1964: L’Armée Populaire à Stanleyville

 Le sauvetage des
diplomates américains était une priorité importante pour Washington et la
station de la CIA
au Congo organisa hâtivement l’opération « Flagpole ». De Lisala,
deux hélicoptères protégés par deux T-28D devaient rejoindre le consulat US de
Stanleyville, situé au bord du fleuve Congo, pour évacuer le personnel
diplomatique, mais l’opération fut annulée à la demande du consul qui s’était
mis provisoirement à l’abri avec son personnel dans la chambre forte du
bâtiment. L’Armée Populaire de Libération, commandée par Nicolas Olenga,
auto-promu lieutenant-général, s’empara des stocks d’armes, d’équipements et
d’uniformes dans les dépôts du camp Ketele. Les fusils Fal et Mauser, les
mitraillettes Sten et Vigneron récupérés à l’ANC furent distribués aux Simba de
l’armée rebelle, mais comme cela ne suffisait pas, de nombreux soldats
défilèrent armés de lances ou de machettes pour la grande fête de la victoire.
Certains Simba avaient revêtu l’uniforme de l’ANC et s’étaient coiffés de
casquettes ou de bérets militaires, mais les toques en peau d’animal
prédominaient chez les officiers. Quelques uns chaussaient des brodequins
militaires, mais la plupart marchaient pieds nus ou en sandales. Quant aux
jeunes recrues de l’APL, elles défilaient pieds nus avec des vêtements civils,
le corps ceint de feuilles de palmier, arborant toutes sortes de coiffures.

 Comme Patrice Lumumba, le commandant en chef de l’APL était un Batetela
originaire du Sankuru. Il n’avait aucune expérience militaire en tant
qu’officier, mais il avait acquis une certaine notoriété dans la direction du
mouvement de « Jeunesses MNC/Lumumba » de sa région. En tant que
« responsable des  opérations de guerre » sur le terrain, Nicolas
Olenga plaça l’Etat Major Général de l’APL sous le commandement du colonel
Joseph Opepe, un ancien sous-officier formé à l’école centrale de la Force Publique à
Luluabourg qui avait été promu au grade d’officier en juillet 1960 lors de
l’africanisation de l’armée voulue par le premier ministre Lumumba. Il avait
acquis une certaine renommée à Stanleyville au temps d’Antoine Gizenga en tant
qu’adjoint du général Lundula, mais il avait été écarté de l’ANC en 1962. Le
bâtiment du quartier général du 3e Groupement de l’APL, situé avenue Lothaire à
Stanleyville, où le col Lukongo et des officiers de l’armée congolaise, passés
au service de l’APL, continuaient d’exercer les fonctions de S1, S2, S3 et S4
comme en temps de paix, devint par la même occasion le siège du quartier
général de l’APL avec ses bureaux G1, G2, G3 et G4 et Nicolas Olenga confia les
fonctions d’officiers d’état-major à des cadres simba sans aucune formation
militaire. Le quartier général de l’APL se substitua dans la plus parfaite confusion
au quartier général du 3e Groupement. Le chef de l’armée rebelle conservait
plus ou moins la même organisation que l’Armée Nationale Congolaise, dont ses
hommes héritèrent également l’indiscipline. Le  13 août 1964, le
lieutenant général Olenga prit la tête d’une colonne de renforts et rejoignit
son quartier général avancé d’Ops Kindu. Malgré l’échec d’une première
offensive sur Bukavu, il rêvait de s’emparer de la ville où il avait vécu avant
l’indépendance et d’y défiler en vainqueur.

 Des dizaines de camions et de voitures
rebelles terminèrent leur voyage sous les balles des avions T-28D au gué de
Nzibira, véritable cimetière de véhicules sur la route de Bukavu. Le 21 août
1964, la situation des Américains en zone rebelle devint critique car le lieutenant
général Olenga avait perdu la bataille de Bukavu et s’était réfugié à Kindu
avec les restes de son armée. Le chef de guerre vaincu envoya à Stanleyville
deux messages radio par le réseau radio du CFL condamnant les « attaques
injustifiées de l’Amérique et les menaçant des pires représailles ». Le
second message ordonnait à ses officiers : « Obligation d’arrêter
tous les Américains se trouvant au Congo et les traduire devant la cour
martiale pour mise en jugement sans pitié ». Dès la réception de ces messages
à Stanleyville, le colonel Kifakio se rendit avec ses Simba au consulat US pour
procéder à l’arrestation des diplomates américains.

 Michael Hoyt et son adjoint David Grinwis furent menacés de mort, mais
ils furent épargnés grâce à l’intervention du consul belge Nothomb et du col
Opepe. Ils furent néanmoins obligés d’adresser un télégramme au Département
d’Etat pour prier les Etats Unis de reconsidérer leur aide militaire au
gouvernement central. Le 27 août 1964, Gaston Soumialot, devint ministre de la Défense Nationale
dans le gouvernement de la république populaire du Congo. Il avait autorité sur
l’Armée Populaire de Libération. Nicolas Olenga avait décrété que les
commerçants de Stanleyville devaient remettre en application les prix de
1960  dans leur magasin. La République Populaire
chercha des appuis à l’étranger et Nicolas Olenga envoya un télégramme au
président égyptien Nasser en lui décrivant sa lutte héroïque : « …au moyen de
lances, couteaux, flèches, comme mes aïeux, je suis parvenu à briser la force
des néo-colonialistes -stop- mais pour se battre avec la Américains et blocs de
l’OTAN armés des armes modernes et très perfectionnées, il me faut aussi des
armes modernes -stop- je vous demande cette offre .

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