La RDC: République des minerais (Marc Kapend)

À l’occasion de la nouvelle année 2010, le vœu que je tiens à formuler à

l’endroit de mes compatriotes est celui du raffermissement de la société

civile en vue de réaliser la volonté des pères de l’indépendance, celle

d’une république démocratique du Congo.

Par la société civile, j’entends toute la sphère composée des groupes

sociaux divers (églises, syndicats, partis politiques et associations

diverses) et qui sont au dehors des institutions et organisations

gouvernementales. Il s’agit de tous ces groupes organisés de citoyens

trompés, affamés, persécutés, chassés de leurs lieux d’habitation et de

production, par des politiques et pratiques de la mondialisation

économique entretenues depuis 1960 par des agents locaux et internationaux

avides de l’aide au développement et fervents de la mondialisation

économique. Le salut de nous tous, dont l’espace public est de plus en

plus privatisé, réside dans la résistance et la détermination à renverser

le rapport de forces.

Tout a commencé avec l’aliénation de l’indépendance nationale acquise en

1960 de suite d’une lutte de libération. En effet, avec l’assassinat de

Patrice Lumumba, l’icône de l’indépendance, s’estompait le projet d’une

république démocratique. La société civile encore jeune à cette époque n’a

pas pu faire le contrepoids à l’influence extérieure de la récupération.

La décennie de l’aide au développement proclamée par les E.U. en 1960 et

qui visait apparemment le décollage des pays sous-développés, a amorcé

imperturbablement un autre processus de contrôle politique. Après cinq

décennies de cette politique américaine, sur base de laquelle les pays

développés se sont dotés de puissantes agences du développement, le

constat est celui de l’accumulation de la dette et de l’effritement de

l’indépendance nationale. Le développement promis n’a pas eu lieu.

D’ailleurs, l’USAID, l’ACDI et d’autres agences d’aide, dont les filiales

sont installées au Congo, jurent par la croissance et les intérêts des

investisseurs de leurs pays respectifs. C’est aussi par le biais de

l’endettement que les règles des agents principaux du marché mondial, le

FMI, la BM et l’OMC, viennent aliéner l’articulation politique interne qui

devrait être à la base du développement. Ces agents du marché mondial, en

effet, en prêchant la gouvernance, le professionnalisme administratif et

technique du secteur public, vise à créer un environnement propice à

l’investissement dans les minerais et au remboursement de la dette avec

ses intérêts. Ils évitent d’insister sur la politique et la démocratie en

tant que la participation du peuple dans la conception des politiques et

des programmes qui servent des intérêts nationaux, aussi bien que sa

contribution au processus de développement et de partage des bénéfices.

Ainsi l’aide au développement s’avère un commerce unilatéralement juteux,

dans la mesure où elle sert les priorités des donateurs plutôt que celles

de l’endetté. Le résultat parle. Voici 5 décennies d’aide au développement

au Congo; la dette est colossale, des projets de développement réalisés

sont nuls. Le pays n’a pas décollé. Bien au contraire, le pays, à peine

sorti de l’emprise coloniale, a vu sa souveraineté politique aliénée par

le truchement de l’endettement.

L’aliénation de la souveraineté politique a permis l’interférence des

acteurs internationaux dans les orientations politique, économique et

sociale du pays. Pour assurer l’expansion américaine dans la région de

l’Afrique centrale, pendant la guerre froide, la CIA s’est impliquée pour

placer Mobutu à la tête du pays. La guerre froide terminée, c’est

maintenant au tour des multinationales d’influencer les politiques

étrangères occidentales dans le sens des règles permissives d’exploitation

au Congo. Il n’est pas faux d’affirmer que l’influence dominante des

milieux d’affaires est telle que, dans certains cas, des États sont

réduits au rôle d’agents des intérêts privés. La mondialisation est, en

effet, cet autre concept d’apparence attrayante et irréprochable qui, en

visant l’expansion libre du capital occidental, sans favoriser

l’émergence du capital local, participe à la privatisation de l’espace

public. Au Congo, cette privatisation se traduit par de grandes étendues

de concessions minières dont s’approprient les compagnies minières avec la

complicité du gouvernement congolais et des gouvernements voisins comme le

Ruanda, l’Ouganda, le Burundi, l’Angola, etc. Un peu partout, les chefs

d’États, ayant accédé au pouvoir par des coups d’état ou par le moyen des

rébellions commandités par les mêmes multinationales, doivent travailler

pour des intérêts privés. Dans le cas précis du Congo, les minerais, qui

intéressent immédiatement les multinationales, deviennent la préoccupation

des gouvernants. Alors, le développement des ressources humaines et des

infrastructures, qui devrait être le point du départ du développement

national, est escamoté au profit de l’exploitation des minerais. Au lieu

d’une république démocratique, la mondialisation a mis en place au Congo

une république des minerais dont le rôle principal du chef de l’État et

celui des chefs d’États voisins se réduit à surveiller des intérêts des

privés réunis dans des conseils d’administration des multinationales en

Occident.

En plus, les collusions directes ou indirectes entre les multinationales

et les gouvernants locaux, se traduisent par la prolifération des armes

qui sèment la désolation dans la population. Les déplacements, des

génocides et l’errance de suite de ces conflits armés ont pour effet de

libérer les espaces miniers acquis par de compagnies minières. Ainsi, il

n’y aura de prétention à la propriété ni des autochtones propriétaires ni

d’autres prétendants.

Les violations constantes des droits humains qui se commettent plus

particulièrement dans des zones minières du Congo et auxquelles

participent, directement ou indirectement, les gouvernements locaux aussi

bien que des organisations universelles sous l’influence des

multinationales, appelle des actions de la part des organisations non

gouvernementales. C’est à nous donc, la société civile, de nous impliquer

dans le processus de la récupération aussi bien de l’État que de la

nation. Cette organisation implique, d’abord, que, en tant que groupes

organisés, nous prenions suffisamment conscience de notre rôle de

contrepoids par rapport aux gouvernants. Ensuite, il convient que les

différents groupes (partis, associations, médias, etc.) se rencontrent

sur des plateformes de concertation en vue de développer des stratégies

dynamiques de dénonciation des méfaits des pouvoirs établis et du

changement politique. Cette mission, la société civile doit l’accomplir

de façon libre, consciente et déterminée. Car la tendance de la part des

élites corrompues à manipuler la société civile de manière à inhiber

toute résistance est grande. Les tentatives de l’organisation de la

diaspora congolaise en une police du gouvernement congolais auxquelles on

a assisté cette dernière année ne se sont pas estompées. Fort

heureusement, en même temps, on a vu émerger une prise de conscience de

plus en plus forte en faveur du changement. Les assemblées électives des

associations communautaires de la diaspora congolaise un peu partout sont

remplies. On y dénonce la manipulation des assemblées par des dirigeants

corrompus. On scrute des plateformes électorales pour se débarrasser des

candidats policiers. Il faut poursuivre cette implication en vue

d’instaurer la démocratie, garante de la paix et du développement durable

en R.D.C. C’est le seul régime qui n’est possible que grâce à

l’implication responsable de la société civile.

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