspire

Le principale message qu’il nous donne est celui du respect de la vie, du respect de tout homme et de la défense des droits
de faibles et de sans voix.

Que son exemple nous interpelle et et nous encourage à un engagement plus effectif pour la justice, la paix et la
vérité.

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