23.11.09 Cinq questions à Jean-Claude Vuemba Luzamba, par Angelo Mobateli

 

1. Au mois de juin 2009, vous avez informé par motion la
plénière de l’Assemblée nationale de l’impaiement de la dette
intérieure par le gouvernement. De quoi s’est-il agi ?

A la date du 4 juin 2009, les créances en souffrance, enregistrées
dans le cadre de ces dossiers par le ministère du Budget, s’élevaient à
un montant représentant 73% du budget de l’Etat pour l’exercice 2009.
Par sa lettre n°1704 CAB/MIN/Budget/TL/2009, le ministre du Budget
affirmait que les engagements, liquidations, ordonnancements et
paiements pour l’exercice 2009 « débuteront le 1er janvier 2009 ».
Paradoxalement, aucun paiement n’avait été effectué au moment où
j’informais l’Assemblée nationale. En fait, il existe au niveau de
l’Etat congolais deux procédures en matière de passation des marchés
publics de travaux, de fournitures, de transports et de prestation de
services. Tous ces marchés sont, en principe, passés à la suite d’un
appel d’offres publié dans les journaux et avec achat de cahiers de
charges par les adjudicataires. Une fois le marché conclu avec le
prestataire qui l’a gagné, le ministère demandeur de prestations doit
lui octroyer 30 à 40% du montant du marché pour lui permettre le
démarrage de l’exécution du contrat.

2. Quelle a été la réaction de la plénière ?

Il est apparu que, depuis belle lurette, les ministères demandeurs
ne s’exécutaient plus et n’avançaient donc aucun montant aux
entreprises prestataires. Alors qu’il leur suffisait de signer un bon
d’engagement sur le montant logé au crédit de leur rubrique budgétaire.
Beaucoup de dossiers ne passaient pas par la chaîne de dépenses. Tout
se passait entre le ministère du Budget et celui des Finances. Tant et
si bien qu’au 30 décembre 2008, les deux ministères ont envoyé tous les
dossiers non payés à l’Inspection générale des Finances pour
certification, malgré les signatures des ministres concernés. C’est
donc à la suite de ma motion d’information que la plénière a pris la
résolution de mettre en place une commission parlementaire d’enquête.

3. Les 73% ne seraient-ils pas la cause du dérapage que vous avez dénoncé récemment ?

Non, parce que ce montant n’a jamais été payé aux prestataires. A
moins que ceux qui l’affirment aient oublié de préciser qu’ils ont
servi leurs amis et leurs coquins. Parce que les intérêts de la
République sont en jeu et en tant que représentant du peuple, je me
dois de dénoncer les abus et les faiblesses qui caractérisent la
gestion des affaires publiques. Et le trou de 150 milliards de Francs
congolais, relevé dans les finances publiques, en est une parfaite
illustration. Sur cette question, si le gouverneur de la Banque
centrale a dit dans la presse qu’« il n’y a pas de trou du tout » et
que « le problème est mal posé », il a tout de même reconnu que, « pour
environ 100 à 120 milliards de Francs congolais, les engagements par
rapport au plan de trésorerie excédaient le fond de caisse ». Il a même
paru optimiste quand il a ajouté que « cette situation a du reste fait
l’objet de discussions avec les experts du Fonds monétaire
international et le malentendu a été dissipé ». Or, le peuple congolais
a appris que les bailleurs bilatéraux de la RDC, regroupés dans le Club
de Paris, ont recalé le gouvernement au cours de leur réunion du
mercredi 18 novembre 2009 à laquelle n’a assisté aucun officiel
congolais. Ils ont plutôt mis en place une commission qui va rencontrer
à Kinshasa le président Joseph Kabila, pour leur donner des assurances
et des garanties avant la prise de décision sur le sort du dossier de
la RDC.

4. N’avez-vous pas le sentiment de marcher à
contre-courant, les députés de la majorité ayant affiché leur
attachement au gouvernement en rejetant la motion de défiance de
l’opposition contre le Premier ministre ?

Non. J’en veux pour preuve un document confectionné par des députés,
parmi lesquels des ténors de la majorité, citant nommément des
ministres qu’ils disent impliqués dans des dossiers qui ont soulevé des
passions en plénières.
Mon seul regret, est celui de voir qu’ils s’expriment sur le tard,
alors qu’ils avaient refusé leur soutien à l’opposition politique dans
le dossier des contrats chinois, notamment.

5. A quoi vous fait penser la coordination souhaitée entre le gouvernement et la BCC ?

Je continue à soutenir que mes propos ont été déformés et mal
interprétés. Je répète avoir vu l’injonction des institutions de Breton
Wood dans la restructuration de la BCC. Je suis d’avis que la présence
imposée d’un conseiller général étranger, Ivoirien en l’occurrence,
dans cette institution monétaire nationale est une intrusion. Il est en
réalité l’oreille et la bouche par laquelle vont tomber les directives
des bailleurs de fonds. Cela ressemble quelque peu au rôle qu’a joué
jadis Blumenthal à l’époque de la BCZ.

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