18.12.09 Le Potentiel: Cinq questions à Mme Léonie Kandolo

 

1.Votre ONG Protection Enfants Sida (PES), dont le siège
social est à Lubumbashi, a été primée le 25 novembre 2009 à
Johannesburg et a reçu le prix Vih/Sida et droits de l’homme « HIV/AIDS
Human Rights Award 2009 » que le réseau Aids and rights alliance for
southern Africa (Arasa) décerne chaque année pour sa contribution à la
lutte contre le Vih/Sida dans la région de la SADC. Qu’avez-vous fait
particulièrement cette année pour mériter ce prix ?

Ce qui nous a valu ce prix, c’est la meilleure exécution d’un des
programmes les plus ambitieux de formation et de plaidoyer sur les
droits de l’homme dans le contexte du Vih/Sida financé par Arasa pour
la région de la SADC. Lancé en 2008, ce programme couvre toute la RDC
et a une durée de deux ans. Pour sa réussite optimale, nous avons mis
en place le réseau Sida action croisée (SACROI) qui réunit les ONG de
lutte contre le Vih/Sida et des droits de l’homme de toutes les
provinces. Nous avons organisé deux ateliers nationaux (Vih/Sida et
plaidoyer en droits de l’homme) à Kinshasa et huit ateliers
décentralisés sur le Vih/Sida et les droits de l’homme dans les villes
de Matadi, Mbuji-Mayi, Kikwit, Mbandaka, Kananga, Kisangani, Lubumbashi
et Kinshasa. En 2009, ce programme a permis de former 122 activistes
des droits de l’Homme et de lutte contre le Vih/Sida dont 49 femmes.
Les personnes vivant avec le Vih/Sida (PVV) ont largement bénéficié de
ces formations. La même année, un plaidoyer actif a été mené auprès des
autorités pour que les portes des prisons soient ouvertes aux
organisations partenaires de la PES et membres du SACROI afin d’assurer
les services de prévention Vih/Sida aux prisonniers. Pour cela, nous
serons dans toutes les provinces où les autorités nous ont déjà réservé
une suite favorable. C’est donc en reconnaissance de la meilleure mise
en œuvre de ce programme que la PES a gagné ce prix qui récompense la
meilleure organisation dans la région de la SADC.

2. Qu’est qui justifie, le choix de la thématique «vih et droits de l’homme » pour mener l’action de votre ONG ?

La PES a été créée en 2001, à Lubumbashi. Notre travail sur le
terrain nous a fait prendre conscience qu’en plus d’être confrontées à
la maladie, les PVV étaient également confrontées à une forte
discrimination et à des violations permanentes de leurs droits. C’est
ainsi que nous nous sommes engagées dans ce combat pour que soient
respectés les droits des PVV au même titre que tous les autres
Congolais. Car le manque de respect des droits des PVV est un frein à
la lutte contre le Sida. Tout en reconnaissant une avancée dans le
respect des droits des PVV, notamment au niveau de la prise en charge
médicale, nous devons admettre que beaucoup reste encore à faire.

3. Votre satisfaction n’est donc pas totale. Que vous reste-t-il encore à faire, le Congo étant très vaste ?

C’est une grande satisfaction d’avoir son travail reconnu par ses
pairs. Bien que le travail abattu soit important, il est évident que,
la RDC étant un pays très vaste, le travail qui reste à faire est
encore très important et ce, dans tous les domaines relatifs pas
seulement à notre thématique. Nous poursuivons notre programme. Et tout
appui pour son élargissement est le bienvenu. Chacun apporte sa pierre
et contribue à l’amélioration de la vie de la population congolaise et
prend ainsi une part active au développement du pays. Tout cela ne peut
être que source de satisfaction.

4. Depuis quelques années, la femme africaine en général
et la congolaise en particulier ne jurent que sur le « gender ».
Sachant que l’homme ne peut pas, comme par enchantement l’accepter,
comment, selon vous, la Congolaise doit-elle s’y prendre pour gagner ce
pari ?

Le combat pour le genre n’est pas seulement celui des femmes
africaines ou congolaises, mais c’est le combat de toutes les femmes à
travers le monde. Les hommes ne sont pas contre l’intégration du genre
souvent mal compris et considéré comme une attitude féministe extrême.
Nous devons quand même constater que la RDC est l’un des premiers pays
au monde à avoir inscrit le principe de parité homme-femme dans sa
Constitution, spécialement en son article 14. La femme congolaise
s’appuie donc sur la Loi fondamentale du pays pour que les femmes
soient représentées à tous les niveaux où se prennent les décisions. En
effet, il est important que la femme qui représente la majorité de la
population soit représentée de façon significative pour ne pas dire de
façon paritaire à tous les niveaux afin de faire entendre sa voix et
donner sa vision particulière tant pour le développement que pour la
gouvernance pour ne citer que cela. Le travail pour l’intégration du
genre doit se faire sur plusieurs angles, notamment par le renforcement
des compétences des femmes, par leur implication dans les partis et la
vie politiques. Ces résultats ne pourront être obtenus que par un
plaidoyer au niveau des autorités et d’une forte sensibilisation au
niveau de la population. Cela prendra du temps, car nous sommes
confrontées à des problèmes culturels et doit être compris comme une
amélioration et non un combat des hommes contre les femmes.

5. Les élections générales pointent à l’horizon. Que pouvez-vous faire pour amener les femmes à se jeter dans la bataille ?

Au sein du Cadre permanent de concertation de la femme congolaise
(Cafco), dont je suis membre fondateur, vont être organisées de
nombreuses sensibilisations auprès des femmes pour qu’elles
s’impliquent en tant qu’électrices et dépassent les tabous culturels
qui les empêchent de voter pour d’autres femmes. Mais il faut aussi
réaliser un travail d’identification des femmes qui ont le potentiel
d’être des candidates et les inciter à adhérer à des partis politiques.
J’invite donc toutes les femmes qui ont des compétences à s’impliquer
dans ce processus. Le travail à abattre est très important car nous
sommes encore confrontées aux problèmes sociaux et culturels.
Toutefois, j’ai bon espoir qu’après ces échéances, la femme congolaise
sera mieux représentée qu’aujourd’hui.

PRESIDENTE DE L’ONG PROTECTION ENFANTS SIDA (PES)

Propos recueillis par Olivier Dioso

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