La RDC dans l’étau du FMI, par Renaud Vivien

 Les garanties données par le Club de Paris étaient un
préalable obligatoire à la conclusion de ce programme avec le FMI ainsi
qu’à un allègement de sa dette externe, dont le paiement annuel absorbe
un quart des dépenses publiques !

Mais
la route est encore longue et parsemée de conditionnalités avant
d’atteindre le fameux « point d’achèvement », qui donne droit à cet
allègement de dette et qui constitue l’ultime étape de la stratégie
PPTE (Pays Pauvres Très Endettés) promue par le FMI et la Banque
mondiale pour soi-disant régler le problème de la dette. La RDC attend
cet allègement depuis 2003 et pourrait bien l’attendre encore
longtemps… En effet, pour le « mériter », le gouvernement congolais
devra s’attacher entre autres au « développement du secteur privé,
notamment par la réforme des entreprises publiques (…) la protection de
l’investissement étranger et l’amélioration de la transparence dans la
gestion des ressources naturelles
», indique le communiqué de presse du FMI |1|.

Autrement
dit, la RDC doit achever la privatisation de ses secteurs stratégiques
(mines, énergie, industrie, transport ) déjà très largement contrôlés
par les transnationales, impliquant le licenciement massif des
travailleurs, comme ce fut le cas en 2003 avec l’opération mal nommée «
Départs volontaires ». Ce plan de licenciement financé intégralement
par la Banque mondiale a violé les droits de 10 655 agents de la Gécamines,
l’entreprise publique minière située au Katanga, qui attendent toujours
le paiement de leurs arriérés de salaires et les indemnités prévues par
le droit congolais.

« La protection de l’investissement étranger
» signifie, quant à elle, une interdiction pour les autorités de revoir
les contrats miniers conclus illégalement avec les transnationales
(sauf si elles sont chinoises !). Rappelons en effet, que le Canada
s’était opposé à la conclusion d’un accord avec le FMI lors de la
réunion du Club de Paris du 18 novembre où aucun officiel congolais
n’était invité. Le but était alors de faire pression sur le
gouvernement, qui avait annoncé quelques jours plus tôt la résiliation
d’un contrat frauduleux signé avec l’entreprise canadienne First Quantum. L’affaire a finalement été réglée suite à l’engagement du gouvernement d’améliorer « le climat des affaires »…

Concernant « la gestion des ressources naturelles
», le FMI fait comme à son habitude reposer la seule responsabilité sur
la RDC en omettant le rôle néfaste de sa partenaire, la Banque
mondiale, incapable de changer de politique. Selon les ONG Greenpeace,
Global Witness et Rainforest |2| : «
En tant que bailleur principal de la réforme forestière congolaise, la
Banque mondiale porte une responsabilité particulière pour les
résultats médiocres observés à ce jour (…) Les conclusions du rapport
d’enquête de 2007 réalisé par le Panel d’Inspection |3|,
révélant le parti pris de la Banque mondiale en faveur de
l’exploitation industrielle, au détriment des communautés locales,
semblent avoir été largement ignorées
». Malgré les enjeux liés à
la déforestation et au changement climatique, le FMI s’inscrit toujours
à l’instar de la Banque mondiale dans cette logique de l’exploitation
industrielle du bois en transformant un peu plus la RDC en véritable
paradis pour les transnationales, comme si les bénéfices réalisés par
ces dernières allaient en bout de course profiter au peuple congolais.
Pourtant, c’est l’inverse qui se produit dans l’ensemble des pays en
développement : les populations s’enfoncent dans la pauvreté tandis que
les rapatriements des bénéfices réalisés par les transnationales
augmentent, culminant en 2008 à 298 milliards de dollars !

Que
va gagner la RDC en appliquant toutes ces conditionnalités ? Pas grand
chose : environ 560 millions de dollars étalés sur trois années à
condition que le FMI juge satisfaisante l’application de ses
politiques. En effet, la RDC est sous haute surveillance puisque le
programme triennal est évalué au fur et à mesure de sa mise en œuvre.
Au total, six missions d’évaluation du FMI sont prévues, conditionnant
le décaissement des différentes tranches financières. L’allègement de
la dette dépendra des résultats de la première évaluation prévue en
mars 2010. Rien n’est donc acquis, sachant que le précédent accord
avait été suspendu par le FMI en 2006 et que l’Ukraine s’est vu refuser
en octobre dernier la dernière tranche d’une aide FMI, après avoir
adopté une loi augmentant le salaire minimum. Dans l’hypothèse où le
gouvernement congolais fait un sans-faute, il continuera à supporter
une dette de 4 milliards de dollars, après l’allègement espéré. La
difficulté restera de trouver les ressources financières pour la
rembourser, vu que les privatisations imposées par les bailleurs de
fonds entraîneront moins de recettes budgétaires. Le gouvernement devra
alors se réendetter à moins qu’il ne fasse un autre choix.

Cet
autre choix pourrait être de refuser de payer la dette afin d’assurer
en priorité les besoins humains fondamentaux de sa population et se
débarrasser de la tutelle néo-coloniale des créanciers. Un tel acte
unilatéral est fondé en droit international, d’autant que la dette
congolaise est une dette odieuse, constituée principalement d’arriérés
impayés par l’ex-dictateur Mobutu. Elle n’a donc aucune valeur
juridique car les créanciers connaissaient la nature dictatoriale du
régime mobutiste. Le Forum sur la corruption, qui s’est ouvert en RDC
le 16 décembre, pourrait être une occasion pour les mouvement sociaux
congolais d’exiger la mise en place d’un audit de cette dette pour en
révéler le caractère illicite et identifier les détournements afin de
légitimer la répudiation de la dette et exiger la restitution des biens
mal acquis. Seulement 3% des avoirs détournés au niveau mondial ont été
restitués à ce jour, malgré la ratification de la Convention de l’ONU
contre la corruption par la majorité des pays du Nord, qui consacre la
restitution des avoirs détournés comme un principe fondamental du droit
international.

Notes

|1| http://www.imf.org/external/french/…

|2|
Lettre ouverte du 3 décembre 2009 adressée à la banque : « La Banque
mondiale et le secteur forestier en République démocratique du Congo,
feuille de vigne ?

|3|
Le Panel d’Inspection est l’organe interne à la Banque mondiale chargé
d’enquêter sur les violations commise par cette dernière dans les
projets qu’elle appuie.

http://www.cadtm.org/La-RDC-dans-l-etau-du-FMI



Publicada por
José Marques dos Santos


em
23:22

 



 

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