15.03.10 Le Soft DÉMOCRATISATION. Exclusif: Kabila annonce les élections
Le
président de la République Joseph Kabila Kabange lors de l'interview
avec l'Hon. Tryphon Kin-kiey Mulumba, patron du Soft International
samedi 13 mars 2010 à sa résidence officielle de Kinshasa. PHOTO LE SOFT
NUMÉRIQUE.
Le Congo tient et tiendra au
respect et à la dignité comme base dans les relations entre peuples et
nations du monde. Quoique pays post-conflit qui connaît des situations
de survivance dinsécurité et qui doit affronter la pauvreté réelle, la
R-dC a lambition de prendre – de reprendre – pleinement sa place dans
le concert des Nations et de jouer effectivement son rôle sur
léchiquier international.
Si son discours politique national officiel peut être diversement
interprété dans lopinion publique aussi bien nationale
qu'internationale, ce nest pas que notre pays cherche à développer des
tensions sur le front diplomatique.
Au contraire, le pays se dit fier dentretenir désormais les meilleures
relations avec ses neuf voisins et nest en conflit avec aucun autre.
Le Congo sapplique à organiser les commémorations de la proclamation de
son indépendance intervenue voici cinquante ans et devrait accueillir
dans deux mois en juin le roi des Belges Albert II ainsi que plusieurs
dignitaires étrangers invités.
À deux jours de la rentrée parlementaire constitutionnelle de mars et à
un mois environ depuis la mise en place dune équipe gouvernementale
resserrée et dont les principaux chefs de partis membres de la coalition
de la majorité parlementaire restent en place quand on sattendait à un
tsunami politique, Joseph Kabila Kabange a fait sa rentrée politique au
journal Le Soft International qui venait de saluer dans la Capitale ses
vingt ans de vie professionnelle et managériale réussie, à en croire
les témoignages de ses 500 invités triés sur le volet, ministres,
députés, sénateurs, patrons dentreprises publiques et privées,
ambassadeurs, tous lecteurs et lectrices mais aussi simples lecteurs
dun journal qui a été de tous les événements politiques, économiques et
culturels du pays au cours de ces vingt dernières années, réunis au
mythique Salon Congo du Grand Hôtel Kinshasa (voir éd. spéciale papier
en annexe).
CONTROVERSE SINON POLÉMIQUE.
La grande annonce que fait le président de la République à notre journal
est la confirmation de la tenue délections locales et municipales,
tout comme les générales, Législatives et Présidentielles.
Le Chef de lÉtat lavait déjà fait le 7 décembre 2009 lors de son
adresse à la Nation dans son dernier état de la Nation dressé devant les
Chambres législatives réunies en Congrès au Palais du Peuple
conformément à lart 77 de la Constitution. Comme il lavait annoncé un
an après son investiture après son élection dans son premier état de la
Nation le 6 décembre 2007.
Mais ces dernières semaines, un doute a paru sinstaller sur la volonté
politique et la capacité du Gouvernement à tenir ces engagements
démocratiques.
Une lettre dun groupe de chefs de missions diplomatiques (lambassadeur
des États-Unis John Gaverlink agissant pour le compte du gouvernement
des États-Unis dAmérique, du Canada et de la Suisse, celui dEspagne
Félix Costales Artieda agissant pour le compte de son pays et de lUE
ainsi que le délégué du Représentant spécial du Secrétaire général des
Nations Unies et chef de la MONUC Alan Doss) accrédités à Kinshasa est
depuis peu au centre dune controverse sinon dune polémique après
quelle eût été divulguée dans la presse nationale et internationale.
Le débat porte sur le sens de cette démarche face à un gouvernement
souverain dont le risque est quil pourrait apparaître quil est aux
ordres et susceptible dêtre traité comme un gouvernement de service.
Kinshasa y verrait manifestement un moyen de pression et une occasion de
tension inutile.
Samedi 13 mars en milieu de journée, jai trouvé un Joseph Kabila
serein, informé, à laise dans tous les dossiers abordés.
Javais apprêté une trentaine de questions que jai données
courageusement à entendre au Président de la République afin que, dès le
premier abord, il sache mes centres dintérêt qui sont certainement
ceux du pays.
Il me demande avec son habituel sourire en coin comme chaque fois quil
me reçoit à pareille occasion de combien de temps javais besoin pour
réaliser lentretien.
Cest vrai que jai voulu cet entretien fleuve. On ne rencontre pas tous
les jours le Chef de lÉtat. Autant dun coup vider son sac. Mais cest
vrai, depuis si longtemps que remonte la dernière conférence de presse
du Président de la République, les sujets se sont tellement accumulés,
les centres dintérêt tellement déplacés…
Je réponds que jétais à sa disposition pleine et entière.
Je soupçonne le Chef de lÉtat ayant inscrit dans la journée dans son
agenda un rendez-vous de rigueur.
Cet entretien avait dailleurs été annoncé au siège de la Présidence de
la République, le Palais de la Nation, où je me suis trouvé une
demi-heure plutôt.
Mais à 10 heures, à lheure convenue, les services mapprennent que le
Président donnait au même moment le coup denvoi des travaux sur un
tronçon du boulevard Triomphal face au siège des Chambres, le Palais du
peuple.
Quelquun avait encore bousculé son agenda…
Je suis pris en charge vers 11 heures.
Direction: la résidence officielle du Chef de lÉtat à côté du fameux
GLM alors que résonnent des coups de fil qui veulent que je ne fasse pas
trop attendre le Président de la République. Cest là que se déroule
lentretien.
Le Président de la République mexplique que nous pouvons commencer cet
entretien immédiatement et le suspendre 90 minutes plus tard pour le
reprendre le lendemain dimanche 14 mars.
Quand je me mets à poser une après une mes questions, appliqué comme
tout professionnel à son bloc-notes face à la plus haute autorité du
pays, le regard sans cesse porté à ma montre pour ne pas avoir à
contrarier le rendez-vous qui suit, je ne sens pas en réalité le temps
passer.
Incroyable! Au bout d'une heure, je suis parvenu à poser toutes mes
questions et le Président y a répondu à toutes sans en éviter une seule.
Il ny a pas de question taboue, mavait-il assuré, me mettant dès le
départ à laise. «Vous pouvez poser toutes les questions».
Jen ai profité pour tenter daller plus au fond et aussi loin que
pouvait permettre un genre journalistique qui nest rien quune
véritable intrusion dans la vie privée qui peut à certains moments tant
coller à la vie publique.
Le Président a tenu parole.
Sur lIran du président Mahmoud Ahmadinejad par exemple auquel la R-dC
aurait vendu de luranium, et où le président de lAssemblée nationale
Évariste Boshab Mabudj vient deffectuer une visite diversement
commentée, le Président de la République répond sur son habituel timbre
de voix: «Le président de lAssemblée nationale sy est rendu à
linvitation de son collègue, le président de lAssemblée nationale
iranienne».
«LIran a un projet de 4 à 5 millions de dollars à investir dans un
hôpital à Kinshasa. Et nous devons acheter plusieurs tonnes de bitumes à
lIran dont celui-ci est producteur, pour la réhabilitation de nos
routes. Nous sommes, je crois, le pays le plus surveillé en Afrique
centrale. Comment aurions-nous pu vendre de luranium à lIran sans que
personne nait rien vu avec une telle présence étrangère au Katanga?
LIran ne nous a jamais rien demandé. Jamais rien demandé… Cette
affaire ressemble à celle de Guinée. Vous en connaissez la suite».
SUR JP BEMBA GOMBO.
Sur les droits de lhomme et sur les récentes dénonciations de la
secrétaire dÉtat américaine Hillary Clinton alignant la R-dC aux côtés
du Soudan et du Nigeria en ce qui concerne la violation des droits de
lhomme, le président de la République est tout aussi serein.
«Moi, je nai aucun problème que Mme Clinton fasse de telles
déclarations, et quelle cite le Congo. Elle est bien dans son rôle. À
Goma, jai eu un long entretien avec la secrétaire dÉtat. Nous avons
décidé de travailler ensemble, que cela soit dans le domaine des droits
de lhomme, des violences exercées sur la femme congolaise comme sur la
gouvernance. Nous restons en contact. Elle me téléphone souvent».
Sur les élections – ou mieux – sur son éventuelle candidature à sa
propre succession, sujet, Dieu seul sait, hautement délicat et qui ne
saurait être abordé hors de toute impertinence mais connaît-on un vrai
journaliste qui ne soit impertinent? -, Kabila ne bronche point.
«On verra le moment venu. Se représenter? Pour quoi faire? Pour
poursuivre la tâche? Oui…!» Un ange passe.
«On verra. On évaluera ensemble dans le cadre de lAMP le chemin
parcouru et on avisera sil faut y aller ou pas».
Sur laccord politique qui lie lAmp au Palu et à lUdémo, ma question
se veut terrifiante: «Avec le recul nécessaire, fut-ce un bon ou plutôt
un mauvais accord? Ne paraît-il pas avoir été mal engagé dans la mesure
où le pays ne semble pas aujourdhui en situation de se défaire dalliés
fort critiqués dans lopinion?»
La réponse du président de la République naccuse pas le coup.
«À ce moment-là, en 2006, si on navait pas passé un accord avec le Palu
et avec lUdémo, avec qui laurait-on passé?»
Puis de reprendre: «Je suis un homme juste. Je vous ai dit, Hon.
Kin-kiey, vous et vos collègues venus me voir à Goma (ndlr: mi-mars
2009, lors de la guerre du perchoir qui vit la destitution du président
de lAssemblée nationale PPRD Vital Kamerhe), que jétais un homme de
parole; que la parole donnée est pour moi une parole sacrée».
Quand jinvoque les imparables questions de météo politique susceptibles
de transformer tout un contexte, Kabila est incollable.
«Quand vient ce cas, on postpose le décollage. On ne lannule pas».
Sur Jean-Pierre Bemba Gombo dont la défense vient de citer la R-dC et la
République Centrafricaine dans une requête pour avoir «collaboré» dans
larrestation du sénateur du MLC et dêtre de «connivence», et qui
doivent sexpliquer le 27 avril prochain devant des juges de la Cour
pénale internationale de La Haye, le président nen démord pas. Il
défend la thèse d«une affaire strictement centrafricaine» dans laquelle
Kinshasa na rien à y voir.
Et quand je lui demande sil a une pensée pour ce compatriote détenu
depuis deux ans déjà, dans une prison, loin de son pays, il observe un
moment darrêt, esquisse un petit sourire.
Puis reprend. «Quand
on a travaillé avec un homme pendant autant de temps que jai eu à
passer avec le Sénateur Bemba, on ne peut rien oublier…»
Tout à lheure, hors micro, le Chef de lÉtat me confiera que «la
politique est dynamique».
Je sens très nettement que Joseph Kabila Kabange a bien envie de vider
certains tiroirs boueux de querelles politiciennes.
Quand
jessaie de pousser encore plus loin, je me confirme à lidée que le
Président est désormais prêt à toute éventualité.
Sur un sujet à ce jour trop délicat sinon passionné, je crois quil a
déjà fait du chemin dans la bonne direction…
Les jours et semaines à venir nous réservent des surprises – des
retrouvailles!
Pour lui, cest qui compte «cest de fédérer. Il
va toujours vers lessentiel. Le détail, il ne sen encombre point. Sauf
la relation de travail pour le pays», commente un proche. Qui poursuit:
«Sil y a un capital dinvesti, il ne faut point le dilapider…»
«Dans la vie, il faut savoir oublier et tourner la page, reprend le Chef
de lÉtat. Mais encore faut-il quen face, on accepte la main tendue!»
J'admets que la paix, on la fait à deux.
Pourquoi conduit-il toujours lui-même sur daussi longues distances ses
véhicules tout terrain?
Il mexplique que depuis quil a «pris
de lâge» (mais il place un court sourire), il prend de moins en moins
le volant mais que dans son cas, il nest nullement tenté de «cesser
dêtre un homme quil a toujours été, un homme ordinaire, un homme
simple, un homme humble».
«Moi, je suis un homme humble, un homme simple, un homme ordinaire»,
massure-t-il. Cest vrai, poursuit-il, «il me faut parfois prendre le
volant pour me destresser».
Je lui pose la question que tous ses compatriotes se posent quand ils le
voient aux commandes de son véhicule.
«Excellence, vous arrive-t-il de penser à un accident de route quand
vous conduisez? Vous arrive-t-il de penser à la mort? Au fait, jai lu
quelque part que vous disiez que votre père est mort de mort violente,
que votre grand-père aussi…»
Réponse du Chef de lÉtat avec son même timbre de voix: «Oh! De mort
violente? Assassinés! Oui, mon père est mort assassiné, mon grand-père
aussi».
Kabila nen dira pas plus. Sauf quand il se relance: «Mais, la mort est
partout! Mais il ne faut jamais penser à la mort. Il faut penser à la
vie. Moi, je pense à la vie même si je sais que la mort me hante…»
Je lui glisse que Mitterrand (François) navait de cesse de penser à la
mort, en allant voir même des scientifiques.
Lui me dit quil ne connaît pas un marabout.
Jai rencontré des Chefs dÉtat et des Souverains du monde. Jai
rencontré Mobutu. Kabila est au diapason, très bon pour le service.
Je lai déjà témoigné ici dans ces colonnes «Ma rencontre avec Kabila».
Extraits: «Cent minutes au cours desquelles je nai pas entendu de sa
bouche la moindre petite faute de français. Bien au contraire, Kabila
parle un français impeccable».
«Je nai pas décelé le moindre petit problème de logique dans lapproche
et le déroulement de lentretien. Jen connais des hommes, des diplômés
duniversité qui passent dun sujet à lautre sans bonheur comme du coq
à lâne».
«Je croyais le Président passant son temps à écouter ses visiteurs. Je
lai trouvé parfait dans son élément du pouvoir, dans sa maîtrise des
questions. Ni trop loquace, ni trop taciturne».
«Cet homme ne saurait être celui qui se fait rédiger ses interviewes à
la presse comme il est parfois présenté ou se fait communiquer les
questions des journalistes avant de leur répondre. À ce que jai vu, il y
a trop de mensonges en circulation. Cest le devoir de témoignage» (éd.
849, datée 23 fév. 2006, lire autres extraits en page 5, éd. papier).
On peut ne pas être daccord – sans doute par idéologie – cela ne change
rien à la réalité des faits.
Pourquoi na-t-on jamais laissé ce Président se dévoiler? Il devrait
séduire son peuple et le monde.
Ci-après, lessentiel de cet entretien pour lequel je remercie
infiniment le Président de la République pour lhonneur quil ma fait
de me recevoir et de me laccorder.
***
Tryphon Kin-kiey Mulumba (pour Le Soft International).
Excellence Monsieur le Président de la République, merci infiniment pour
faire confiance à la presse nationale et à un média national. Il y a
beaucoup de questions que lopinion se pose aujourdhui. Il y a une
sorte dinquiétude, une sorte de peur, une peur qui monte dans
lopinion. Et lopinion aimerait avoir des réponses de la bouche de la
plus haute autorité du pays. Si vous permettez, Excellence, on pourrait
commencer par la question du Gouvernement. Il y a eu un remaniement
récemment et contrairement à vos habitudes, le Comité Politique de lAMP
dont cest le rôle na pas été consulté. On observe comme une sorte de
débandade dans les rangs. Peut-on dire que lAMP court vers sa fin?
Président de la République.
Non, ce nest pas la fin de lAMP. Est-ce que le Comité Politique a été
consulté avant le récent remaniement? Les partis politiques membres de
lAMP et les chefs des partis politiques membres de lAMP lont été.
Dailleurs, le secrétaire exécutif de lAMP faisant fonction Koyagialo, a
participé à plusieurs réunions bien avant la mise en place de léquipe
actuelle du Gouvernement. Alors, pour moi, lAMP a été consultée ou du
moins les grands partis membres de lAMP. Je crois bien quon navait
pas beaucoup de temps pour quil y ait plusieurs réunions, et quon
remplisse cette formalité du Comité Politique. Mais lessentiel a été
fait.
Ce remaniement, vous le vouliez un tsunami. Il na même pas été une
petite tempête. Rien na été touché aux structures de base, ni aux
hommes dinfluence. La stabilité a été réelle. Un journal a même écrit:
«on reprend les mêmes, et on recommence». Excellence, Monsieur le
Président de la République, avez-vous un commentaire?
Pour quil y ait une petite tempête, il faut quil y ait des conditions
atmosphériques pour le permettre. De même en est-il des vagues ou de
tsunami. Non, moi, je vois les choses en fonction de nos priorités, en
fonction de la vision quon a et de nos missions. Quelles sont les
priorités quon a pour le moment et pourquoi a-t-on remanié le
gouvernement maintenant, pas hier, ni la veille? Cest précisément parce
que la priorité des priorités pour le moment, cest la consolidation de
la paix. On parle souvent de la paix à lEst du pays, mais actuellement
on est passé de la phase de la paix à celle de la consolidation de
cette paix à lEst du pays comme aussi à lÉquateur.
Vous cherchiez vos 15 collaborateurs. Excellence Monsieur le Président
de la République, les avez-vous trouvés avec ce remaniement?
Ils doivent être bien plus aujourdhui, si on voit le nombre de membres
que compte léquipe ministérielle. De toute façon, il va falloir faire
avec. Ceci dit, cest sans doute loccasion de repréciser ma pensée sur
cette affaire. Par les 15 collaborateurs ou 15 personnes, je voulais
dire quil faut former une équipe pour faire face aux enjeux qui se
dressent devant nous et face à nos ambitions. Vous voyez quil y a une
nouvelle équipe au ministère des Finances, de même quau ministère du
Budget. Il nous fallait aussi faire face aux problèmes de leau et
délectricité qui font partie des cinq chantiers. Mais ce travail est un
travail de tous les temps. Nous espérons quavec les décisions que nous
avons prises, nous saurons désormais aller de lavant. Mais il est
clair que la situation ne pourra aller que de mieux en mieux. Il nous
faudra certes du temps.
Peut-on dire Excellence Monsieur le Président, quil sagit dune équipe
de fin de mandat?
Une équipe de fin de mandat? Les élections auront lieu en 2011. On ne
saurait par principe rien exclure.
Il y a eu un problème posé par ce remaniement. Du point de vue de
lopinion, la loyauté et la fidélité nont pas toujours été payées?
Il faut parfois savoir tourner la page et aller de lavant.
Dans votre dernier discours sur létat de la Nation, vous aviez annoncé
que le gouvernement serait évalué fin mars à laune du climat des
affaires. À mi-mars, pouvons-nous savoir comment se dégagent les
premières tendances?
Un certain nombre dinitiatives ont été prises dans le bon sens
notamment la ratification par le Parlement de laccord dadhésion de
notre pays à lOHADA, une mesure qui rassure le secteur privé sur la
sécurité juridique. Il reste bien dautres initiatives notamment la
modification de la législation sur les sociétés en matière de
simplification des procédures, de réduction des coûts et des
tracasseries administratives. Oui, le moment venu, à la fin mars, nous
procéderons à cette évaluation…
Des fonds du mouvement terroriste libanais Hezbollah seraient blanchis à
Kinshasa dans les secteurs bancaire et de limmobilier. On aurait
trouvé un lien entre ces fonds et le sabotage présumé du vol dEthiopian
au décollage de Beyrouth… Quel commentaire faites-vous?
Il y a un mécanisme mis en place à la Banque Centrale du Congo pour
vérifier lorigine des fonds qui arrivent. Je nai jamais reçu un
rapport de la Banque Centrale du Congo faisant état de détection dun
fond dorigine terroriste. Le vol de la compagnie Ethiopian était un
accident daprès ce que lon en sait depuis.
Cela ne vous a pas ému de voir quune cinquantaine de Libanais résidant
en R-dC se trouvaient à bord?
Il ny avait pas que des Libanais à bord! Il y avait aussi des
ressortissants dautres pays et il y avait lépouse de lambassadeur de
France.
Excellence, vous dites, les élections auront lieu. À quelles dates, les
voulez-vous, et avec quels moyens? À ce propos, les moyens ne font-ils
pas défaut?
Les élections doivent avoir lieu, et elles auront lieu en 2011. La
Communauté internationale sest engagée à prendre en charge les
élections locales, urbaines et municipales. Quant aux élections
générales, législatives et présidentielles, notre pays les financera.
Nous sommes en train de nous organiser pour cela et nous allons trouver
les moyens. Si les élections nont pas lieu aux dates prévues, il se
posera un problème de légitimité des Institutions issues des élections.
Nous ne saurions nous trouver devant une telle situation.
Les syndicats ne comprennent pas qualors quon leur demande de serrer
la ceinture, des pôles denrichissement se mettent en place…
Il faut bien quon me cite des cas. La justice est là pour se saisir de
ces dossiers. Nous sommes un État de droit. On ne peut arrêter des gens
sur des simples allégations…
Pouvez-vous dire Excellence que le gouvernement a réussi à mettre en
place un Etat républicain et impartial?
Il nous faut sans doute du temps à ce niveau comme à dautres. Tout ne
se fera pas en un jour. Il est évident que le Gouvernement doit
sengager dans ce sens.
Le 6 décembre 2007, vous mettiez en garde, lors de votre discours sur
létat de la Nation, contre la tentation de vouloir régler tout
dysfonctionnement éventuel des Institutions par la révision
constitutionnelle. Le 7 décembre 2009, lors du même discours sur létat
de la Nation, votre position a évolué. Vous appelez à «revisiter
certaines dispositions de la Constitution du 16 février 2006» et vous
invoquez «le bilan de son application»…
En 2007, nous navions quun an depuis la mise en place des Institutions
démocratiquement élues. Il nétait pas normal de procéder, comme
certains Députés le souhaitaient, à une révision constitutionnelle. Et à
lépoque, il sagissait dune démarche visant à crédibiliser les
décisions du Conseil supérieur de la Magistrature (ndlr: notamment que
le président de la République au nom de qui les décisions sont exécutées
en soit membre, comme en France et dans tous les Etats modernes).
Aujourdhui, des problèmes liés à la décentralisation et à dautres se
posent. Par exemple, le pays na pas les moyens de passer de onze à
vingt-six provinces dotées de la personnalité juridique. Le législateur
de 2006 sétait sans doute trouvé dans une certaine euphorie. Or, cette
décentralisation est inscrite dans la Constitution. On ne peut donc pas
changer cela par une simple loi. Il nous faut voir maintenant sil faut
régler cette matière au niveau des Chambres législatives par la formule
de révision constitutionnelle ou sil faut sadresser directement au
Peuple souverain par voie référendaire.
Le fonctionnement des provinces actuelles vous donne-t-il satisfaction?
Il y a des cas des gouverneurs qui sopposent à lexécution des arrêtés
des ministres du gouvernement central voire des ordonnances
présidentielles… Le 7 décembre dernier déjà, vous dénonciez la forte
tentation dabus des prérogatives et le chantage…
Comment être satisfait! Il faut souhaiter que jour après jour, les
choses iront de mieux en mieux.
Excellence Monsieur le Président de la République, quen est-il de la
MONUC? Quitte-t-elle le pays ou ne quitte-t-elle pas? On avait demandé
son départ, voilà quil sagit désormais de la reconfigurer. Le discours
officiel national nest-il pas à ce propos parfois équivoque?
La MONUC doit partir. Elle na pas pour mission de rester indéfiniment
au Congo. Mais avant cela, elle doit se reconfigurer. Il sagit pour
elle de quitter les provinces où la sécurité des personnes et des biens
est assurée afin quelle se déploie dans les provinces du Kivu, Nord et
Sud-Kivu. Le discours nest pas équivoque. Nous avons parlé de ces
questions avec le secrétaire général adjoint des Nations Unies en charge
des missions de maintien de la paix Alain Le Roy quand il est venu me
voir à Kinshasa. Nous avons ensemble convenu que la MONUC actuellement
forte de 20.000 hommes doit quitter le pays mais que, dans un premier
temps, des contingents doivent aller dans les Kivu où les problèmes de
sécurité continuent de se poser. Entre temps, des forces de police
doivent être formées pour prendre le relais des forces onusiennes,
rassurer et protéger les populations, ainsi que leurs biens dans le
respect des lois.
La demande de retrait de la MONUC à la veille des élections est perçue
comme nétant pas des plus opportunes…
Dans aucun pays au monde – et en tout cas dans aucun pays qui nous
entoure, en Afrique Centrale – les forces onusiennes nont eu mission
dorganiser les élections. Elles ninnoveront pas au Congo.
Lorganisation des élections relève de la souveraineté des Etats. Je me
suis engagé fermement, en ce qui me concerne, à tenir des élections
libres, transparentes et démocratiques. Et rien ne me fera changer
davis. Vous pouvez me croire.
Cest quoi, Excellence Monsieur le Président de la République, cette
affaire de fonds vautours qui auraient racheté à vil prix les dettes de
la Snél et de la Gécamines pour les revendre à prix dor à la R-dC au
point de capter par des juges à létranger des fonds attendus des
Chinois?
Daprès mes informations, ces fonds vautours nont rien capté. Ils ont
juste réussi à bloquer le transfert de 150 millions de dollars attendus
des Chinois. Mais nous allons, par des voies diplomatiques, régler cette
affaire. La République du Congo a eu le même problème. Elle a pu le
régler. Cest vrai que cela fait mal parce que nous allons connaître un
retard dans lexécution de certains de nos projets.
Parlant de la diplomatie, quels types de rapports, Excellence Monsieur
le Président, notre pays entretient-il avec les pays voisins, le Congo
Brazzaville, lOuganda, lAngola, le Rwanda? Il semble quun village
serait à nouveau occupé au Bas-Congo et quà lÉquateur, la crise des
Enyele est loin dêtre terminée…
Je dois vous assurer que le Congo entretient les meilleures relations
avec tous les neuf pays voisins. Tous ces problèmes qui se posent le
long de nos frontières communes et qui ne datent pas daujourdhui
trouveront leurs solutions par voie diplomatique. À propos de
lEquateur, il ny a plus aucun problème dans la province, je veux vous
lassurer. Avec le Rwanda et lOuganda, nous avons procédé à léchange
dambassadeurs et il ny a rien à signaler.
Nkunda nest toujours pas extradé, malgré les assurances données par nos
envoyés…
Oui, il y a le cas de M. Laurent Nkunda. Je pense quil sagit dune
simple question de temps. Nkunda devra être extradé.
Excellence, vous êtes toujours fâché contre Karel de Gucht?
Je ne suis pas fâché contre M. De Gucht. Ce que je nai pas aimé, ce
sont ses prises de position, à la fois du temps où il était ministre des
Affaires étrangères de Belgique et comme commissaire européen en charge
du Développement. Ce nest pas parce que tel pays apporte telle aide
que la R-dC na pas droit au respect et à la dignité.
Est-il toujours interdit de visa en R-dC?
Je ne sais pas! Qui lui a interdit le visa?
Êtes-vous toujours fâché avec Rfi, toujours interdite de diffusion en
R-dC?
Cest comme à la question sur le ministre De Gucht. Je ne suis pas fâché
contre Rfi. Ce que je naime pas cest cette campagne contre notre
pays, cet acharnement à toujours nous critiquer comme si rien de bon ne
se faisait ici. Le Congo est le premier pays francophone du monde et Rfi
est un média francophone. Nous ne pouvons pas accepter cette campagne.
Mais, rassurez-vous, dici peu, les choses vont se normaliser. Nous
avons maintenu le contact avec cette Rfi.
Vous en êtes vous plaint auprès du président Sarkozy que vous avez reçu à
Kinshasa ou auprès du ministre Bernard Kouchner?
Non. Nous nen avons jamais parlé. Aucune fois.
Excellence, on sent parfois quelques peurs dans lopinion. Il vous est
arrivé de vous annoncer à certains sommets sans vous y rendre. Ces
derniers mois, vous avez même été trop absent sur la scène
internationale. Certes jamais vous navez manqué un sommet régional.
Vous navez pas été à Copenhague au sommet sur le climat. Pensez-vous
que le pouvoir a besoin dun peu de mystère?
Je navais jamais annoncé à personne que je me rendrais à Copenhague.
Dailleurs, Copenhague a été un échec cuisant! Cest vrai, que je ne
voyage plus à travers le monde. Aux premières années après mon arrivée
au pouvoir, jai beaucoup voyagé à travers le monde. Mais quest-ce que
cela a rapporté au pays? Il y a eu beaucoup de promesses faites et
aucune promesse na été suivie de réalisation. Alors, pourquoi dépenser
les maigres moyens du Peuple congolais dans des voyages? Il y a eu
lAssemblée générale des Nations Unies mais au moment où cette
conférence se tenait, nous avons connu des problèmes au Kivu. Il nétait
pas normal pour le Chef de lÉtat que je suis que je quitte mon pays à
ce moment-là pour aller me balader à létranger. Le même problème sest
produit lors de la conférence suivante… En ce qui concerne les pays
voisins, cest vrai, nous sommes très actifs simplement parce que nous
présidons beaucoup de ces structures régionales. Depuis que nous avons
liquidé nos arriérés auprès de lUnion Africaine, nous serons désormais
très actifs à ce niveau.
Vous rendrez-vous à la prochaine Assemblée des Nations Unies à New-York
en septembre prochain?
Oui. Certainement.
Avez-vous une visite en vue à Washington, à la Maison-Blanche?
Non. Le président Obama doit avoir un agenda déjà très chargé. Il doit
avoir des préoccupations dordre interne notamment celles liées à la
réforme du secteur de la santé…
Un mot sur les festivités du Cinquantenaire. Vous y avez invité le Roi
des Belges…
Oui. Le Roi a été invité ainsi que plusieurs autres personnalités du
monde. Je sais quil y a un débat qui a lieu sur ces festivités. La
question est de savoir sil faut marquer ce moment dun cachet spécial,
après autant de difficultés que notre pays a connues. Mon sentiment est
que malgré nos situations passées, il nous faut quand même nous arrêter
un moment, réfléchir sur le chemin parcouru et surtout envisager les
voies que nous devons emprunter demain, pour les cinquante ans à venir.
Cest ça pour moi le sens de ces manifestations.
Excellence, quattendez-vous de la session parlementaire de mars 2010
qui souvre lundi 15 mars?
Quelle vote les lois essentielles à la fois pour faire avancer la
démocratie dans le pays et pour assurer un meilleur climat des affaires.
Je pense en ce qui concerne la démocratie, je mattends au vote des
lois essentielles comme celles sur la CÉNI, la Commission Nationale
Électorale Indépendante (qui doit remplacer lactuelle CÉI, Commission
Électorale Indépendante). Il est prévu, dès le lendemain de louverture
de cette session, une réunion inter-institutionnelle.
Si vous devriez adresser un message au peuple congolais, que lui
diriez-vous à un an de la fin de la Législature?
Cest que le peuple congolais reste serein, quil reste calme. Cest le
même message que jadresse aux Parlementaires. Quils soient sereins,
calmes.
Si vous devriez laisser une image de vous à la tête de ce pays, quelle
serait cette image? Celle de bâtisseur? Celle de pacificateur?
Oh! Cest limage dun homme simple, dun homme humble, dun homme
ordinaire.
T. KIN-KIEY MULUMBA. |
lesoftonline.net 15/03/2010
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