LA QUESTION DU CONGO-ZAIRE, une catastrophe et une opportunité pour l'esprit ! (Henri Boma)

 

Une trop grande majorité de lettrés Zaïro-Congolais
songent à s'instruire uniquement pour obtenir des diplômes mais pas pour assumer
les contraintes éthiques de la connaissance. Ces gens, dont heureusement je ne
suis pas un exemplaire, sont allés à l'école pour acquérir des savoirs sans
conscience. Résultat : ruine de l'âme, vénalité des prétendus élus du peuples,
affairisme des pasteurs, hypocrisie des séminaristes défroqués, exil et
expatriation, etc.


Cela étant, comment peut-on croire que, avec une telle
majorité de gens au sein de l'élite intellectuelle, notre Etat puisse
sérieusement se maintenir ?


Il faut repenser notre Etat en commençant par donner un
sens, une signification à notre destin commun, une signification aux épreuves
que nous vivons.


C'est maintenant qu'il nous faut des intellectuels, des
vrais ! Et nous en avons ! Il faut les trouver et leur donner audience parmi
nous !


Pour moi, un intellectuel est celui qui, non seulement,
assume l’inconfort de vie de ses concitoyens, mais en outre, s’efforce de dire
cet inconfort pour contribuer à sa compréhension et à sa solution.


On ne le dira jamais assez, la principale cause de cette
catastrophe que j’appelle LA QUESTION DU CONGO-ZAIRE, comme autrefois on disait
« La Question
d’Orient » pour parler de la décomposition de l’empire ottoman, cette principale
cause n’est pas la propension des Rwandais à venir s’entretuer au Congo-Zaïre en
massacrant et violant nos compatriotes avec l'inavouable complicité des
Etats-Unis d'Amériquea ; cette principale cause n'est pas non plus la
perniciosité que certains esprits limités veulent voir en la personne du jeune
Président KABILA et de ses comparses KAGAME et MUSEVENI.

Non, la
principale cause de cette catastrophe dite LA QUESTION DU
CONGO-ZAIRE, ce sont, comme le dit si bien Monsieur MBANDU MASIALA Pierre, ces «
gens qui clament très haut et fort qu'ils ont des compétences parce que bardés
des diplômes et incontournables ».


Selon moi, la solution à LA QUESTION DU CONGO-ZAIRE
commence par la démystification de ces gens-là et par la démystification de
notre erreur commune quant à la signification du mot « ETUDE
».


Le mot « ETUDE » vient du latin « STUDIUM ». Ce mot ne
signifie pas préparer un examen ou un concours.

Ce mot signifie « AMOUR », « ATTENTION ».


Un de mes amis belges nous reprochait, à nous autres les
Zaïro-Congolais, de ne pas aimer notre pays alors que je m'inquiétais auprès de
lui de notre IGNORANCE, à nous Zaïro-Congolais, et de mon insuffisance, à moi
aussi, d’une ETUDE de notre pays.


Alors que je lui disais que nous n’étudions pas assez
notre pays, ce Belge me répliquait sur l'insuffisance de notre AMOUR du
pays.


En effet, combien parmi nous sont capables de citer les
principales localités baignées par les principaux affluents du fleuve Congo ?


Quelle effarante misère est notre production
intellectuelle par rapport aux publications coloniales descriptives de la faune,
de la flore et de la géographie de la cuvette centrale africaine
?


Ne pensez-vous pas que le drame du Zaïro-Congolais est de
croire que ce beau pays lui est donné sans qu'il doive, en retour, mériter d'en
être l'unique ou le principal propriétaire ?


Il s'en soucie si peu qu'il ne l'étudie que pour réussir
des épreuves scolaires ou universitaires.

Alors que le colonisateur se
souciait du pays comme le berger qui, ayant un intérêt pécuniaire dans la laine
ou le gigot du mouton, prend soin de cet animal, certains Zaïro-Congolais se
contentent de vociférer dans l'anonymat de l'Internet contre ceux qu'ils
soupçonnent de leur voler la laine ou le gigot alors qu'eux-mêmes négligent le
mouton.

Donc, mon questionnement est : Le drame du Zaïro-Congolais
n'est-il pas de croire que son pays lui est donné sans qu'il doive, en retour,
mériter d'en être l'unique ou le principal propriétaire ?


Le 27 mai 1983, je regardais, avec mon regretté papa,
l’émission de télévision APOSTROPHES sur la chaîne française Antenne 2. Ce
soir-là, le thème de l’émission était : « Les intellectuels face à l'histoire du
communisme ».


A un moment de l’émission, un monsieur, ancienne
personnalité du Parti Communiste Français, provoqua la désapprobation des autres
invités de l’émission de télévision parce que, au détour d’une phrase, il avait
osé dire que les personnes faisant profession de médecin ou ingénieur pouvaient
être considérées comme des intellectuels.


Le moment le plus animé de l’émission fut le sévère
reproche d’un des invités contre une autre faisant éloge de la révolution
culturelle en Chine. Voici le reproche : « Il est normal que les imbéciles
profèrent des imbécillités comme les pommiers produisent des pommes, mais moi
qui ai vu chaque jour depuis ma fenêtre le fleuve Jaune charrier des cadavres,
je ne peux accepter cette présentation idyllique par madame de la Révolution culturelle ».


Je souhaite, sur le mode de l'autocritique, des
interpellations de ce genre entre Zaïro-Congolais au lieu des sempiternelles
insultes envers le jeune KABILA ou ses homologues KAGAME et
MUSEVENI.


C'est en nous interrogeant nous-mêmes sur nous-mêmes et
en tentant d'apporter ensemble des réponses à ces interrogations que, 50 ans
après le discours fondateur de LUMUMBA, nous pourrons continuer notre route vers
la pleine souveraineté de notre société politique car, comme on dit, le malade
commence à guérir en ayant conscience et compréhension de sa
maladie.

 

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