Mgr Christophe MUNZIHIRWA : 29 OCTOBRE 1996-2009 : TREIZE ANS APRES LE MARTYRE, QUEL MESSAGE ?

 Je
vois en Christophe Munzihirwa, en effet, un autre exemple
extraordinaire et moderne, malheureusement peu connu encore, de ‘martyr
politique’, ou, is l’on préfère, «d’un martyr de la charité
politique », que déjà Pie XI avait déclarée être «une forme très haute
de la charité ». Il a été assassiné lâchement, en effet, parce que,
comme Le Bon Pasteur, essayait de protéger et défendre son peuple et
aussi la foule de deux millions de familles rwandaises hutu qui, dès
1994, avaient fuit les massacres et la guerre civile du Rwanda.
Munzihirwa ressentit Le devoir de démarquer avec clairvoyance et de
dénoncer avec courage les débuts d’une sale guerre d’invasion violente
et ravageuse ; une guerre camouflée comme ‘guerre de libération’ du
régime de Mobutu, mais animée, en réalité, par une sombre volonté
meurtrière de détruire tous les camps Des réfugiés rwandais, érigés en
hâte ici Le long de la frontière EST du Congo. Volonté conjuguée avec
Le rêve pharaonique d’une invasion-occupation stable d’une bon morceau
du Congo, is pas tout, dans la perspective arrogante de fonder un grand
tutziland, à ériger  à travers la violence, l’oppression sauvage et Le pillage systématique.

 Munzihirwa
s’y était opposé frontalement, sans autres armes que as parole, la non
violence active et son courage prophétique. En employant tous les peu
Des moyens à as disposition. Pour dénoncer à l’opinion publique
mondiale les drames Des peuples congolais et rwandais mélangés, don't
IL avait deviné Le projet infernal de destruction généralisée et
indiscriminée qui se préparait, et IL en voyait déjà les débuts
meurtriers, Mgr Christophe, outre ses lettres et ses discours à la
cathédrale, employait aussi Le moyen technique Le plus avancé alors
disponible à Bukavu, Le fax ! (Il en rédigeait lui-même les
textes et IL les portait ici à Notre maison régionale de Bukavu-Muhumba
-là d’où je vous écris maintenant-, car son installation à l’archevêché
était souvent en panne). Le dernier message -Le plus dramatique, peut
être, parce que IL voyait déjà la situation précipiter, venait de Le
faire partir Le 28.10.’96, Le jour avant son assassinat! On pourrait
donc l’appeler aussi… l’évêque Des fax !

> Treize ans après, que reste-t-IL de son message
et de as figure prophétique de Pasteur intrépide et clairvoyant ?
Quelles traces a-t-IL laissées ? Quels changements Ont-ils provoqués,
son témoignage courageux et son martyr?

Je risque d’apparaitre tranchant et fort pessimiste, mais, is veux être sincère, je dois dire : rien… Ou presque !
Apparemment, on NE voit pas, en effet, de grands changements positifs,
in de véritables progrès, au niveau social, politique, économique,
religieux… Surtout pas ici à Bukavu et dans toute cette zone-EST du
Congo, mais non plus à Kinshasa et dans Le Pays en général. Bien au
contraire, la situation semble toujours plus chaotique et en
décomposition. Seulement à niveau militaire IL y a eu une très-très
relative accalmie, mais, certes, pas de paix ! Il y a encore beaucoup
de foyers de violence, Des pillages, Des viols et Des morts de la part
de bandes Des bandits disséminées ici-par-là dans les forets et sur les
montagnes. Et IL y a une armée qui, avec Le programme soit disant de
les pourchasser, sème encore plus de terreur, de violence, et de
mort… Et même au niveau politique, nationale et internationale,
surtout en relation avec Le Rwanda, la situation reste encore très
morose, lourde, obscure. On NE comprend pas quelles sont les vraies
visées et les buts réels Des autorités en place, même ici au Congo, où
pourtant Ont été élues démocratiquement, et même avec un certain
enthousiasme populaire… Mais depuis, tout reste encore comme suspendu
dans un limbe brumeux et ténébreux.

Non,
vraiment, la paix véritable n’est pas encore là ! Et on NE voit pas
bien encore par où elle pourrait arriver… Personne NE semble pouvoir
ou vouloir encore sonner la trompette du départ de la marathon de la
réconciliation, dans la justice et la vérité, que prônait mgr.
Munzihirwa. Et personne, après treize ans, n’a pas encore su donner un
signal crédible de mobilisation d’un engagement collectif et solidaire
pour la nécessaire reconstruction AB imis Des structures et
infrastructures matérielles, et encore plus urgemment, Des structures
et… Infrastructures sociales, culturelles, morales et religieuses,
… ravagées et bouleversées par ce tsunami apocalyptique, sans fin,
qui a suivi le meurtre du Pasteur intrépide.

Ce
que est pire, à mes yeux, c’est l’impression que, ici-là, puisse
commencer à céder ce qui était le ressort et le point d’appui solide
d’une possible résurrection : je veux dire la force de résistance
morale du peuple congolais dans sa base. En effet, jusqu’ici, les gens
du peuple en général, et en particulier les femmes, les vrais piliers
inébranlables de cette humanité humiliée et piétinée, semblaient
pouvoir résister à tous les coups et savaient rebondir avec courage à
chaque accalmie de ce terrible typhon tropical… Mais je l’impres-sion
qu’aujourd’hui, elles aussi,  soient au du souffle, elles aussi me semblent fatiguées, épuisées, découragées…

> Et pourtant, malgré tout…
je ne peux pas croire que le sang de Munzihirwa, des 4 Frères Maristes
espagnols, de beaucoup de prêtres-religieux/ses et de milliers-millions
d’autres martyres, la plus part anonymes, hommes et femmes de toute
âge, tribu, rang… je ne peux pas croire, dis-je, que tout ce sang-là
ait coulé en vain ! Non, ce n’est pas possible, dans une
perspective évangélique de foi ! Non ! Le grain est, certes, encore en
train de pourrir dans les entrailles de notre terre, et nous ne le
voyons pas… Mais il ne peut ne pas donner naissance, un jour ou
l’autre, à une moisson splendide et abondante même sur les terres
immenses de notre Congo, si beau et si tragique (Jn 4, 35) !

> Oui, mais comment ?
Suis-je en train de passer tout à coup du pessimisme le plus sombre à
un optimisme vide, perdu dans les nuages de l’utopie? Non, je vois bien
la lourdeur de la réalité, qui parait même se dégrader chaque jour
davantage (Dans ces derniers jours on a eu même un retour préoccupant
des attaques de groupes armées, visant des paroisses et des
institutions religieuses, ici même dans le diocèse de Bukavu, avec des
pillages, coups et blessures, et même la prise d’otages en vue d’une
rançon) !

Moi,
je vois bien tout ça. Mais je continue à croire aussi que le rêve de
Munzihirwa, basée sur “l’espé-rance contre toute espérance”, ne peut ne
pas se réaliser un jour, d’une façon ou d’une autre. C’était cette
foi-espérance inébranlable qui soutenait Munzihirwa, comme le témoigne
d’une façon dramatique le dernier cri qu’il lança au monde distrait et
désintéressé de la tragédie apocalyptique qui était en train de
s’abattre sur Bukavu et le Congo entier. Munzihirwa criait dans ce
dernier fax-message : «Que pouvons-nous faire encore en ces jours ?
Restons fermes/solides dans la foi. (…) Nous avons l’espérance que
Dieu ne va pas nous aban-donner et que dès quelque coin du monde
surgira pour nous une petite lueur d’espérance. Dieu ne nous
ab-andonnera pas si nous nous engagions à respecter la vie de nos
voisins, à n’importe quelle ethnie ils appartienne»
. Ce sont ses derniers mots. (1).

Aujourd’hui, 13 ans après, j’aperçois un signe-gage et une preuve de que, malgré tout, cette espéran-ce ne nous a pas trahis.
Je la vois en ceci : malgré tous les efforts fournis, et tous les
moyens de tout genre mis en œuvre depuis désormais 15 ans (cfr  les
invasions et les occupations militaires répétées ; toutes les
violences, les représailles les plus cruelles ; les massacres massifs
sans nombre et les multiples assassinats visés ; malgré tous les
pillages, les vols, les viols, les humiliations) ; …malgré toute
l’œuvre de déstructuration sociopolitique-économique-culturelle-
religieuse ; malgré toute la corruption, les tromperie, les mensonges,
les manipulations de la vérité vis-à-vis de l’opinion publique
mondiale… malgré tout cela, et bien d’autres infamies sataniques
perpétrées depuis 15 ans sur le sol congolais … «les portes de l’Enfer n’ont pas pu l’emporter» (cfr
Mt 16, 18) !!! Voilà pour moi, la petite-grande preuve de que le rêve
de Munzihirwa n’a pas été vain ni son sacrifice inutile.

L’espérance d’une véritable paix et réconciliation dans la justice et la vérité est encore une petite lueur qui pointe à peine, mais elle ne peut pas manquer tôt ou tard de surgir aussi à l’horizon du Congo, car la vraie l’espérance  ne déçoit pas
(Rom 5, 5 ; cfr 10,11 ; Lc 21, 28). L’espérance chrétienne authentique,
dis-je : donc, active, vigilante et solidaire, comme celle de
Munzihirwa !

 

Bukavu, le 4 Ottobre 2009                                                                   Antonio Trettel sx 

 (1) Cfr Christophe MUNZIHIRWA, Lettere e Appelli dal Congo, ed. EMI-Bologne, 2007, p. 151 (Un beau petit livre, en italien, le
seul que je connais, avec les derniers écrits et appels de Munzihirwa.
Il y a aussi deux bonnes introductions qui situent la figure de
l’Evê-que-martyr, et une présentation de l’actuel archevêque de Bukavu,
mgr.
François-Xavier Maroy). 

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