19.11.09 Le Potentiel: Cinq questions à Henri Fwala Yenga
1. Lagression physique et verbale des politiciens
congolais de passage en Europe, est-ce une nouvelle arme trouvée par
une frange radicale de la diaspora congolaise pour faire entendre et
accepter ses desiderata ?
Je remarque deux choses : dabord dune part, limpatience des
Congolais de la diaspora à voir le sort du pays saméliorer. Cette
impatience est partagée par les Congolais au pays. Mais je napprouve
pas la méthode quils appliquent et je naccepte pas non plus le
discrédit qui peut être jeté sur le pays. Nous pensons quil y a eu des
élections, et que lordre institutionnel mis en place veut promouvoir
la démocratie. La diaspora doit rester vigilante comme elle lest pour
linstant. Mais, elle doit réfléchir sur ses propres méthodes. Et notre
diaspora est complètement hétérogène. On y retrouve ceux qui sont
partis pour les études, les clandestins « ngulus »… Nous navons pas,
en tant que diaspora, une vision unique du devenir de notre pays. Dans
cette masse hétéroclite, il ne peut pas se dégager une vision assez
claire de ce que nous voulons faire du pays. Ceux qui séquestrent les
hommes détat congolais en visite en Europe, de quelle frange de la
diaspora se réclament-ils ? Je partage limpatience des Congolais qui
veulent voir des améliorations, en même temps je condamne la méthode
qui est appliquée. Si lon nest pas daccord, quon dialogue en
avançant des arguments. Je ne crois pas que taper sur des hommes
politiques, les séquestrer, résoudrait les problèmes qui se posent à
notre pays.
2. Le vice-ministère des Congolais de létranger organise
une campagne de lutte contre limmigration clandestine, lOIM. Quen
dites-vous?
Dans lhistoire des sociétés, quand ça ne va pas, lhomme a tendance
à aller chercher le mieux-être ailleurs. Lhomme aspire au mieux-être.
Cest là une donnée universelle que la vice-ministre des Congolais de
létranger ne pourra pas enlever. Limmigration nest donc pas un
phénomène purement congolais. En France, on voit des Portugais, des
Espagnols, des Italiens, arriver lorsque leurs pays respectifs ne
connaissaient pas leur prospérité actuelle. La migration est un fait.
La question est de savoir pourquoi les gens immigrent. La qualité de
lenseignement au niveau universitaire a baissé, et ne cesse de
dégringoler année après année. Nous sommes unanimes à le reconnaître.
Si un jeune congolais immigre pour les études, et surtout que le
gouvernement nest plus en mesure doctroyer des bourses pour des
études spécialisées à lextérieur, cest une chance pour le pays. A
condition quà son retour, il retrouve de meilleures conditions pour
transmettre son savoir ou travailler au profit de la République. Le
problème, ce nest pas les jeunes qui immigrent, mais cest bien la
société qui fait désespérer ses citoyens. Et je pense que le
vice-ministère des Congolais de létranger ne prend pas en compte le
degré de désespérance qui sest installé au pays. Ce quil faut, cest
créer les conditions dune espérance crédible, les conditions propices
pour que les Congolais à lintérieur du pays nimmigrent pas. Que le
pays lui-même ouvre un horizon despérance, et les Congolais
nimmigreront pas en masse. Ce nest pas en faisant des campagnes, mais
plutôt en mettant les moyens. Aujourdhui, est-il facile à un Congolais
de prendre un crédit et de commencer une activité commerciale ?
3. Oui, mais sil dépense 5.000 dollars pour de faux documents, ne pourrait-il pas les investir dans une petite entreprise ?
Noubliez pas cette ponction qui se fait par une dizaine de
services. Jai un petit poulailler dans la ville ; combien des services
ne me visitent pas ! Service dhygiène, denvironnement, de finance,
dagriculture, élevage et pêche, etc, pour me réclamer mille et une
taxes. Toutes ces tracasseries, peut-être, découragent les initiatives.
Si le milieu daffaires était assaini, si les conditions étaient
propices à lentreprenariat, si les Congolais se rendaient compte quon
pouvait facilement réussir au niveau du pays sans être un homme
politique, je crois quils investiraient, sinvestiraient honnêtement.
4. Ny a-t-il pas un manque de vision dans le chef des
Congolais en Europe, lorsquon voit aujourdhui des produits
alimentaires africains commercialisés par des Asiatiques ?
Cest un problème de limaginaire. En insistant sur le reformatage,
ou la révolution de notre imaginaire, des penseurs comme Kä Mana posent
un problème crucial sur notre développement. Il y a quelques années, la
plupart des échoppes à Château Rouge à Paris étaient détenus par des
Congolais. Aujourdhui, ils ont changé de main. Ainsi, la chikwangue
est vendue par des Indiens, le pondu, par des Chinois, ou des Indiens.
Le Congolais est obligé daller acheter ces produits auprès des
Asiatiques. Cest lié à linorganisation, je crois, et comme vous
lavez souligné, à labsence de vision. Et peut-être simplement à une
forme de paresse économique du Congolais. Il y a un créneau à utiliser,
mais rien nest fait. Il faudrait réfléchir sur cette question.
5. On ne pourrait pas parler de problème dargent,
puisque certains Congolais dépensent 5. 000 euros en vêtements, autant
si pas plus, pour « les mabanga » …
Si les Congolais veulent se mettre ensemble pour créer un
consortium, ils le feront. Il y a quelques années, la Miba avait besoin
dargent, et selon ce que jai appris, elle a emprunté auprès de
Rawbank onze millions de dollars. Si chaque Congolais de la diaspora
pouvait verser 100 euros, on pouvait facilement atteindre le montant de
30 millions et devenir actionnaire à la Miba, en évitant que dautres
entreprises accaparent ce joyau national. Malheureusement, nous navons
pas la culture de travailler ensemble. Cest cela notre drame. Nous
excellons dans le culte du paraître, dans laccoutrement. La musique a
sans doute un impact négatif sur ce point, dautant plus que les
musiciens servent de modèles.
PROPOS RECUEILLIS PAR PAPY MAYUMA (TELE7)
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