24.11.09 Le Potentiel: Cinq questions à Kisimba Ngoy Maj, par Angelo Mobateli

 

1. Quelle analyse faites-vous de la loi foncière, 36 ans après sa promulgation en 1973 ?

L’actuelle législation a établi la différence entre les aspects
fonciers- aux termes de laquelle la propriété appartient exclusivement
à l’Etat – et les aspects immobiliers dont les droits sont détenus par
toutes les catégories des personnes physiques ou morales, publiques ou
privées, au moyen des concessions ordinaires ou perpétuelles. Mais,
cette loi foncière n’a pas offert des garanties et des sécurités
juridiques suffisantes, au point que les importants investissements
immobiliers attendus dans le pays ne sont pas arrivés, encore moins le
système de crédit. D’autant plus que le développement du capital est
lié aux investissements et aux crédits.

2. Quels sont les obstacles et les limites à l’exécution de cette loi ?

Les principaux obstacles s’articulent notamment sur l’inégalité
entre les Congolais, personnes physiques, seules à jouir du droit de
concession perpétuelle, par rapport aux étrangers et aux personnes
morales qui ne peuvent disposer que des concessions ordinaires. Par
ailleurs, il y a cette dualité de gestion foncière – entre l’Etat et
les ayants droit coutumiers d’une part et, d’autre part, la coexistence
du droit coutumier des communautés locales avec le droit écrit – qui
pose un réel problème. Un autre obstacle est cette coexistence des
différents codes (minier, forestier, foncier, des hydrocarbures et,
prochainement, agricole) qui génère des conflits de gestion du sol.

3. N’y aurait-il pas d’autres difficultés ?

Bien sûr qu’il y en a. Les difficultés d’octroi des crédits liées à
la loi foncière et l’insécurité juridique en matière immobilière sont à
la base des conflits devant les cours et tribunaux. Près de 80% de ces
conflits sont fonciers et immobiliers. Les pesanteurs du système
judiciaire ainsi que les limites du système foncier et immobilier
congolais sont à inscrire dans le même registre. Malheureusement,
toutes ces difficultés découragent les investisseurs étrangers
(personnes physiques ou morales) dans l’immobilier. Au motif qu’ils
sont soucieux de ne pouvoir amortir leurs investissements face à un
terme de concession jugé limitatif. D’autre part, il y a cette
complicité passive ou omission observée dans le chef des gestionnaires
des biens publics (immeubles, bâtiments ou autre patrimoine) qui ne se
donnent pas la peine de savoir si le patrimoine sous leur gestion est
protégé par un titre de propriété ou pas.

4. Quelle solution préconisez-vous ?

Il faut chercher des mécanismes susceptibles d’aider le gouvernement
à mettre en branle la réforme de la loi foncière. Je pense notamment à
l’instauration d’un cadre de concertation permanent entre les
différentes administrations intervenantes. Comme on peut s’en rendre
compte, tous les obstacles, toutes les limites et lacunes relevés
exigent qu’une profonde réforme de la loi du 20 juillet 1973 soit
entreprise le plus rapidement possible. Et ce, en vue de donner des
réponses efficaces et durables aux préoccupations légitimes des
propriétaires fonciers et immobiliers. Entre-temps, nous avons réalisé
un travail de remise à niveau des agents du ministère des Affaires
foncières à travers leur recyclage, dans la mesure où la vulgarisation
et la maîtrise du Code foncier devaient commencer par eux.

5. Qu’attendez-vous de la réforme de la loi foncière ?

La réforme de la loi foncière permettra à la République démocratique
du Congo d’amorcer un développement intégré. Celui-ci partira des
secteurs foncier, agraire et immobilier vers celui des finances. Ces
secteurs ont été longtemps négligés. Aujourd’hui, il est indispensable
qu’une législation cohérente et rigoureuse soit mise en place avec des
principes fondamentaux de la propriété foncière africaine, en les
adaptant aux exigences de la vie économique d’un Etat moderne.

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