« 2010, Année du Social », dixit Joseph Kabila ! Quelle lecture au regard des effets de la crise mondiale sur le social en RDC ? (YAV KATSHUNG JOSEPH)
En effet, depuis le début du second semestre 2008, sur le plan
international, un thème domine lactualité économique internationale : «
la crise financière » qui a gagné léconomie mondiale. Dans les tous
premiers mois de cette crise, on s'accordait à penser que les pays
africains ne seraient guère affectés, étant donné leur faible
intégration dans l'économie mondiale. Or, loin dêtre un mythe, la crise
financière mondiale est devenue une réalité en Afrique et
particulièrement en République Démocratique du Congo (RDC), revêtant
même plusieurs facettes.
Les conséquences de la crise ont été et demeurent des plus désastreuses
sur les finances et léconomie réelle, avec notamment des faillites de
grandes banques et dentreprises, une baisse de lactivité économique et
de la demande mondiales, entraînant le développement du « couple
infernal pauvreté-chômage ». Face à cette situation, daucuns se
souviennent de lidée de René Dumont, qui déjà en 1962 avait titré son
livre : « LAfrique noire est mal partie » ! Ainsi, au milieu de ce
bouleversement mondial, bientôt un demi-siècle après, tout semble
indiquer que le pire nest pas encore derrière nous. Les nouvelles les
plus récentes d'Afrique viennent malheureusement confirmer chaque jour,
le diagnostic pessimiste émis par René Dumont.
Malgré toutes les mesures prises pour juguler les conséquences de cette
crise, tous les analystes saccordaient à dire que lannée 2009
demeurera une année de récession et les plus optimistes dentre eux
projettent la sortie de crise pour 2010. Il est donc temps que les
Africains – mieux les Congolais- sortent de lornière en proposant des
solutions à la crise. Cest dans ce cadre quen RDC, à lissue de la
Conférence des gouverneurs de province qui sétait tenu à Kisangani
dans la partie orientale du pays les 24 et 25 juin 2009, le Président de
la République Joseph Kabila a fait le constat suivant : « Au plan
social et économique, la crise multiforme qui frappe notre pays de plain
fouet procède notamment de la conjoncture internationale qui népargne
aucun pays du monde. Mais elle ne saurait arrêter notre détermination
daller de lavant dans la mise en œuvre de notre programme de
développement. Cest pourquoi, jai instruit les chefs des Exécutifs
provinciaux à remettre nos populations au travail productif de la
terre, avec comme objectif à court terme, la mécanisation de
lagriculture et à moyen terme, lautosuffisance alimentaire ainsi que
la transformation de nos produits agricoles en vue de leur exportation…
»
Toutefois, gardons-nous de sous-estimer les défis auxquels la RDC est
confrontée. La crise économique mondiale a fait naître de graves dangers
pour léconomie congolaise en termes de pertes demploi et de baisse de
qualité de vie. Cela est dautant vrai car, il est généralement admis
que la situation économique a une influence sur la situation sociale.
En effet, bien que la crise ait été déclenchée par des événements qui se
sont produits sur le marché immobilier aux États-Unis, elle s'est
propagée à toutes les régions du monde et les conséquences en sont
désastreuses pour le commerce, la croissance et les investissements
mondiaux. En RDC, la crise financière mondiale qui avance rapidement,
emporte entreprises, mines, emplois, revenus et moyens dexistence. Le
temps presse et laction décisive ne peut plus attendre.
Ainsi, notre priorité absolue et nécessaire doit être dévaluer
parfaitement les conséquences de ces événements sur léconomie
congolaise et de formuler des réponses qui minimiseront leur impact,
notamment sur les plans des plus vulnérables de notre société.
II. IMPACT DE LA CRISE FINANCIERE SUR LE SOCIAL DE LA POPULATION
CONGOLAISE
Il est généralement admis que la situation économique a une influence
sur la situation sociale. Beaucoup déconomistes estiment quune forte
expansion économique est donc indispensable à laccroissement des
revenus et des niveaux de vie de la population ou des travailleurs en
particulier. Ainsi, comme relevé précédemment, avant la crise
financière mondiale, la RDC avait bénéficié des prix élevés
dexportation de ses produits miniers et cela a eu un effet
dentraînement sur lamélioration du social de la population congolaise.
La situation sest inversée depuis 2008. Lon a noté une chute des
cours du cuivre, du cobalt et des produits pétroliers sur les marchés
internationaux avec comme conséquences : le ralentissement des flux des
capitaux non générateurs dendettement ; lentrée de léconomie
congolaise en récession et ; laggravation de lincidence de la
pauvreté.
Cest donc avec raison que Irène Khan (2009), souligne que la récession
économique est propice à un certain nombre de facteurs, dont la
convergence risque de se traduire par une augmentation du nombre dêtres
humains vivant dans la pauvreté et dont les droits fondamentaux sont
bafoués… À lheure actuelle, alors que léconomie est au bord du chaos
et que le chômage est en hausse, nombreux sont les habitants de la
planète qui se retrouvent privés dune partie, voire de la totalité, de
leurs revenus et, de surcroît, dépourvus dun système daide sociale
susceptible de leur permettre daffronter ces temps difficiles.
Ainsi, au fur et à mesure que la récession mondiale marque le pas,
limpact de la crise économique et financière sur les plus pauvres
saggrave. À quelques rares exceptions près, lincidence du phénomène
sur bon nombre de pays africains se fait sérieusement sentir et affecte
dune manière ou dune autre la fermeture des entreprises,
laugmentation du taux de chômage, la baisse du pouvoir dachat de la
population congolaise. Retirer un enfant de lécole ou disposer de
moins de nourriture en raison dune perte d'emploi et de revenu
induisent des conséquences qui continueront à peser lourd bien après la
fin annoncée de la récession économique et le début de la relance
attendue.
– Amplification des effets la crise alimentaire
Notons que la crise financière mondiale vient accentuer la crise
alimentaire que le monde connaît depuis quelques années. Cette crise
arrive en RDC dans un contexte difficile, le pays étant encore sous
leffet de triple chocs (alimentaire et énergétique et de la guerre à
lEst), aggravera la crise de la pauvreté et des inégalités, plombera
beaucoup plus la population déjà miséreuse. A ce sujet, la Banque
mondiale renseigne que 55 à 90 millions de personnes pourraient être
propulsées dans la pauvreté extrême à la suite de la crise financière,
et venir grossir les rangs des 160 à 200 millions dindividus dont on
estime quils ont sombré dans la misère à la suite de la hausse des prix
des denrées alimentaires entre 2005 et 2008.
En effet, en RDC, du fait que le pays est importateur de denrées
alimentaires, qui sont une composante majeure de l'indice des prix à la
consommation, les dépréciations entraînent à coût sur, une hausse des
prix des produits alimentaires, que les moins nantis ont plus de mal à
se procurer. Ainsi, lon peut constater le fait la crise financière a
amplifié les effets de la crise alimentaire. Limpact est
particulièrement marqué sur léconomie de la RDC qui affiche
dimportants déficits dans le commerce des produits alimentaires. Les
populations urbaines sont particulièrement touchées, à mesure que
seffritent les possibilités demploi. Les tentatives visant à
subventionner les prix des produits alimentaires ne produisent pas
deffets, compte tenu du faible niveau des recettes publiques et de la
diminution des réserves en devises.
– Impact sur le plan de lemploi découlant entre autres de la fermeture
des entreprises minières et autres unités de production
La RDC dispose des structures de formation et des régulations de
lemploi : lOffice National de lEmploi (ONEM) et lInstitut National
des Préparations Professionnelles (lINPP). Mais il sied de noter que
la situation de lemploi y est préoccupant. En effet, selon les études
récentes menées par le Bureau International du Travail et la Banque
Centrale du Congo, le chômage et lauto-emploi englobent une grande
partie de la population congolaise. Actuellement, lorsquon ne prend en
compte que le secteur formel, le taux de chômage est estimé à 96%. Lors
des années prospères de la RDC jusquau recensement scientifique de
1982, ce taux était estimé à 8%. La crise financière mondiale vient sans
nul doute renforcer cet accroissement du taux de chômage. Ses
conséquences sur le plan économico-social se traduisent par le fait que
le chômage augmente et les entreprises licencient.
En effet, la RDC commence à payer le plus grand prix de cette crise dans
la mesure où elle subit un effondrement des cours des matières
premières qui rend son économie encore plus vulnérable quauparavant.
Cela est dautant vrai car, la RDC est un pays à léconomie très
dépendante du secteur minéraux-métaux. Elle possède 34% des réserves
mondiales de cobalt, 10% de celles de cuivre, mais aussi des diamants,
de lor, de luranium, du coltan et autres matières. Les experts ont
fait remarquer que depuis cet été, le cuivre a perdu 75% de sa valeur,
le diamant 40%, et le cours du cobalt a été divisé par cinq. Ce
retournement intervenait au moment où le secteur minier était déjà
plongé dans lincertitude en raison de la volonté du gouvernement de
renégocier les contrats miniers octroyés au début des années 2000.
Cette situation a occasionné la fermeture de certaines entreprises
minières. Les raisons de fermeture sont liées entre autres à
lincapacité de couvrir leurs coûts de production aussi, la plupart des
sociétés qui opèrent en RDC (dans le secteur minier) mobilisent leurs
fonds en bourse étrangère où cette opération devient difficile à cause
de linfluence négative sur les places boursières de la réunion de la
baisse des capitalisations et des valeurs boursières et, du fait aussi
du risque en RDC. Ce qui amènera tous les autres acteurs de ce secteur
dont les fondeurs, les creuseurs artisanaux, les comptoirs ainsi que les
négociants a également fermer leurs portes. En conséquence, plusieurs
projets dinvestissement initiaux ou dexpansion sont arrêtés. Les
premiers touchés sont les emplois nouveaux ou existants dans le cadre
des dits projets. Ils ont été supprimés.
Le cas le plus patent est celui de la province minière du Katanga -au
sud-est de la RDC- dans laquelle plus de 300.000 emplois ont été
supprimés, dont plus de 80% dans le secteur minier posant donc des
problèmes sociaux et dinsécurité. Des milliers douvriers et de
creuseurs artisanaux se trouvent au chômage. Une cinquantaine
dentreprises minières et des centaines de petits comptoirs dachat ont
fermé leurs portes depuis fin 2008. Selon le gouvernement provincial du
Katanga, la faillite de ces entreprises a contraint au chômage un peu
plus de 300.000 ouvriers dans cette province cuprifère. Il sagit ici
d'emplois dans le secteur formel, sachant ce que représente un emploi
décent en Afrique, en termes de soutien aux familles, aux communautés ou
aux villages.
Sans sécurité sociale et indemnités payées au bon vouloir des
entreprises, les anciens employés de ce quon appelle localement les «
Mining » ne baissent pas les bras et, en bons débrouillards, ils
trouvent des moyens alternatifs pour survivre. La plupart de ces anciens
ouvriers et creuseurs artisanaux se tournent vers lagriculture. Tel
est le cas de Blaise Kayumba, un ancien travailleur dune « Mining »
qui déclare : «… Avec la somme que jai reçu comme décompte final, jai
acheté un lopin de terre que je compte exploiter pour cultiver des
fruits et des légumes… Ce nest pas la première fois que ce genre de
crise se déclare, les entreprises minières tomberont en faillite et
décevront toujours mais avec mon petit champ, je serais autonome ».
Il convient de noter que les mêmes répercussions sont également
perceptibles dans la province diamantifère du Kasaï Oriental où la
production est allée au plus bas de léchelle. Le président de
lAssemblée provinciale, François Kabala a rapporté que la mendicité a
augmenté dans cette partie du pays, situation qui poussent certains
habitants à commencer à vendre leurs biens dans les rues. Au delà de la
perte demploi, quelles sont les répercussions potentielles de la crise
financière mondiale sur la pauvreté?
– Potentielles répercussions sur la pauvreté
En Afrique, la Banque Africaine de Développement (BAD) estime que le
nombre de personnes pauvres augmentera de 27 millions et lOrganisation
Internationale du Travail (OIT) prévoit que le chômage atteindra 8,5 %
en 2009. Cela pourrait sérieusement menacer les progrès en cours en vue
de la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement sur
le continent. Quelle est la situation en RDC ?
La RDC est un pays où plus ou moins ¾ de la population vit avec moins de
un dollar par jour ce qui la place à la 167ème position sur 177 en ce
qui concerne le classement des Indicateurs de développement humain.
Elle est aussi un pays dont la guerre à lEst est presque devenue
monnaie courante accentuant la crise qui secoue déjà la situation
sociale en RDC. La crise financière mondiale vient donc assommer le
social de la population congolaise qui ne sait plus à quel saint se
vouer.
La baisse des exportations limite lentrée de devises étrangères et
entraîne une dépréciation du Franc congolais, et cela a pour conséquence
le fait que la RDC na presque plus les moyens de payer les
fonctionnaires et lon observe une récurrence des mouvements de grève
dans presque tous les secteurs, avec risque de rendre rapidement
explosive une situation sociale déjà très dégradée. La tendance
deffondrement du franc congolais au marché parallèle de change entraîne
lalignement des prix sur le cours du dollar. Ce qui na pas manqué
daffecter les prix à la consommation qui tendent à sélever comme
habituellement. Cette hausse entraîne certainement la paupérisation des
congolais – travailleurs ou pas-, car elle fait fléchir la consommation à
cause de la baisse du pouvoir dachat quelle entraîne, même si cette
baisse peut être compensée par le revenu procuré par le secteur informel
ou par la solidarité.
– Impact de la crise sur les personnes vulnérables
Dans la plupart des pays africains, les femmes et les enfants sont
particulièrement vulnérables. Aussi, le potentiel des femmes à devenir
des facteurs économiques sur le plan commercial nest pas reconnu et
elles font toujours lobjet dimages stéréotypes en ce qui concerne le
potentiel de croissance. En RDC, lon assiste à un contraste du fait
que les femmes occupent une place stratégique du point de vue économique
car, elles simpliquent dans diverses activités en vue daccroître le
pouvoir économique de leurs ménages. La majorité dhommes, avec les
guerres à répétition, nont pas de travail. Malheureusement la dignité
de la femme nest pas respectée car elle est devenue lélément de viols
et de violences. La reconnaissance des droits de la femme est une
variable dépendante de lenvironnement socioculturel (traditions,
coutumes et de lapplication des dispositifs légaux et réglementaires y
relatifs).
Ainsi, dans un pays en proie à la crise économique et financière grave
et lancinante et en mutations, la situation des femmes devient plus que
précaire à partir du moment où celles-ci doivent faire encore face aux
injustices, aux inégalités, aux sévices, aux viols et aux violences de
toutes sortes. Moins de 18% des femmes économiquement actives se
trouvent dans lemploi rémunéré. Les autres sont des travailleurs
indépendants ou soccupent de leurs familles. Elles ont tendances à
exercer dans le secteur informel qui implique à peu près 34% des foyers
dans le pays et 46% de la population active. Les revenus de plus de 80%
des femmes en RDC proviennent du secteur informel fait essentiellement
des petits métiers artisanaux générateurs de revenus (couture, coiffure,
services, broderie, commerce de vivres frais, travaux domestiques) et
lagriculture de subsistance (maraîchers, légumes, maïs, haricots,
arachides, pommes de terre, patates, bananes, manioc, lélevage de
volailles, etc.)
Limpact de la crise ne se limite pas seulement à laggravation de
létat de pauvreté et des privations actuelles. En effet, en RDC, il
entraîne déjà des implications en matière déducation, de santé,
demploi et de croissance. Cela est dautant vrai car, au fur et à
mesure que leurs revenus samenuisent, les femmes -de surcroît pauvres-
se retrouvent dans limpossibilité de se procurer les denrées
alimentaires de base, d'accéder aux soins de santé élémentaires et
denvoyer leurs enfants à lécole. Ceci se produit fatalement quand le
budget du gouvernement se rétrécit, notamment avec la diminution des
recettes fiscales, des exportations, des investissements étrangers et
dautres sources de revenus suite a la crise alors que les besoins en
dépenses accroissent pour financer les services publics essentiels.
Au-delà de la perte de revenus des femmes, la situation des enfants est
aussi atteinte par dautres facettes de la crise. À ce sujet, une
diminution du produit intérieur brut (PIB) accentuée par la crise
financière, se traduit par une grave détérioration de la santé des
enfants, puisque leau potable, les aliments nutritifs et les soins de
santé prénatals et postnatals deviennent de plus en plus difficiles
daccès. La malnutrition infantile menace de se répandre et les
enfants risquent dêtre amenés à abandonner lécole en grand nombre.
Déjà, lon constate que dans certains coins de la RDC, la faim empêche
les enfants d'aller en classe, spécialement ceux qui doivent marcher de
longues distances pour se rendre à lécole.
De plus en plus de parents retirent leurs enfants de lécole pour les
forcer à travailler en faisant des petits négoces ou carrément dans
certaines mines. Pendant ce temps, de plus en plus denfants, de
fillettes et de jeunes femmes deviennent des victimes de la traite des
êtres humains et des travailleurs forcés de l'industrie du sexe à la
suite de la précarité de la nourriture et du travail. Ainsi, un nombre
croissant de filles et de jeunes femmes se tournent-elles vers
l'industrie du sexe par désespoir économique et obligées déchanger des
faveurs sexuelles contre la nourriture.
Comme on peut bien sen rendre compte, la pauvreté, même passagère, peut
avoir des conséquences néfastes à long terme. En retour, ceci affecte
les perspectives de développement économique et humain dun pays au long
cours, ce qui signifie que les pertes daujourdhui se traduisent en
pertes pour des générations à venir. Il sied donc que des solutions
soient trouvées afin de faire face à limpact de la crise financière sur
le social de la population congolaise.
– Impact de la crise sur limmobilier
La crise financière ne touche pas seulement le secteur de lemploi dans
les mines. Dans la province du Katanga, le secteur de limmobilier
subit un sévère contrecoup de leffondrement du cuivre consécutif à la
crise financière. Elle a des effets néfastes sur limmobilier au
Katanga, où les bailleurs sont confrontés aux harcèlements des
locataires réclamant la restitution des garanties locatives consenties
au temps de bonnes affaires du cuivre
Les bailleurs peinent à rembourser les garanties locatives démesurées
quils avaient perçues au moment du boum des matières premières. Ceux
qui avaient demandé de très fortes garanties locatives, tentés par la
forte demande de logement, ne peuvent plus aujourdhui les rembourser.
De nombreux locataires partent depuis la baisse des cours des matières
premières sur le marché mondial. Suivre la loi leur aurait évité ces
problèmes, pense un habitant de Lubumbashi. Monsieur Alfred Samboy, un
habitant de Lubumbashi interviewé raconte ceci : « Jai été obligé de
morceler ma parcelle et mettre une partie en vente pour rembourser la
garantie locative à un trio de Chinois qui louait lune de mes maisons à
usage résidentiel ». Ce père de 6 enfants, qui a lhabitude de faire
du commerce avec la garantie locative, raconte la mésaventure qui la
amené à vivre désormais dans sa propre parcelle émiettée. « Quand les
Chinois sont venus solliciter chez moi, ils étaient prêts à se plier à
toutes mes conditions parce quils étaient dans le besoin. Je leur ai
demandé 10.000 dollars de garantie locative et fixé à 200 dollars le
loyer mensuel ». Six mois après, la chute des cours des métaux a poussé
plusieurs entreprises minières, dont les chinois, à fermer. Alfred
sest retrouvé dans lincapacité de rembourser largent aux locataires
qui lexigeaient avant de rentrer chez eux.
Prendre largent de plusieurs locataires. Des cas pareils se sont
multipliés dans la ville avec larrivée des milliers de gens attirés par
les mines. Nayant que lembarras du choix pour les locataires, les
bailleurs ont mis en location leurs maisons sans suivre la loi. Dautres
ont pris largent de plusieurs personnes pour une seule maison.
III. FAUT-IL CONCLURE ?
Non, seulement dire quen RDC, les causes de la crise financière
mondiale sont constituées principalement par les difficultés de lever
des fonds à lextérieur et par la détérioration des cours des matières
premières sur les marchés internationaux. En effet, la crise multiforme
arrive en RDC dans un contexte difficile, le pays étant encore sous
leffet de triple chocs (alimentaire et énergétique et de la guerre à
lEst). Limpact de la crise financière internationale sur léconomie
congolaise est multidimensionnel avec des implications sur le plan
social, aggravant la crise de la pauvreté et des inégalités et plombant
beaucoup plus la population déjà miséreuse:
• Sur léconomie réelle : les cours des matières premières (minerais,
hydrocarbures, bois, etc.) ont chuté depuis le dernier trimestre de
lannée 2008, entraînant la fermeture de plusieurs entreprises minières
de la province du Katanga, le chômage des milliers de travailleurs
œuvrant dans ce secteur et larrêt des exportations. Cette situation a
entraîné un tarissement des devises et un ralentissement net du taux de
croissance du PIB, depuis le début de lannée 2009 voire 2010. En
conséquence, lEtat ne pourra pas être vertueux car, il ne disposera pas
des moyens de sa politique et comme dhabitude, ce sont des projets à
caractère social (écoles, centres de santé,…) qui vont être touchés.
Lorigine de linflation étant essentiellement budgétaire, laggravation
du déficit budgétaire provoquera ipso facto des tensions
inflationnistes, la dépréciation du franc congolais face au dollar
américain et la baisse du pouvoir dachat des congolais.
• Sur le système bancaire et financier : il y a eu une diminution
drastique de loffre de devises sur le marché, dénormes difficultés de
trésorerie dans les banques commerciales, la perte de la valeur du franc
congolais face au dollar américain. La surchauffe observée sur le
marché de change, depuis le mois de septembre 2008 sest amplifiée au
courant de lannée 2009 et présentement (1USD = 950 CDF) , entraînant
une accélération du rythme de formation des prix intérieurs. Lérosion
du pouvoir dachat des ménages est la conséquence de ce mouvement des
prix à la hausse.
• Sur les finances publiques : les prévisions de recettes du Budget de
lEtat pour lexercice 2010 ne seront pas réalisées, appelant ainsi à
une politique budgétaire prudente et à un collectif budgétaire, dans la
mesure où, en plus, le cadrage macroéconomique est complètement dépassé.
Cela a comme conséquence sur le plan social que le gouvernement na pas
les moyens de payer les salaires des fonctionnaires ; il na plus les
capacités de fournir des services nécessaires à la population (eau,
électricité, santé, etc.)
La lutte contre les effets de la crise financière internationale sera
longue et complexe. Il faut des solutions énergiques et novateurs qui ne
dépendront pas seulement des initiatives du Gouvernement, mais aussi et
surtout de ce qui peut venir de la société civile, des penseurs, des
chercheurs, des scientifiques, bref du génie qui se manifeste
paradoxalement en temps de crise, comme le témoigne lhistoire de
lhumanité.
Alors que nous concluons cette étude, lon constate un rebond des cours
du cuivre et lespoir se lit déjà sur les visages des congolais et des
opérateurs miniers. En effet, après la chute, aujourdhui, la tendance
est au renversement. Le rebond des cours du cuivre se confirme. Il cote,
à ce jour 7.473 USD sur le London Metal Exchange (LME). Bonne nouvelle
donc pour les miniers de la RDC. Après la panique née de la brutale
chute des cours des métaux de base, dont le cuivre, et qui aura étendu
ses effets jusquà la province minière du Katanga, lon assiste ce
dernier temps à un renversement des tendances à la suite du rebond des
cours du cuivre. Avec un cours qui file désormais vers les 8.000 USD la
tonne, les entreprises minières sont presque rassurées de couvrir, sans
trop dinquiétudes leur coût de production. Doù, laccalmie qui se lit
sur tous les visages aussi bien des miniers que de ladministration des
mines et dautres services de lEtat qui espèrent tirer dimportants
dividendes de ce renversement des tendances.
Toutefois, relevons que nonobstant cette montée du coût du cuivre, il
faut avoir présent à lesprit que le problème des populations
congolaises étant la pénurie des produits de consommation de masse à
laquelle elles sont confrontées, il sied que le gouvernement élabore un
plan spécifique devant faire face à cette pénurie. Lavenir de la
demande et loffre de ces produits de consommation de masse ne pourra
atteindre un équilibre quà condition dadopter des politiques adaptées
dans les divers secteurs, celui de lagriculture notamment. Mais de
quelle façon ? Faut-il contraindre les sociétés minières à faire les
champs ? Ça cest un autre débat. [Lire la reflexion de Me BAMBI KABASHI
a ce sujet]