05.03.10 Le Potentiel: Cinq questions à Laurent Kadiebwe

 

1. Le gouvernement Muzito II vient d’être mis sur pied.
Quel bilan et quelles perspectives en faites-vous ?

Le gouvernement Muzito II est une action de continuité dans le
changement. Dans l’ensemble, la majorité a conservé les accords. Le PALU
est toujours chef du gouvernement et garde ses ministères-clés. Le PPRD
continue à régner, mais ne gouverne pas. L’UDEMO n’a pas perdu ses
avantages acquis. Les chefs des partis sont omniprésents. Le fait que
les vice-Premiers ministres soient à la fois titulaires d’un
portefeuille est une avancée managériale pragmatique. Le bilan que l’on
peut tirer de ce gouvernement est qu’il est un « bon élève » des
institutions de Bretton Woods. La cote, c’est l’effacement de la dette
du Club de Paris, même si entre-temps, la pillule à avaler est amère
avec la grogne sociale.

2. L’on parle de l’effacement de la dette du Club de
Paris. Pouvons-nous présager que le point d’achèvement est un acquis ?

Le directeur adjoint du cabinet du Premier ministre a annoncé, le
vendredi 26 février 2010, que le Club de Paris a effacé la dette de la
RDC d’un milliard trois cent dix millions de dollars américains durant
la période allant du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012. Précisons que
cette annulation porte sur le service de la dette de la RDC.A rappeler
aussi que le Club de Paris, créé en 1956, réunit les créanciers d’un
pays qui négocient avec lui les modalités de réaménagement de sa dette
publique extérieure. Cela correspond à ce que j’appelle la méthode
douce des institutions de Bretton Woods. Elles pratiquent la
suppression ou le rééchelonnement de la dette de « bons élèves ». Et
ceci se fait en complémentarité de la méthode forte, virile et
contraignante des conditionnalités avec entre autres les taux d’intérêt
élevé, les échéances de remboursement fixes, et le rythme de
décaissement faible. De là conclure que le point d’achèvement est un
acquis, je ne l’affirme pas. Tout au moins, je reconnais que la tendance
est bonne et le trimestre prochain est déterminant sur tous les plans.

3. La RDC se met en ordre utile en matière de législation
des affaires internationales. S’agit-il d’une privatisation du secteur
public ou de l’alignement sur la mondialisation ?

La mondialisation s’impose en ce XXIème siècle. Suivant cette
logique, l’important est de s’ajuster à l’ordre économique
international. Dès lors, l’international s’impose sur le national, comme
l’économique sur l’Etat, le privé sur le public. Dans ce contexte,
l’adhésion de la RDC à l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du
Droit des Affaires (OHADA) entre en ligne droite de cette dynamique.
L’amélioration du climat des affaires en RDC est une nécessité.
Plusieurs lois nationales sont votées pour faciliter la tâche aux
investisseurs nationaux et devenir plus attractif pour les investisseurs
internationaux. D’expérience, notre pays, à cause des tracasseries
administratives et autres, est loin d’être compétitif et moins encore
attractif. Dans tout cela, nous sommes en plein dans la problématique du
protectionnisme et du libéralisme.

4. Bientôt ce sont les échéances électorales. Quel bilan
faites-vous des élus à différents échelons national et provincial ?

En principe, l’an 2010 est électoral avec les élections locales au
niveau des secteurs, des communes et des villes. Comme on le sait, une
loi a été votée au Parlement sur la création de nouvelles villes. En ce
qui concerne les élus, les bilans de plus de trois ans sont mitigés. Si
le Parlement a voté beaucoup de lois importantes, il n’en demeure pas
moins vrai que les assemblées provinciales éprouvent énormément de
peines à collaborer avec les exécutifs dirigés, curieusement, par des
élus. Toutes les provinces ont connu des motions de défiance aux
effets imprévisibles. Dans la vision de la décentralisation, ces entités
devraient se montrer plus imaginatives. Trois ou quatre provinces font
de leur mieux pour répondre aux attentes de leurs électeurs en
éducation, en santé, en routes, en travail et en mieux-être de la
population. Mais les sept autres se morfondent dans la mauvaise
gouvernance préjudiciable à la population et contre-performance pour les
prochaines élections législatives et présidentielle.

5. Les villes, Kinshasa en tête, les chefs-lieux des
provinces ensuite, s’approprient les cinq chantiers de la République.
Quelle est la place des milieux ruraux dans ce contexte ?

Contrairement à l’opinion de la plupart des Congolais, dirigeants ou
dirigés qui croient que la vie c’est en ville et à l’étranger,
l’expérience internationale et longue de plusieurs décennies offre la
possibilité de voir que l’avenir de la planète terre est domiciliée au
village. En Occident, de plus en plus de gens ont une seconde résidence à
la campagne. Evidemment, les conditions matérielles et techniques
offrent une qualité de vie meilleure à la campagne qu’en ville. De mon
point de vue, le village est l’avenir de la ville et du Congo. Améliorer
les conditions de vie et de travail dans les milieux ruraux entraînera
l’amélioration de la qualité de vie dans les villes. La productivité
meilleure, les valeurs ajoutées, les moyens de transport modernisés, les
ventes réalisées aux meilleurs prix permettront l’accès digne aux
équipements, à la santé, à l‘éducation, à l’habitat et aux services. Les
problèmes ruraux peuvent être traduits en actions prioritaires,
positives, pertinentes et réalisables à court et à moyen termes, dans
l’intérêt du plus grand nombre, par les autorités publiques, en
partenariat avec les entrepreneurs privés et la société civile
volontariste.

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