03.03.10 Le Potentiel: Cinq questions à Etienne Vivien Kalonji

 

1. Que signifie la non-violence que prône votre
organisation ?

La non-violence est une action intérieure très profonde, par laquelle
se saisit l’activiste civique non-violent en tant que philosophie des
relations humaines et d’actions pour la défense de la dignité d’un être
humain. Elle est, comme le disait Mahatma Gandhi, une attitude d’amour
face à l’injustice et une manière d’agir pour combattre les
anti-valeurs.

2. Quelles sont les différentes sortes des violences que
vous aviez décelé dans la société congolaise ?

Dans la société congolaise, les violences sont nombreuses, à savoir
la non-jouissance des libertés de manifestations publiques par les
différents groupes d’intérêts congolais ainsi que l’absence de libertés
d’expression et droits à l’information. Une autre forme de violence est
le manque du travail pour les citoyens congolais qualifiés et non
qualifiés sur le plan professionnel. Enfin, l’état de paupérisation
extrême dans lequel vit la population congolaise est aussi une violence
orchestrée à l’endroit de ses différents droits et dignités, etc.

3. Comment expliquez-vous, dans cette même logique, la
recrudescence des violences urbaines communément appelées « Kuluna » à
Kinshasa ?

Ce phénomène n’est autre chose que la conséquence du déficit des
politiques d’encadrement, d’éducation et de la promotion de la jeunesse
congolaise en général, et particulièrement de celle œuvrant et vivant
dans la rue appelée « Shegué ». Il va sans dire donc, qu’une jeunesse
désœuvrée dans toute société, et majoritairement au chômage, est une
bombe à retardement qui finira par exploser un jour à travers
l’expression de différentes variantes de violence. Il faut signaler que
l’Etat a une grande part de responsabilité dans tout ce qui nous arrive,
car il est appelé, en tant que structure de gouvernance, à prévenir ces
genres des phénomènes sociaux. Malheureusement, l’Etat n’a pas pu
encadrer cette jeunesse parce que justement, il n’a pas pu donner la
valeur aux enseignants à travers un bon traitement salarial. Ceux-ci
étant considérés partout au monde comme des formateurs par excellence de
la jeunesse. Enfin, dans une société rongée aussi par la corruption, la
concussion, le clientélisme et l’impunité, il est fort possible dans
bien des cas de vivre toujours ces genres de phénomènes. D’où, il va
falloir chercher d’autres alternatives, car la justice expéditive de la
tolérance zéro a démontrée ses limites et ne mettra pas fin à ces
violences.

4. Que faire pour mettre un terme à ce phénomène ?

Pour mettre fin au phénomène Kuluna, il convient d’entrevoir une
analyse globale de ce phénomène à travers la recherche des causes,
conséquences et suggestions par rapport à ce problème. Nous pensons
aussi que l’Etat congolais a l’obligation de s’investir loyalement dans
les secteurs de l’éducation à travers certaines réformes à opérer
absolument. Bref, le combat de la lutte contre la corruption et les
autres anti-valeurs. Notre organisation prône effectivement la
non-violence parce que nous estimons que notre jeune démocratie doit
être cimentée dans le chef de chaque citoyen à travers un processus
éducatif. Travail que réalise l’Association des activistes non-violents,
Asanvio en sigle. Néanmoins, la vigueur actuelle des idéologies
d’exclusion en RDC, la fragilisation du tissu social, le repli sur les
égoïsmes provinciaux, la montée du clientélisme et le populisme nous
interdisent actuellement de croire au progrès spontané de notre société
vers un Etat de droit fondée sur la démocratie. Raison pour laquelle
nous nous attachons à l’éducation citoyenne axée sur la non-violence,
car cette philosophie de lutte renferme des expériences réussies sous
d’autres cieux dans l’histoire de l’humanité avec leurs icônes les plus
connus, Mahatma Gandhi et Martin Luther King Jr.

5. La culture non-violente peut-elle consolider la
démocratie en RDC à la veille de son cinquantenaire de l’indépendance ?

Alain Touraine a noté que la culture non-violente produit la
philosophie de la lutte non-violente. Donc, son apport pratique dans la
consolidation de la démocratie permet de faire accéder un plus grand
nombre d’acteurs sociaux au processus décisionnel. Sa pensée a été
reprise par les théoriciens de la philosophie de la non-violence comme
une troisième alternative en dehors de la prise de pouvoir par la force
et par la voie électorale. Cela, du fait que les élections restent et
constituent, dans toute démocratie, l’excellent moyen d’avoir le pouvoir
dans un pays, mais n’incarne pas du tout une évidence lorsqu’elle
s’exprime dans une variante de la représentation parlementaire. En RDC,
les acteurs sociaux doivent concourir à la participation citoyenne selon
le modèle de David Easton basé sur les in-puts et out-puts lorsque la
majorité au pouvoir n’arrive pas à satisfaire les desiderata de la
population.

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