30.12.09 Le Potentiel : Cinq questions à Diomi Ndongala Eugène, par Marcel lutete

 

1. L’année 2009 touche à sa fin. Avez-vous, aujourd’hui,
la même conviction que vous aviez sur les incohérences de la politique
de l’Exécutif congolais par rapport à la gestion du conflit au Kivu. Et
pourtant, un accord de paix a été signé en mars 2009 à Goma entre le
gouvernement et le CNDP ?

Ma conviction est demeurée intacte. Je réaffirme que la politique au
Congo-Kinshasa souffre d’une maladie chronique : il s’agit du syndrome
pernicieux qui mine, depuis des décennies, les fondations de l’Etat
congolais. Ce syndrome consiste en un mépris que ses dirigeants
éprouvent envers un Etat de droit, dans toutes ses manifestations. Mais
particulièrement en ce qui concerne le respect de la Loi fondamentale
de ce pays, sur laquelle est pourtant bâti tout l’appareil étatique et
qui garantit les libertés fondamentales des citoyens.

C’est, effectivement, le cas avec l’accord signé entre le
gouvernement et le CNDP en mars 2009 à Goma. J’ai eu l’occasion de lire
et analyser dans les détails cet accord. Et au-delà de l’appréciation
politique du travail de compromis abattu, certains points de cet
accord, à mon avis, portaient les germes de violations graves de
l’ordre constitutionnel en vigueur en RDC. Il y a, en particulier, le
projet de mise en place d’une police dite de « proximité » – point 5.2
de l’Accord et, avant elle, la constitution « d’unités de Police dites
spéciales » point 5.5. Ils représentent des aspects (de l’Accord)
particulièrement inquiétants. En effet, ayant manifestement une
connotation « ethnique » et « politique » , l’érection de branches de
police est clairement en contradiction avec l’article 183 de la
Constitution qui prescrit, en revanche, le caractère « apolitique et
national » du corps de police républicain de la RDC ; un principe qui
n’accepte pas de dérogations.

2. Que voulez-vous dire par là ?

La paix ne peut avoir comme prix le démantèlement de l’Etat de
droit. Et comme je l’avais souligné autrefois, ce n’est pas surprenant
que, même le médiateur international, Olusegun Obasanjo, qui a
supervisé cet accord en tant qu’envoyé spécial du secrétaire général de
l’Onu, ait affirmé dans un discours tenu à Londres, le 18 mars 2009 à
la London School of Economics and Political Science, ceci : « Dans ma
longue carrière politique, je n’ai jamais rencontré un gouvernement et
une armée si faibles comme ceux de la RDC », fin de citation. C’est
donc suicidaire pour l’Exécutif congolais de miner l’Etat de droit pour
accepter passivement les revendications d’un mouvement insurrectionnel
qui a comme objectif évident l’affaiblissement du Congo en tant qu’Etat
unitaire. Dans tous les cas, je persiste et signe : la légalité
constitutionnelle n’est pas négociable.

3. La RDC n’a pas échappé à la crise économique et
financière internationale. Quelle leçon avez-vous tirée de la capacité
de réaction du gouvernement Muzito face à cette crise ?

La mondialisation de l’économie, surtout dans ses excès de libre
marché dérégulé, a donné lieu à un phénomène global qui est celui de la
« mondialisation de la pauvreté ». La RDC s’est vu frapper par la crise
mondiale surtout à cause de la forte dépendance de notre économie de
l’exportation des matières premières, une faiblesse que j’appelle la «
malédiction de l’économie de comptoir ». Celle-ci frappe notre pays
depuis sa fondation en tant qu’Etat indépendant. Néanmoins, le
caractère global de cette crise ne devrait pas continuer à être utilisé
comme excuse ou écran de fumée pour cacher l’inefficacité de la
politique macro-économique du gouvernement. Rien n’a été fait – ou
n’est fait – pour atténuer l’impact de la crise économique sur les
entreprises, pour atténuer les effets désastreux de l’inflation sur les
couches les plus défavorisées de notre population.

Aussi avais-je stigmatisé l’incapacité du gouvernement à
assumer ses responsabilités d’une manière claire et nette. Les
Congolais ne peuvent continuer à subir les conséquences néfastes de
l’immobilisme de l’Exécutif et ses indécisions narcissistes, alors que
le pouvoir d’achat de toutes les couches sociales s’effrite
dangereusement.

4. A quoi faut-il s’attendre à court terme ?

Il ne faut rien attendre du pouvoir en place. Les indicateurs
l’attestent. La situation générale va continuer à se dégrader. Le pays
va poursuivre sans désemparer sa descente aux enfers. 2010 ne sera pas
mieux que 2009, bien au contraire. Dans tous les cas, à l’horizon, il
n’y a rien qui puisse redonner espoir aux Congolais.

Je réitère ce que j’avais dit il y a quelques mois. La majorité
au pouvoir semble oublier qu’après trois ans de gestion chaotique et
infructueuse du gouvernement, elle n’aura aucun bilan positif à
présenter aux Congolais, à part celui de la gabegie financière
dominante dans tous les secteurs de la vie nationale, les parachutes
dorés payés à l’élite politique au pouvoir et aux proches de la
majorité placés dans les entreprises publiques presque toutes au bord
de la faillite…

5. Que dites-vous de l’affaiblissement de l’Etat congolais dont on parle souvent ?

L’affaiblissement de l’Etat congolais est dû à la mauvaise gestion
des intérêts du peuple congolais, à la mauvaise gestion de nos
richesses et l’oubli de nos vraies potentialités. Les Congolais les
plus avertis savent que leur pays est menacé mais il est encore
possible de refonder un appareil étatique fonctionnel et efficace : il
faudra passer par la mise en place immédiate d’une armée capable
d’assurer la défense extérieure de la RDC ; par des réformes
structurelles de la justice, de l’administration et par une diplomatie
qui ne laisse pas apparaître éternellement la RDC comme un Etat sous
tutelle qui se plie systématiquement au bon vouloir de ses voisins…

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