La fausse libération (Serge Gontcho)

Voici un point de vue personnel, que je donne comme ma contribution
(modeste) aux différentes prises de position sur cette affaire.

La rébellion à Dongo, le mouvement armé, ce qu'on appelle "la
résistance des patriotes", ne me semble pas la meilleure voie pour le
Congo aujourd'hui. C'est peut-être même un piège que nous risquons de
regretter demain.

Souvenons-nous de l'histoire. En 1996. Le peuple en avait assez de
Mobutu et appelait de tous ses vœux son départ. Sur ce vint
Laurent-Désiré Kabila, pour "libérer" le peuple de l'oppression. Un
accueil chaleureux lui fut réservé. A Kinshasa, les femmes étendaient
sur le sol leurs pagnes; c'est tout dire. Mais Mobutu parti, il ne
fallut pas longtemps pour déchanter. LD Kabila lui-même dira de l'AFDL
: "c'est un conglomérat d'aventuriers". Nous payons aujourd'hui au
centuple un répit de bref durée appelé de toutes nos forces pour
chasser Mobutu.

La même situation n'est-elle pas en train de se répéter aujourd'hui ?
Nous ne savons rien de ceux qui agitent l'ouest, sinon ce qu'ils disent
d'eux-mêmes via des relais bien connus.

Qui a intérêt à ce qu'il y ait trouble à Dongo ? Beaucoup de gens.

1° La MONUC. Elle peut trouver là une raison de légitimer sa présence au Congo et prolonger sa villégiature

2° Le Rwanda. En détournant l'attention vers l'ouest, il peut continuer
à voler, tuer des prêtres et des sœurs à l'ouest sans nécessairement
faire la une des journaux.

3° Le MLC. En débandade sur le plan politique et militaire (?), il peut
trouver là une fibre tribale pour se faire une nouvelle légitimité.

4° Les adeptes de la balkanisation du Congo. Dongo devenant un foyer de
plus, après tout l'est, alors que pouvoir de Kinshasa est impuissant de
restaurer la paix à l'est, chez les Mbororo, sans oublier les Angolais
qui vont et viennent comme chez eux dans le Bas-Congo et le Bandundu.
En multipliant les foyers de tension, la somalisation et la
balkanisation sont en marche.

5° … et qui sais-je encore ?

Au lieu de plonger la tête baissée dans ce piège, il vaut mieux que le
peuple congolais se pose les questions réelles sur sa propre
responsabilité. Qu'avons-nous fait, depuis les élections de 2006, pour
donner de l'espoir à notre peuple ? Quel est le parti politique qui
fédère aujourd'hui ? L'UDPS ? Le MLC ? Le PPRD ? Le PALU ? Quelle est
l'organisation citoyenne qui rassemble et propose une alternative ?
Rien du tout ! Et si nous n'avons pas été capables de construire dans
la paix, croyons qu'il est plus facile de construire par les armes ?
Les échecs de Bemba, Kabila, Mbusa, Lumbala et tous les autres chefs de
guerre sont là pour nous dire que non ! Alors pourquoi s'investir dans
une voie dont le vrai ressort est l'aveu de notre échec persistant à
nous organiser ? On dira la dictature ? Mais où en sommes-nous dans la
communauté congolaise à l'étranger ? Guerre plus brillant.

Il est vrai qu'il y a des moments où la résistance armée se légitime,
mais cela n'est qu'en dernier ressort, et c'est constitutionnel. Si
d'aventure, aujourd'hui, des groupes armés venaient à chasser le
pouvoir actuel et prendre sa place, de quel chantage ne serons-nous pas
l'objet, comme à l'époque de Laurent-Désiré Kabila, quand il disait aux
autres : vous étiez des peureux, c'est moi qui vous ai libérés. Alors,
taisez-vous, suivez le guide. Et ce sera parti pour un remake.

Non, chers compatriotes. Nous sommes à deux ans des élections. C'est la
meilleure voie, pour l'instant pour provoquer l'alternance. La vérité
c'est que personne aujourd'hui n'est prêt pour cela, faute
d'organisation, faute de vision. Est-ce pour cela que certains
soutiennent la guerre ? Les sceptiques diront "les élections seront
truquées, et d'ailleurs elles n'auront pas lieu". Je vous étonnerai
peut-être en disant avec vous que ces élections n'auront même pas lieu
en 2011. Je suis prêt à le parier. Et alors ? A mon avis le pouvoir a
peur des élections, alors pourquoi lui donner un prétexte ? Nous menons
par 3 à 0 pour le moment

1° En 2006, alors qu'il fallait organiser les élections locales avant
les autres, l'appareil politique en place a tripoté pour qu'il n'en
soit pas ainsi. Masta akimi komba. 1 – 0.

2° Après 2006, on a prévu les locales pour 2007. Je ne sais plus pour
quelles raisons, on a botté en touche. Masta akimi komba : 2-0.

3° Il n'y a pas longtemps, le Chef de l'Etat venait d'annoncer que les
élections locales de 2006 auraient lieu en … 2011, une fois pour
toutes, avec les autres. Masta akimi komba. 3-0.

4° Je vous prédis, même n'étant pas prophète, qu'en 2011, il n'y aura pas élections. Masta akokima komba : 4-0.

Mais finalement, elles auront lieu ces élections, d'une manière ou d'une autre. Alors ?

Il est possible, il est préférable de rechercher l'alternance par les
voies démocratiques. Il nous reste deux ans pour travailler. Au camp du
pouvoir de chercher à convaincre que les 5 Chantiers ont été une grande
réussite, que la paix est revenue depuis longtemps à l'est, que le fils
de la sentinelle mange du poulet 6 fois par jour, et que les autoroutes
promises en 2006 seront devenues une réalité.

A moi de dire que je suis dans l'obscurité depuis 3 mois quoique vivant
en pleine capitale, que l'on tue chaque semaine un prêtre, que l'on
viole, que les enseignants touchent moins de cinquante dollars par mois
, etc.

Osons jusqu'au bout le pari de la démocratie.

Gontcho

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