Congo-Kinshasa : … Et si le ministre Lambert MENDE se taisait ! (Clovis Kadda)

Pour ceux qui ne le savent pas, Lambert MENDE
est un sempiternel conflictuel. Les professionnels des médias peuvent encore se
souvenir de la tristement célèbre « Incise Mende ».

 

En 1996, sous MOBUTU, MENDE Omalanga avait
engagé un bras de fer inutile avec la presse en proposant l’insertion d’une
incise dans la loi portant liberté de la presse, laquelle obligeait le
journaliste à révéler sa source d’information !

 

Il a fallu une mobilisation tous azimuts des

professionnels des médias (couronnée par une
marche de protestation sur le Boulevard du 30 juin) pour que MENDE et ses
complices jettent l’éponge.

 

L’Enfer, c’est l’autre !

 

Autres temps, autres mœurs ! Aujourd’hui, le
ministre Lambert MENDE a compris qu’il peut se permettre beaucoup de choses –
jusqu’au niveau d’insultes – sans qu’aucune voix ne s’émeuve…

 

De la demande d’extradition de Laurent NKUNDA
au refus d’extradition de Bosco NTANGANDA, tout est faux et archifaux ! Seul le
gouvernement a raison : en tout et pour tout…

 

Comme l’avait si bien dit Jean-Paul SARTRE,
pour Monsieur MENDE : « L’Enfer, c’est l’autre !». C’est ainsi que, en sa
qualité de porte-parole du gouvernement, le ministre s’agite face à tout ce qui
bouge :

la RFI (Radio France Internationale) raconte
des bobards ;

Karel de Gucht (ministre belge des Affaires
étrangères) est un rêveur qui pense qu’il n’y a pas d’Etat au
Congo ;

les ONG des droits de l’homme sont des
simples « caisses de résonnance » de l’extérieur ;

l’UNPC (Union Nationale de la Presse du
Congo)n’est

  qu’un simple syndicat qui doit voler en
éclats ;

le Département d’Etat américain a menti sur
la situation des droits de l’homme au Congo-Kinshasa ;

la Haut Commissaire des Nations Unies aux
droits de l’homme ne maîtrise rien sur la RDC, etc.

 

La notion de l’« enfant
soldat »

 

Un récent rapport du Département d’Etat
américain indique que le respect des droits humains est déficitaire en
République démocratique du Congo, notamment par le fait que des enfants sont
recrutés par les FARDC (Forces Armées de la RDC).

 

Fidèle à la tradition, Lambert MENDE a balayé
d’un revers de la main cette affirmation. Pour lui, les FARDC qui sont
pratiquement la symbiose des ex-FAC (Forces Armées Congolaises) et des
ex-groupes armés n’ont jamais recruté et que la présence des enfants en leur
sein se justifie plutôt par le « souci de sauvetage » de ces
enfants.

 

Ce que le ministre MENDE
semble ignorer, c’est la notion même de l’« enfant soldat », laquelle a
suffisamment évolué depuis la rencontre de Maputo (Mozambique), en
1997.

 

La Conférence de Paris, à
laquelle des délégués du gouvernement congolais avaient participé, en février
2007, a reconduit l’esprit des Principes de Cap Town, lesquels définissent
l’Enfant associé aux forces et groupes armés comme étant « Toute personne
âgée de moins de 18 ans, utilisée par une force armée ou un groupe armé,
régulier ou irrégulier, quelle que soit la fonction qu’elle exerce, notamment
mais pas exclusivement celle de cuisinier, porteur, messager, et toute personne
accompagnant de tels groupes qui n’est pas un membre de leur famille. Cette
définition englobe les filles utilisées à des fins sexuelles et pour des
mariages forcés.

Elle ne concerne donc pas
uniquement les enfants qui sont armés ou qui ont porté des
armes. »

 

Le mot clé ici c’est sans
doute « utilisation ».

En plus des instruments juridiques
internationaux auxquels la RDC a librement souscrit, la législation nationale
évoque également deux concepts : « L’enrôlement et l’utilisation des enfants
dans les forces et groupes armés ainsi que dans la Police sont interdits »

Article 71 de la Loi portant Protection de l’Enfant, promulguée le 10 janvier
2009

 

Par absurde, admettons que les FARDC n’ont
jamais recruté des enfants. Mais, comment prouver que les 15.000 enfants

« démobilisés » auxquels MENDE a fait allusion n’ont jamais
été utilisés par elles, à des taches diverses ?

 

Même si ces enfants ne faisaient que chanter
dans une chorale des FARDC, du matin au soir, ils ont été utilisés ! Par
conséquent, des « poursuites judiciaires » devraient être ordonnées
contre leurs utilisateurs (mais non recruteurs), conformément à la lettre

circulaire de l’Auditeur Général Militaire,
n°AG/0631/D8a, du 19 mai 2005.

 

A force de vouloir tout rejeter en bloc, le
ministre de la

Communication se met ouvertement en
contradiction avec le Président Joseph KABILA et, dans une certaine mesure, avec
ses collègues membres du gouvernement. Pour preuves :

1° Le Chef de l’Etat, en tant que Commandant
suprême de l’armée, a

édicté trois Mesures Conservatoires dont
« l’arrêt de l’utilisation des enfants à des tâches purement
militaires »
. En demandant que ces mesures soient
« diffusées auprès de toutes les unités militaires, de centres d’instruction
et d’entrainement… »
le Président de la République avait compris que les
enfants gonflaient effectivement les rangs des ex-FAC (Discours du 14 juin 2001
au Palais de la Nation).

 

2° En réponse à une correspondance du numéro
un de la  

   MONUC (Mission des
Nations Unies au Congo), Monsieur 

   Charles MWANDO Nsimba,
ministre de la Défense Nationale

   et des Anciens Combattants, a
apprécié la disponibilité

   de la MONUC à « assister les Forces
Armées de la

   République démocratique du Congo dans
l’assainissement 

   de la question de la présence d’enfants
dans leurs

   rangs… »

 

Il a également souligné que son ministère est
disposé à

« coopérer dans toute initiative mise en
œuvre pour que tout enfant dont la présence est signalée dans les rangs des
FARDC en soit immédiatement retiré »
– lettre n°MDNAC/CAB/804/2009, du 24
avril 2009 –

  

De cet échange de courriers s’en est suivi la
sortie d’une quinzaine d’enfants de FARDC à Mushaké (province du Nord-Kivu), en
septembre 2009. Qui dit mieux ?

 

Aucun membre du gouvernement de la RDC n’a un
enfant qui évolue dans les forces et groupes armés. Bien au contraire, tous
leurs enfants sont « bien scolarisés » et ne manquent presque de
rien.

 

Par contre, les enfants dits soldats sont
ceux à qui les adultes ont volé l’enfance. Ceci étant, nul n’a le droit de
cracher sur leurs souffrances et leur désespoir, fut-il porte parole du
gouvernement…

 

Monsieur MENDE Omalanga peut-il dire à
l’opinion nationale et internationale pourquoi l’examen et l’adoption de
la proposition de loi de mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour
Pénale Internationale demeureront le cadet des soucis des parlementaires,
jusqu’à la fin de l’actuelle législature ?

 

La réponse est très simple : le dénominateur
commun de tous les ex-belligérants, aujourd’hui aux affaires, c’est qu’ils ont
eu à enrôler et à utiliser des enfants ; fait qualifié de crime de guerre
(Article 8 du Statut de Rome)…

 

Le ministre de la Communication et Médias
trouve toujours quelque chose à dire pour justifier les inadvertances, les
indélicatesses ou, mieux, les négligences/insouciances du gouvernement…
Mais, en réalité, il ne défend pas le gouvernement : il l’enfonce davantage dans
la boue, en lui donnant un visage inhumain…

 

Comme quoi, le sens de réserve est aussi un
art : l’art de se taire !

 

Clovis KADDA

Enseignant en Droits de
l’Homme

Expert en DDR (Désarmement, Démobilisation et

               Réinsertion) 

Kinshasa – RDC

Tél : (243) 099 99 31 030 – 081 685 49
67

E-mail :
pidenequateur@yahoo.fr

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