Le patriotisme à distance (W. BESSA MOKONZI)

La période qui a vu le développement de l’électronique et de
l’informatique est nommée sur
modernité, modernité tardive ou hyper modernité, car elle réussit à rendre
l’espace potentiellement indépendant du temps.

 

Les sociologues définissent les pratiques politiques
transnationales comme les différentes formes par lesquelles les migrants et les
réfugiés participent à la vie politique de leur pays d’origine, directement, en
passant la frontière, et indirectement, par l’intermédiaire des institutions
politiques du pays d’accueil ou des organisations internationales.

 

Que peut signifier s’engager à distance dans une cause
nationale ? Quelles en sont les formes ? Nous en distinguons deux
principales : l’engagement aux côtés de l’Etat ou contre l’Etat.

Les conséquences de cet état de fait sur le maintien d’un
lien malgré la distance sont évidentes : avec le pays, que ce soit avec la
vie politique, économique, sociale et culturelle de son pays.  

 

Ce qui était impossible ou presque il y a trente ans est
devenu une réalité : il est plus facile, plus rapide et moins cher pour un
congolais vivant à Paris ou ailleurs, de lire la presse congolaise sur Internet
que d’aller chercher les journaux congolais dans un kiosque.

 

Il est important de signaler que les moyens de communication
qui permettent de rester en contact ou d’être en temps réel ne se réduisent pas
à Internet ou la messagerie électronique : ils englobent la télévision, la
radio, le téléphone portable, la vidéo, le satellite…

 

Les migrants ou les descendants de migrants organisent leur
présence dans leur pays d’adoption selon un rapport à l’origine et tente
d’influencer la politique de l’Etat d’accueil en faveur de l’Etat, de la nation
ou du peuple dont ils se sentent parents.

 

C’est cette activité de lobbying ethnique, dont l’influence
croissante en raison de la légitimité qu’a acquise l’expression des origines
dans l’espace public. Cette dimension est capitale.

 

Il y a eu, des multiples cas de tentatives d’influence des
politiques étrangères par des groupes ethniques au cours des deux derniers
siècles : nationalistes juifs, italiens ou centre européens,
révolutionnaires du Printemps des peuples de 1848, émigrés antifascistes,
antinazis ou anticommunistes…

 

Par ailleurs, il est impossible d’étudier ce phénomène sans
prendre en compte la direction de cette influence. Ces groupes peuvent soutenir
un Etat et sa politique ou mettre en avant un sentiment national de loin. C’est
ce que l’on nomme le nationalisme transnational.

Il en est autrement quand des organisations en lutte contre
un régime dont elles ne reconnaissent pas la légitimité exercent une pression
sur la politique étrangère des pays d’accueil.

L’émergence d’une exopolitie modifie radicalement le sens du
patriotisme à distance en mettant dos à dos la logique diplomatique d’Etat à
Etat et celle de la légitimité.

Le succès d’un groupe exo politique dépend aussi de sa
capacité à ne pas perdre le contact avec le pays réel car son but est toujours
le retour.

 

La multiplication du nombre d’années d’exil et l’absence de
relais politique dans un pays jouent en faveur d’un décalage de plus en plus
grand, et non compensable, entre les deux.

 

L’engagement à distance pour un Etat dont on se sent
individuellement ou collectivement proche peut prendre des formes différentes
qui incluent par exemple l’élan humanitaire des Polonais d’origine envers leur
pays sous la loi martiale en 1981 ou celui des Arméniens du monde entier lors
du tremblement de terre de 1988, et plus récemment des Haïtiens d’origine
envers leur pays.

 

Les associations locales et régionales organisent alors des
ponts entre compatriotes pas nécessairement citoyens.

 

Il existe, au-delà du lobbying ethnique et de la compassion
fraternelle, un engagement politique plus direct. Il se manifeste à travers la
mobilisation financière à distance pour soutenir les politiques de l’Etat,
notamment quand celui-ci est en conflit avec un autre ou en cas de crise
majeure.

 

Le cas croate est ici intéressant. La sécession de 1991 est
appuyée par des hommes d’affaires étrangers ( allemands, américains, canadiens)
d’origine croate usant de leur influence auprès des services diplomatiques de
leur Etat d’adoption pour accélérer la reconnaissance de l’Etat croate de
Franjo TUDJMAN dont le parti, le HDZ, a été fondée en exil.

La guerre qui s’ensuit avec la Serbie de MILOSEVIC est
également soutenue financièrement par ces compatriotes.

 

En ce qui concerne la République Démocratique du Congo, la
vitalité de sa diaspora envers la mère patrie est remarquable.

 

La vitalité économique d’abord, point besoin d’insister sur
la force économique inestimable que représente cette diaspora aussi bien en
termes de ressources humaines que des activités économiques, sans compter le
transfert d’importants sommes d’argent envoyé dans le cadre de l’assistance
familiale. Ce dernier joue ici, un rôle déterminant dans le cadre de la
politique sociale en République Démocratique du Congo, se positionnant comme le
pivot central, d’amortisseur social de la nation congolaise. 

 

La vitalité démographique enfin, plus de six millions de nos
compatriotes vivent aujourd’hui à l’étranger. Ceci est une chance pour notre
pays, dans le cadre de la mondialisation. Les crises financières et
économiques que nous traversons, ont démontrées l’importance pour notre jeune
nation d’avoir une diaspora non divisée. De fait, il est donc fondamental, que
les droits de congolais de la diaspora soient améliorés à court terme afin
d’atteindre leurs objectifs par des moyens pacifiques.

 

Ce qui est en jeu, c’est la reconstruction économique
et sociale de la République Démocratique du Congo. Cette reconstruction ne saurait se faire sans la participation
consciente et organisée des congolais de l’étranger qui sont longtemps restés
spectateurs de leur propre développement.

Dans un environnement associatif relativement serein, avec
la création des ONG qui s’accélère et le nombre d’associations qui ne cesse de
croître partout, c’est la solidarité, la responsabilité et l’engagement
personnel qui gagnent du terrain.

 

Aujourd’hui, dans un monde encore plus ouvert à la
mondialisation des échanges, où l’espérance de vie s’accroit un peu plus chaque
année, l’Etat n’a plus le monopole de l’intérêt général. L’Etat n’a pas d’autre
choix que de partager la gestion de l’intérêt général avec le citoyen.

 

Et pourtant, en termes de dons d’argent et de bénévolat, la
République Démocratique du Congo se situe à un niveau relativement bas ;
elle pourrait faire beaucoup plus encore pour se hisser au niveau des pays les
plus solidaires de l’Afrique. Encourager les générosités, sur toutes leurs
formes, constitue donc un enjeu fondamental auquel nous devons travailler.

 

Parmi les piliers essentiels des institutions démocratiques
figurent l’Etat de droit d’une part, et la solidarité sociale d’autre part. Le
rôle du droit est, en particulier, de protéger les personnes et les biens.
L’Etat de droit permet des initiatives et des responsabilités.

 

Il a conduit, dans tous les pays où il été établi, à la
prospérité économique, en réduisant des inégalités qui nuisent à la cohésion
sociale.

 

Le domaine de (l’amitié civile) autrement dit de la solidarité,
en revanche, est celui du désintéressement, du don, de la disponibilité. Quatre
grands principes en découlent : l’initiative, la responsabilité, la
subsidiarité et la solidarité. L’implication des citoyens dans les
responsabilités d’intérêt public et la vie démocratique obéit aux deux
principes de subsidiarité et de solidarité. Contrepoids essentiels, ciments
d’une société apaisée, le bénévolat et le don sous ses différentes formes (en
argent, nature, organes…) constituent les fondements de la vie démocratique.

 

C’est pourquoi, nous souhaitons vivement que le gouvernement
de la République Démocratique du Congo, engage un vrai dialogue avec sa
diaspora afin de déboucher sur des faits concrets, par la mise en place d’un
projet cohérent et d’une politique ambitieuse envers les congolais de
l’étranger afin de mobiliser le potentiel que représente la diaspora
congolaise, autours d’un projet de redressement de la nation.

 

Cette collaboration fruit du travail, mettra l’accent, sur
la nécessité d’encourager les générosités, par une vaste campagne
d’information, une meilleure structuration et une meilleure information sur les
volontaires ainsi que sur développement du bénévolat en République Démocratique
du Congo.

La diaspora congolaise souhaite apporter elle aussi, sa
pierre à la reconstruction d’une société moins individualiste et encore plus
solidaire.

 

 

Votre bien dévoué.

 

Me Willy BESSA MOKONZI

Président de la Coordination Générale des Congolais de
l’Etranger

www.cgcde.org

bessawilly@yahoo.fr

00.33.6.14.61.19.11

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