La RDC du 30 juin 1960 à nos jours: méditation sur le temps du changement (JP Mblu)

De 1960 à 1980, 20 bonnes années
se sont écoulées avant que les élans de la lutte ardente et idéaliste
entreprise par Lumumba reviennent sur le devant de la scène. La remise
en question de la dictature de la mort sous Mobutu a bénéficié d’un
apport de taille de l’un des dignes fils de notre peuple, le Cardinal
Albert Malula.

Après 1980, un parti politique,
l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) va mobiliser les
énergies de nos populations et apporté une grande contribution à
l’organisation de la Conférence Nationale Souveraine dans les années
1990. Le foisonnement des organisations de la société civile et la
complicité entre elles et certains partis politiques de l’opposition
seront des facteurs déterminants pour la suite des évènements. Et le 16
février 1992, quand la CNS est bloquée par le système de Mobutu, cette
complicité va jouer dans son déblocage.

 

De 1980 à 1992, 12 bonnes années
se sont écoulées, avant que nos populations et leurs leaders politiques
et de la société civile ne se mettent debout comme un seul homme pour le
combat de la liberté, de l’égalité et de la dignité.

C’est sur ce terrain fertile de
la lutte que l’AFDL va récolter « sa victoire » momentanée (en 1997)
sans y avoir semé. Elle est accueillie en libératrice avant que les
dignes filles et fils de notre peuple ne remarque que « ce conglomérat
d’aventuriers » n’était qu’un cheval de Troie pour les mêmes
impérialistes qui, en 1961, avaient tué Lumumba. Il sera tard quand
Laurent-Désiré Kabila se rappellera le sens de la lutte de sa jeunesse.

 

De 1997 à 2010, 13 bonnes années
de lutte se sont écoulées sans que nos masses populaires soient
associées à la gestion de la chose commune. Et pendant ce temps,
plusieurs fronts de résistance se sont créés et les partis alimentaires
aussi. Ceux-ci ont choisi la mangeoire de « nouveaux prédateurs » pour
être à la soupe.

 

Quelques leçons peuvent être
tirées de ce parcours de la lutte initiée par Patrice Lumumba avant et
quelques temps après l’accession de notre pays à la souveraineté
nationale :

1. ce sont les masses populaires
politisées qui donnent le pouvoir ; Lumumba l’a expérimenté en gagnant
aux élections organisées par les pouvoirs qui lui étaient hostiles ;
voilà la leçon que ne pourront jamais assimiler les partis alimentaires
et électoralistes n’ayant que Kinshasa pour fief ;

2. chaque fois que les Congolais
(Zaïrois) ont eu des leaders auxquels ils se sont identifiés pour la
lutte de leur émancipation intégrale, ils se sont mis debout, au risque
même de leurs vies ;

3. chaque fois que ces leaders
ont réussi à travailler ensemble en dépassant leurs clivages
philosophiques, religieux, politiques, ethniques, etc., ils ont été
forts et capables de soulever les montagnes.

4. les pouvoirs impérialistes se
sont servis de certains de ces leaders et des IFI pour assurer leur
présence permanente chez nous.

 

A travers cette relecture assez
schématisé de notre histoire, il y a là comme une interpellation à la
re-création et à la consolidation d’un leadership collectif (vertébré)
capable de lutter  en une synergie
privilégiant l’intérêt supérieur de la mère-patrie.Au jour
d’aujourd’hui, il est possible de dire que beaucoup d’efforts sont
conjugués pour la refondation de notre pays sur des valeurs de
solidarité, de courage, de patience et de persévérance. Plusieurs fronts
de résistance font montre de beaucoup d’engagement et de bonne volonté.
Mais, des peurs subsistent. La multiplication des partis politiques et
des candidatures à la présidentielle à l’approche de 2011
(considérée à tort ou à raison comme année électorale) suscitent
quelques inquiétudes. C’est comme si nous n’étions pas plusieurs à
relire par nous-mêmes notre histoire. Le fait que plusieurs d’entre nous
estiment qu’ils peuvent devenir président du Congo donne à penser.
Rares sont ceux qui, parmi nous, pensent à la politisation de nos masses
à partir de nos villages et villes de l’arrière-pays. Ceux qui ont vécu
longtemps en exil et quelques têtes brûlées du pays
continuent de croire que c’est l’Occident qui donne le pouvoir au Congo.
Ils appellent cela « réalisme politique » !

 

Et pourtant, en aparté, l’un ou
l’autre confident  avoue que « les maîtres du monde »
demandent à ceux qu’ils parrainent de prouver qu’ils ont une base au
pays. Pourquoi ? Cette base pourra servir de caution populaire lors des
élections. Et l’acharnement du pouvoir actuel soutenu par l’Occident à
réaliser les cinq chantiers est un signal qui ne trompe pas : ils savent
que malgré le soutien dont ils bénéficient, ils auront du mal à être
reconduits si leurs promesses électorales ne sont pas tenues ; cela même
imaginairement. On comprend que tout ce qui se construit au pays
aujourd’hui soit mis au compte de cinq chantiers…

 

Hugo Chavez, Evo Morales et
Rafael Correa (et en quelque sorte Lula) ont compris cela. Eux ont
choisi de bâtir leur pouvoir politique sur leurs masses populaires et
ont scellé avec elles une alliance que les pouvoirs impérialistes
chercher à détruire à travers les services des ONG payées pour cette
sale besogne.

(Dieu merci ! Ils n’y arrivent
pas encore.)

Saurons-nous, dans notre immense
majorité, renoncer à nos démons (divisions et prétentions
démesurées) pour recréer ces fronts communs ayant contribué à nos
victoires historiques ? Saurons-nous le faire autour d’un leadership
collectif averti, digne et humble ? Et pourtant, il me semble qu’il n’y
ait pas plusieurs voies de sortie de notre misère anthropologique sans
cette union réfléchie qui fait la force ! C’est vrai le temps du
changement est moléculaire. Il faudrait peut-être apprendre à sauter sur
le temps favorable, le kairos. Ou plutôt à
provoquer le kairos en nous laissant
instruire par notre histoire d’une cinquantaine d’années de lutte pour
l’égalité et la liberté. La journée du 16 février 2010
pourra-t-elle être un signal fort lancé dans le sens de la synergie des
fronts pour une même lutte ? Attendons voir !

 

 J.-P. Mbelu

 

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