08.03.10 Le Potentiel – Cinq questions à Joëlle Katambwe Kalambay

 

1. Au moment où le monde célèbre la Journée internationale
de la femme, on a l’impression que la foi aux symboles l’emporte sur la
volonté de faire avancer effectivement les choses dans notre pays. Qu’en
dites vous ?

Dans n’importe quelle lutte, on a toujours besoin des symboles pour
entretenir longtemps la flamme militante ou militantiste, je crois que
la situation de la femme ou sa condition n’est pas aussi peu reluisante
qu’on semble le faire croire dans notre pays. Il y a déjà le fait qu’un
Programme national du Genre a été conçu avec pour objectifs
d’opérationnaliser les principes constitutionnels d’équité et d’égalité
entre les hommes et les femmes et de respect des droits humains, mais
aussi à traduire dans les faits, les engagements internationaux et
nationaux de l’Etat congolais, c’est déjà une avancée significative.
Certes, les informations disponibles au ministère de la Famille et Genre
renseignent malheureusement qu’à l’Assemblée nationale, sur 500
députés, on compte 42 femmes, au gouvernement, 5 femmes sur 45 sont
ministres (avant le dernier remaniement), au Sénat, 5 femmes seulement
sur 108 et il n’y a aucune femme gouverneur de province. On note
également qu’actuellement sur 256 gestionnaires d’entreprises publiques,
il y a 53 femmes et sur 55 secrétaires généraux, 7 seulement sont de
femmes, il y a incontestablement encore un long chemin à parcourir.
C’est pourquoi, des journées comme celles-ci permettent de rappeler aux
autorités du pays leurs responsabilités ainsi que leurs engagements
auprès de la femme congolaise.

2. Il faudrait peut-être regretter l’absence d’une
tradition historique de lutte comme le mouvement féministe en Europe
occidentale, pour faire progresser rapidement les choses…

Toutes les explications sont permises, c’est vrai le féminisme, en
Europe, a contribué à faire évoluer les mentalités et d’abandonner
l’idéal ridicule d’une femme réduite à l’épouse et à la ménagère, celui
que décrivait Jean-Jacques Rousseau dans Emile, l’amélioration de la
condition de la femme sollicite de n’agir uniquement sur l’aspect légal
ou juridique, il convient également d’agir sur les mentalités et les
poids des traditions. Il ne suffit pas de ratifier solennellement les
instruments internationaux ( Convention concernant la lutte contre les
discriminations dans le domaine de l’enseignement de 1950, la
Déclaration sur la protection des femmes et des enfants en période
d’urgence et des conflits de 1974, la Convention sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination à l’égard de la femme de 1979, la
Résolution de 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies…), il y a
également une stratégie globale d’abandon des préjugés rétrogrades qui
s’impose. En effet, comment comprendre que, dans notre pays, 61% de
femmes vivent en dessous du seuil de pauvreté contre 59,9% d’hommes, le
taux net de scolarisation des enfants de 6 à 11 ans en 2007 était de
59, 4% pour les filles contre 62,5% pour les garçons, le taux
d’alphabétisation de la population de 15ans et plus est de 58 ;9% pour
les filles et 85% pour les garçons et, enfin, une femme adulte sur deux
est analphabète contre un homme adulte sur cinq, il y a donc nécessité
de travailler pour faire davantage dans l’évolution des mentalités.

3. Il faudra forcément revoir certaines conceptions de la
société au point de contraindre au changement de certaines habitudes
sociales, comment ne pas craindre le danger d’une certaine
occidentalisation ?

Le danger est réel, mais comment l’éviter dans ce contexte de
mondialisation qui amène chacun à porter un regard critique sur lui-même
et sur sa trajectoire historique. Une chose est vraie, l’amélioration
de la condition de la femme ne doit pas passer par l’asservissement de
l’homme, comme si on substituait une prison à une autre, mais elle
appelle, sans doute, comme disait E. Badinter à ce que la femme et
l’homme se définissent chacun une identité pour un enrichissement
mutuel, c’est en quelque sorte se partager une responsabilité commune
dans la construction d’un monde, dépouille de tous préjugés sexistes ou
phalliques. Dans tous les cas, c’est aux femmes de prendre également
conscience de leur situation ainsi que de ses causes essentielles pour
que leurs revendications en matière de citoyenneté et des droits
rencontrent davantage la préoccupation profonde des autorités de notre
pays.

4. Pour ne s’intéresser qu’à point précis du problème,
pensez- vous qu’il y a réellement un effort soutenu au niveau étatique
pour réduire les discriminations à l’égard de la femme ?

A quelque chose, malheur est bon, dit-on ! C’est grâce au
déclenchement des conflits armés dans l’Est du pays, que les autorités
ont multiplié des initiatives politiques pour mettre la femme à l’abri
de toutes sortes de violences. Cela a également permis qu’ils prennent
réellement conscience de l’ampleur du problème et de tous ses contours.
C’est déjà heureux de faire participer les femmes à la conception des
décisions qui les concernent, tout en sachant que, pour un pays en
situation post-conflit, où il est sollicité une stratégie globale de
réconciliation, de démobilisation et de prise en charge, l’amélioration
de la condition de la femme ne peut que contribuer à installer
définitivement les conditions durables de paix et sécurité, compte tenu
du fait que l’éducation convenablement assurée aux enfants ne peut que
les décourager à recourir à la violence pour résorber les conflits
interindividuels ou sociaux…

5. Que conclure ?

La Journée internationale de la femme, c’est aussi la journée de
l’homme qui est invité à se poser de vraies questions, en rapport avec
le statut de la femme dans notre société. Elle est également une
occasion d’affirmer l’identité féminine tout en accomplissant l’altérité
masculine. Voire, dans un domaine qui me concerne au premier plan, il
est indiqué que la femme peut activement participer à toute stratégie de
non prolifération des ALPC si une véritable prise en charge lui est
assurée par les pouvoirs publics.

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