12.04.10 Colette Braeckman : Quelques questions sur le système Kabila
consolidé son pouvoir ?
En 2001, le Congo est en
guerre, divisé, occupé par des troupes étrangères. Le jeune chef dEtat ne cache
rien de sa faiblesse et sa bonne volonté séduit les Occidentaux, dont Louis
Michel. En 2002, les négociations menées à Sun City en Afrique du Sud débouchent
sur un pacte surprenant : le départ de toutes les armées étrangères et la
réunification du pays auront comme contrepartie le partage du pouvoir, selon une
formule inédite, « un plus quatre ». Kabila, qui a dit à ses négociateurs quils
« devaient penser au pays plus quà sa personne » reste président en titre, mais
il partage son pouvoir avec quatre vice-présidents. Deux dentre eux sont issus
de mouvements rebelles, Jean-Pierre Bemba supervise léconomie, Azarias Ruberwa
est en charge de la Défense et de la sécurité. Laccord prévoit aussi dintégrer
dans larmée nationale tous les groupes armés, dont les forces rebelles, qui
bénéficient dune sorte damnistie.
« Jusquà la date des
élections, en 2006, le Congo est placé sous une sorte de semi-tutelle
internationale, ce que Mobutu na jamais connu » remarque Gauthier de Villers,
ancien directeur du CEDAF(Centre détudes africaines, Bruxelles). Kabila
justifie sa prudence et sa discrétion en assurant « quil est celui qui porte
les œufs » et que son objectif est de mener le pays aux élections
démocratiques.
En 2006, la nouvelle
Constitution prévoit un pouvoir semi-présidentiel : le président doit composer
avec un Premier Ministre dont le gouvernement doit disposer dune majorité à
lAssemblée nationale. Si Kabila la emporté au deuxième tour contre son
adversaire Jean-Pierre Bemba, cest en concluant des alliances entre son bloc
(AMP, Alliance pour une majorité présidentielle) et deux autres formations,
UDEMO (Union des démocrates mobutistes de Nsanga Mobutu) et PALU (parti
lumumbiste unifié) dAntoine Gizenga. Autrement dit, le pouvoir est partagé. «
Kabila consolide alors sa position, avec lappui résigné de la communauté
internationale » poursuit Gauthier de Villers.
Ce partage du pouvoir est
théorique. En réalité, relève le politologue Jean Omasombo (Institut africain,
Bruxelles) «cest la volonté du président qui devient prépondérante… Lorsquil
sest agi de former le deuxième cabinet, toujours sous la direction du Premier
Ministre Muzito, cest le chef de lEtat lui-même qui a décidé des nominations.
» Le professeur Jean Claude Willame confirme quen fait, «lexécutif congolais
na jamais pu fonctionner comme un véritable contrepoids à la présidence de la
République ; les deux Premiers Ministres nont jamais eu de véritable carrure
politique ».
Omasombo souligne aussi que
«la présidence sest impliquée dans les nominations des gouverneurs de province
et elle intervient dans les tensions qui surgissent au niveau régional ». Au fil
du temps, la « présidence » sest confirmée comme étant le véritable centre du
pouvoir, une sorte de gouvernement parallèle, dont les membres avancent ou
reculent suivant la volonté du chef…
Autour de Kabila, qui sont
les hommes forts ?
« Lentourage est partagé
entre les Katangais et les Kivutiens, surtout les originaires du Maniéma »
relève Omasombo. Les originaires de lOuest et de lEquateur se retrouvent dans
dautres institutions, le Sénat entre autres. A la droite du président, lancien
gouverneur du Katanga, Augustin Katumba Mwanke a longtemps tiré les ficelles et
assuré les financements du système. Cest par lui que passent les circuits de
largent. Peu apprécié par les Occidentaux, parfois présenté comme le
paratonnerre de Kabila, cet homme taiseux et travailleur est branché sur la
Chine, l Afrique du Sud, les nouveaux partenaires
économiques.
A la gauche du chef, le
nouveau conseiller spécial en matière de sécurité est Pierre Lumbi, originaire
du Maniéma. Ancien ministre des Infrastructures, il a conclu les contrats
chinois (dix millions de cuivre contre neuf milliards dinvestissements
aujourdhui réduits à six) pour se donner les moyens de réaliser les cinq
chantiers. « Avant de se présenter pour un deuxième mandat, le président voulait
prouver à ses électeurs que la reconstruction du pays avait commencé. Puisque
les Occidentaux tardaient à sengager, je me suis tourné vers les Chinois »
explique Lumbi avec pragmatisme. Inspecteur général de la police, le général
John Numbi est considéré comme lun des hommes forts et cest à ce titre quà
Kigali il négocia avec le chef dEtat major James Kabarebe les premières
opérations militaires menées conjointement avec larmée rwandaise. Seul un
Katangais pouvait se permettre de prendre un tel virage à 180 degrés, qui
suscita lhostilité du Kivutien Vital Kamerhe. En raison de son opposition aux
opérations militaires, Kamerhe dut alors céder son poste de président de
lAssemblée nationale au Kasaïen Evariste Boshab, juriste et professeur
duniversité, formé en Belgique. Sous ces deux présidences, celle de Kamerhe et
celle de Boshab, l Assemblée a abattu un travail législatif considérable,
votant des lois importantes, sur la décentralisation, lindépendance de la
justice, la révision des contrats miniers, loctroi des marchés publics…Les
députés ont pris leur rôle au sérieux, mais sans oublier de voter à leur profit
des émoluments tellement substantiels quen janvier dernier, Kabila récusa le
budget présenté et demanda aux élus de donner priorité au social. Le bilan
législatif nimpressionne pas Willame, qui relève que « ces lois ont rarement
été mises en application par lexécutif… » Au grand dam des anciens partisans de
Kabila père, qui se sont sentis trahis, et des nationalistes de toutes
obédiences, de nombreux anciens mobutistes ou ex-rebelles se sont ralliés au
président : Thambwe Mwamba, Ministre des affaires étrangères était mobutiste
puis membre du RCD, Olivier Kamitatu, ministre du Plan et gérant les
financements internationaux, était le lieutenant de Jean-Pierre Bemba, Lambert
Mende, ministre de lInformation, passa par le RCD Goma. Antippas Mbusa
Nyamwisi, venu du RCD-ML, ministre des affaires régionales, représente les
puissants Nande du Nord Kivu, José Endundo, ministre de lEnvironnement, est
originaire de lEquateur et fut lui aussi à la fois mobutiste et rebelle. Parmi
ces ralliés de la 25eme heure, des hommes comme Mende ou Tambwe se montrent
quelquefois plus « kabilistes » que lintéressé
lui-même…
Discret, contrôlant de
nombreux réseaux dinfluence, lancien premier ministre de Mobutu, Kengo wa
Dondo, préside le Sénat. Daprès la Constitution, au titre de deuxième
personnage de lEtat, il succéderait automatiquement au président en cas de
disparition de ce dernier.
A ces personnalités qui
évoluent sur le devant de la scène sajoutent, dans les coulisses, les
influences familiales : la mère du président, « Maman Sifa » garde une grande
autorité. Le nom de Joe frère cadet et quasi sosie de Joseph est de plus en plus
cité dans des affaires douteuses, la sœur jumelle Jaynet préside la fondation
Mzee Laurent Kabila et est active dans des associations humanitaires. A cette
famille nucléaire sajoutent les innombrables oncles et cousins, vrais ou faux
et souvent ingérables. Opérant généralement au Katanga, ils se prévalent de leur
parenté, réelle ou supposée avec le chef de l Etat pour justifier des passe
droits et se présenter aux hommes daffaires comme des intermédiaires obligés…et
coûteux…
« Il ny a pas de
reproduction du système Mobutu, qui était comme une araignée, au centre dune
toile tissée par dautres » relève Gauthier de Villers « mais il ny a pas non
plus de vrai changement de la culture politique. On assiste à un renforcement
des centres locaux du pouvoir, une sorte de « patrimonialisme décentralisé » où
les anciens chefs de guerre se sont associés aux milieux daffaires
».
Quel est le style du
président ?
« Kabila nest pas
autoritaire comme létait Mobutu, avec qui il nétait pas question de discuter…»
assure Omasombo, « il nexerce pas dautorité directe mais agit via des
intermédiaires et au fil du temps se révèle un fin politique, maîtrisant bien
tout léchiquier ». Le président cultive la discrétion, voire le silence. «
Lorsquon lui soumet une idée, il ne dit pas non tout de suite. Sil se contente
de murmurer « je te téléphone » on sait que cest mal parti », relève un
collaborateur. Parfois, lorsquil le faut, Kabila monte en ligne : pour obtenir
des députés quils obtiennent la démission de Vital Kamerhe, qui refusait de
quitter son poste à lAssemblée nationale, le président convoque les élus de
lAMP « sur ses terres », dans sa ferme proche de Kinshasa. A la fin de la
réunion, il leur lâche brutalement « si vous ne votez pas, je dissous
lAssemblée et vous vous retrouverez au chômage ».
La lenteur est lun des
principaux défauts de la « gouvernance Kabila » : « je mets du temps à me
décider, parce que je veux être juste, tenter de juger les hommes sur leurs
actes et non sur des « on dit »» assure lintéressé. « Il nest pas sûr de lui,
nose pas trancher rapidement» explique un ministre provincial. Un militant des
droits de lhomme ajoute : « comme avec beaucoup de conseillers ou de ministres,
il a partagé des affaires, il lui est difficile de se débarrasser deux…
»
Aime-t-il largent ? A-t-il
besoin de moyens financiers pour sa jouissance personnelle, ou pour asseoir son
pouvoir ? Ses adversaires et même des amis politiques en sont persuadés : Kabila
aime les affaires, il a besoin dargent. « Mais il ne touche pas au secteur
minier, dit un proche, il préfère la terre, l immobilier. » De fait, le
ministre Vanackere a été accueilli, au sud de Lubumbashi, dans la « ferme de
lEspoir » une propriété de 300 hectares. « Lautre ferme, celle de NSele, près
de Kinshasa, est plus belle encore » nous confie un confrère de la presse
présidentielle. A Kisangani, Goma, Bukavu, Kalemié, la rumeur assure que « la
présidence », cest à dire Katumba Mwanke ou « Maman Olive » lépouse du
président, ont acheté un terrain ici, fait construire une villa là bas…Mais
comment passer de la rumeur à la certitude ?
Ce qui est certain cest que
Kabila, qui ne prend guère de vacances et a peu de loisirs, à part un jogging
matinal le long du fleuve ou quelques randonnées en voiture ou en moto, utilise
largent pour consolider son pouvoir ou régler des problèmes particuliers. « Il
ma fait confiance et a financé lui-même lopération « des armes contre des
tôles » ou « des armes contre des vélos » assure le pasteur Mulunda Ngoy, qui a
mené avec succès des opérations de collecte darmes à Lubumbashi, Kinshasa et au
Kivu, mal vues par la Monuc qui se faisait « dribbler ». A tout moment, à
linstar de Mobutu ou dautres chefs dEtat africains, « la présidence » est
sollicitée pour régler des problèmes de transport, de frais médicaux. Comme ces
montants ne sont pas budgétisés, des mésaventures sont possibles : un conseiller
sest fait éconduire parce que, chargé de transmettre une enveloppe à la fille
dun ancien homme politique, il y avait prélevé quelques milliers de dollars.
Lorsque la bénéficiaire envoya un SMS au président pour le remercier de la somme
reçue, ce dernier vit que le montant initial avait été amputé durant le
transport…
Si la croissance économique
se confirme (2,9%) elle demeure plombée par la faiblesse du secteur formel : «
16 milliards de dollars circulent en dehors du circuit bancaire » relevait
récemment un rapport du Sénat. Autrement dit, largent circule de la main à la
main, ou est transféré via Western Union, qui a ouvert des agences dans toutes
les villes. Mais surtout, le relèvement de léconomie est hypothéqué par la
corruption générale du système. « Même pour obtenir une audience avec le chef de
lEtat, il faut payer les intermédiaires» constate un homme daffaires, qui se
demande si lintéressé est au courant de ces
pratiques…
« Il devrait frapper son
entourage ; si lexemple ne vient pas den haut, on navancera pas » assure un
observateur kinois. Dans la capitale dailleurs, les « tracasseries » se
multiplient, où policiers et militaires tentent dextorquer « un café » dans le
meilleur des cas, ou une amende, plus ou moins salée selon la tête (blanche ou
noire..) du client, avec à leur décharge le fait que bien souvent ils nont pas
été payés.
Au milieu de ces «écuries
dAugias », de ce pays miné par la corruption à tous les niveaux, Kabila tente
parfois de faire le ménage. Il proclame « tolérance zéro » face aux méfaits des
militaires, vient de remplacer 300 magistrats et den promouvoir 2000 autres,
dont 1000 seront immédiatement opérationnels. Mais sabstient-il lui –même de
demander au gouverneur de la banque centrale, linamovible Jean-Claude Masangu,
de consentir à des décaissements non programmés ? Tout Kinshasa se répète une
anecdote qui en dit long, où deux escrocs, imitant la voix et laccent du
président, ordonnent au gouverneur de leur livrer une somme importante. Méfiant,
Masangu finit par leur tendre un piège et les
démasquer…
Le commandant en chef de
larmée est il responsable des exactions commises par ses troupes
?
Issue des accords de Sun
City, larmée affichait, en 2003, quelque 340.000 hommes : des vétérans de
larmée de Mobutu, parmi lesquels des officiers bien formés et de vieux soldats
méritant la retraite, des rebelles venus du Kivu, de lEquateur, de la Province
Orientale des Mai Mai du Kivu, des enfants soldats. Et aussi quelque 100.000
soldats fantômes, dont les commandants déclaraient lexistence et percevaient la
solde, mais nexistaient que sur papier…
Des commandants de forces
rebelles se sont retrouvés à de hautes fonctions, comme le général Amisi, un
ancien compagnon de Nkunda, aujourdhui commandant de larmée de terre et… très
fortuné président du club de football Vita Club. Lan dernier encore, le général
Bosco Ntaganda, le bras droit de Laurent Nkunda, a été placé à la tête des
opérations militaires au Kivu après avoir désavoué le chef rebelle. Refusant
dexécuter le mandat darrêt de la Cour pénale internationale, Kabila déclarait
: « pour le moment, je préfère la paix à la justice ». Un an plus tard, Bosco
Ntaganda a perdu beaucoup de son autorité et une arrestation éventuelle ne
représenterait plus un casus belli.
La réforme du secteur de
sécurité prévoyait le dénombrement des effectifs réels, la démobilisation, le
brassage des militaires de diverses provenances, la création de forces de
réaction rapides et, parallèlement, le cantonnement des unités brassées dans des
casernes. La Belgique, lAfrique du Sud, lAngola et aujourdhui les Américains,
à Kisangani sengagèrent dans la formation des nouvelles unités intégrées, mais
lefficacité des troupes a toujours été proportionnelle au versement des soldes,
insuffisant et souvent irrégulier. Les 18.000 hommes de la garde républicaine,
autrefois appelée garde présidentielle, plus efficaces et mieux formés, sont
quelquefois considérés comme la milice privée du
président.
Les opérations militaires
menées au Nord et au Sud Kivu, qui forcèrent de nombreux Hutus à regagner le
Rwanda (plus de 2000 en un an) furent unanimement critiquées par la « communauté
humanitaire ». « La guerre est loin dêtre terminée » assure Oxfam, qui dénonce,
comme Amnesty et Human Rights Watch, les agressions, viols et extorsions commis
par les nouvelles unités intégrées où se retrouvent danciens Mai Mai et des
hommes de Nkunda, tandis que les rebelles hutus rwandais des FDLR se livrent
également à des représailles.
Kabila est-il violent ou non
violent ?
« Pour tenter de régler le
problème posé par les FDLR, il a dabord essayé la négociation, et a demandé
laide de la communauté romaine de SantEgidio » relève le Jésuite Rigoberto
Minani, lun des négociateurs. « Ce nest quen dernier lieu quil recourt à la
force ».
Au lendemain des élections
de 2006, le jeune homme conciliant laisse cependant tomber le masque. Lors de sa
prestation de serment, il annonce « la fin de la récréation ». Trois mois plus
tard, les milices que son rival Bemba refusait de désarmer à Kinshasa sont
dispersées au terme de trois jours daffrontements qui feront des centaines de
morts parmi lesquels de nombreux civils. La garde présidentielle, au cœur de la
Gombe, le quartier résidentiel, tire à larme lourde, même des ambassades sont
touchées. Bemba senfuit, Kin la frondeuse est traumatisée par les cadavres
jetés sur le Boulevard et que nul ne ramasse: « Il est bon que les Kinois à leur
tour découvrent le visage de la guerre » déclare un conseiller de Kabila. «
Usage excessif de la force » dénoncent les défenseurs des droits de lhomme et
les Nations unies, dont les Casques bleus ne sont pas
intervenus.
Lorsque la secte Bundu Dia
Kongo, dans le Bas Congo, sattaque à de symboles de lautorité de lEtat (des
policiers sont brûlés vifs, des municipalités détruites), ce début
dinsurrection est suivi de près par le Congo Brazzaville et lAngola, qui
redoutent le réveil de lirrédentisme kongo. Raus Chalwe, commandant de la
police et vieux compagnon de route du père Kabila, assure qu« il sagissait de
mater une insurrection » et fait donner la troupe. Les morts se compteront par
centaines.
Contre ceux quil considère
comme des ennemis personnels, le « chef » a la dent
dure.
Reconnus coupables de
lassassinat du père du président, Laurent Désiré Kabila, et condamnés à mort
par la Cour Militaire, 52 détenus, dont lancien conseiller spécial Nono Lutula,
sont toujours détenus à Makala dans des conditions très difficiles et espèrent
une amnistie à loccasion du 30 juin. Firmin Yangambi, un avocat de Kisangani,
militant des droits de lhomme, qui avait voulu se présenter aux élections
présidentielles, a été accusé de vouloir préparer un coup dEtat et est lui
aussi condamné à mort. Depuis sa prison, il clame son innocence et nous écrit :
« la vraie raison de ma condamnation, cest que jai défié le président, il ma
considéré comme un rival…». Sait-il que, durant plus dun an, cest Kabila
lui-même qui la piégé, le faisant suivre par son aide de camp personnel jusquà
ce que lavocat soit découvert en possession darmes et de Motorola
?
Qui est de taille à
sopposer à Kabila ?
Le départ de Jean-Pierre
Bemba pour la Haye, où il est entre les mains de la Cour pénale internationale,
a décapité lopposition officielle. Lancien « chairman » demeurant en contact
avec ses partisans, le MLC na pas encore présenté de relève et son secrétaire
général François Mwamba est jugé peu offensif pour le pouvoir. LUDPS, le parti
de Tshisekedi compte revenir dans le jeu politique, mais son leader étant très
malade, elle na pas encore présenté de relève. Depuis les Etats Unis, le
docteur Kashala assure quil se présentera comme candidat à la présidence, mais
aura-t-il les moyens daffronter les réseaux du président ? En 2006, il navait
même pas été autorisé à mener campagne en province…
Au sein du camp
présidentiel, un « challenger » potentiel comme Moïse Katumbi, le très populiste
gouverneur du Katanga, assure que, sil na pas quitté la politique dici là, il
se réserve pour « le tour suivant »et fera tout pour quen 2011 Kabila obtienne
un second mandat. Quant à Vital Kamerhe, ancien brillant président de
lAssemblée nationale, qui mena campagne pour Kabila en 2006, il est à présent
sur la touche. Sil na pas les moyens de concourir en 2011, il se réservera lui
aussi pour le tour suivant.
Les élections, prévues pour
2011, auront elles lieu ? « Rien ne se prépare » redoute Jean Omasombo, « on se
demande même comment seront organisées les élections locales » Pierre Lumbi,
conseiller spécial du président, ne partage pas ces inquiétudes : « les
élections auront lieu à la date prévue, on ne change pas les règles du jeu
pendant le match, il faut que la démocratie prenne racine ? » Le politologue Bob
Kabamba (ULg)confirme : «le Congo va trouver de nouvelles sources de
financement, comme les redevances téléphoniques, les élections auront bien lieu
comme prévu… »
Le directeur du Potentiel,
Freddy Mulumba lassure : « les titres se multiplient, la presse est vraiment
libre décrire ce quelle veut… »…Les associations professionnelles de
journalistes, comme Journalistes en danger relèvent cependant que plusieurs
journalistes, dont deux journalistes de Radio Okapi à Bukavu, ont été assassinés
par des « hommes en armes », quà Beni un cameraman vient dêtre abattu à bout
portant, que dautres confrères sont intimidés par des SMS, des appels
téléphoniques, que le signal de RFI a été coupé par le ministre de lInformation
Lambert Mende…La plupart des observateurs et des militants des droits de lhomme
estiment que le pouvoir se resserre et se durcit ; « On se demande si Lambert
Mende, ministre de lInformation et porte parole du gouvernement, nest pas
chargé de traduire tout haut ce que penserait Kabila » se demande Jean Omasombo.
Mende ne se prive pas : il fustige Human Rights Watch qui critique le
comportement de larmée, sen prend aux organisations de la société civile
congolaise qui regrettent déjà le départ programmé de la
Monuc.
En janvier, Kabila lavait
promis : en plus de voir se développer les grands chantiers de la
reconstruction, 2010 sera lannée du social. Il y a urgence en effet : 80% de la
population vit avec moins de un dollar par jour, le budget de léducation ne
dépasse pas 7,5% des dépenses de lEtat, le pays ne compte que 11 médecins pour
100.000 habitants. Dans les hôpitaux, les familles des malades paient le
personnel et les médicaments. Les mauvais payeurs, des malades guéris, des
accouchées qui nont pu payer la sage femme, sont retenus en otages, quelquefois
durant des semaines, jusquà ce que la famille réunisse la somme nécessaire.
Dans ce secteur aussi, Kabila compte sur laide chinoise : lun des plus grands
hôpitaux dAfrique va être construit à Kinshasa, 145 centres de santé devraient
voir le jour.
Si le social reste à la
traîne, les nouvelles routes contribuent déjà au relèvement du commerce :
désormais reliée à lOuganda, Kisangani renaît, une autoroute mène de Lubumbashi
à la frontière zambienne, cinq heures suffisent, depuis Kinshasa pour gagner le
Bandundu. Partout ces nouveaux axes de communication suscitent des vocations
commerciales et à Bukavu, un homme nous assure : « je voterai Kabila, car il est
le seul à avoir construit quelque chose, il faut le laisser
continuer…»
A loccasion du 50ème
anniversaire, le président refuse les grandes fêtes et recommande
lintrospection : «il veut que nous fassions un bilan, doù nous venons, ce que
nous avons fait »explique le cinéaste Balufu Kanyinda, qui ajoute : « cest une
chance pour nous que Joseph Kabila, qui a connu lexil en Tanzanie, na jamais
été un « Zaïrois », contaminé par le mobutisme. »
Puisse-t-il ne pas être
abusé par les courtisans qui le traitent déjà de « raïs » et ne jamais être le
président-fondateur du « kabilisme »…