Le problème de leadership au Congo de l’indépendance à nos jours (JP Mbelu)

New Roman">Avant de traiter de la question du
leadership congolais (après les indépendances), je tiens à rappeler que
la réussite de la mission coloniale dans notre pays était en partie liée
à l’alliance ayant existé entre les trois M (le marchand, le militaire
et le missionnaire). Cette réussite a été le fruit d’un leadership
collectif, c’est-à-dire de la mise en pratique d’une vision de la
colonie par une élite coloniale plurielle opérant en réseau. Nos luttes
pour l’indépendance n’ont pas tellement intégré cet élément de travail
en réseau.

 

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New Roman">Néanmoins, elles étaient fondées sur la mobilisation
des masses populaires et sur une utopie : un Congo libre et prospère où
les valeurs de liberté et d’égalité seraient les choses les mieux
partagées. Cette vision portée par Lumumba et ses amis a permis à notre
pays d’avoir un premier parlement où les forces acquises à ces valeurs
étaient majoritaires. Les leaders des partis politiques ayant participé à
ce parlement et au premier gouvernement étaient issus, pour plusieurs
d’entre eux, des partis politiques à connotation tribale. (Tribal est à
comprendre ici dans le sens de l’appartenance à un groupe originaire
bien défini dont on partage et défend les aspirations et les valeurs).

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New Roman">L’élimination physique de Lumumba venait perturber
sérieusement la lutte pour les valeurs de liberté et d’égalité (ou
l’envoyer dans la clandestinité. La figure de Mulele mérite d’être
mentionnée ici). Elle venait rompre, en partie, les ressorts d’une lutte
idéaliste et ardente pour un Congo plus beau qu’avant au profit du marionnettisme.
Mobutu devient un maillon important de la chaîne dans « la guerre
contre le communisme ». Et pendant plus de trois décennies, il va
endormir nos populations avec des slogans creux, tout en travaillant
prioritairement, pour les intérêts économiques de la troïka (USA,
Belgique et
France).

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New Roman">Ouvrons une parenthèse pour souligner deux points
importants. La guerre froide fut l’une de ces innombrables guerres que
se mènent les grands du monde pour avoir accès aux matières premières
stratégiques. Ils se la font par eux-mêmes ou par leurs valets
interposés. Souvent, ils cachent leur goût insatiable du profit derrière
un idéal « noble » : lutte contre le communisme ou contre le terrorisme
ou pour la démocratie. C’est le premier point.

New Roman">Lors de son règne, Mobutu a réussi « un exploit
extraordinaire » : en recourant à la démagogie et à la répression, il a
pu, tant bien que mal, faire de tous les Congolais et de toutes les
Congolaises, les membres du MPR. Supposons un seul instant que le slogan
« MPR égale servir, se servir non » ait gagné nos cœurs
et nos esprits comme un mantra sur lequel notre pays
devait être bâti, que n’aurions-nous pas fait depuis plus de trente
ans ? Mais cela n’a pas pu marcher dans un système d’animalisation de
nos populations et de concentration excessive de tous les pouvoirs entre
les mains d’un seul homme et de ses courtisans, à leur profit propre et
à celui de leurs parrains. C’est le deuxième point. Fermons la
parenthèse.

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New Roman">Au cours du règne de Mobutu, la lutte pour le
triomphe de la liberté et de l’égalité est rentrée dans la
clandestinité. Un Malula la mènera quand même au grand jour. Les
mouvements estudiantins, sporadiquement. Vers les années 80, la lettre
des 13 parlementaires ouvrent des brèches dans le système mobutiste. Le
point culminant de toute cette période trouble sera l’organisation de la
conférence nationale souveraine. D’où a-t-elle tiré son dynamisme pour
fonctionner tant bien que mal pendant tout un temps ? Du leadership de
l’Union Sacrée de l’Opposition. C’est-à-dire d’un ensemble constitué des
membres de la société civile et des partis politiques croyant fortement
dans la démocratie comme étant une issue possible à la situation
de misère anthropologique de nos populations. (Mais avant la conférence
nationale souveraine, Mobutu avait posé un geste sur lequel nous ne
réfléchissons pas assez : il avait organisé une consultation populaire.
Plusieurs mémorandums issus de cette consultation rejetaient son pouvoir
dictatorial et appelaient de tous leurs vœux l’avènement de la
démocratie.)

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New Roman">L’incarnation des aspirations de nos populations par
les partis politiques membres de l’Union Sacrée de l’Opposition et plus
particulièrement par l’UDPS d’Etienne Tshisekedi sera un pilier sur
lequel s’appuieront les luttes de libération des années 80 et 90. Le
rôle tant de certaines associations à connotation ecclésiale comme le
groupe Amos de l’Abbé José Mpundu et Thierry Landu que celui des ONGs
des droits de l’homme (ASADHO par exemple) mérite aussi
d’être mentionné.

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Les maîtres du monde vont asséner un
grand coup à ces luttes internes en créant d’autres pions dans la
sous-région des Grands Lacs vers les années 90. C’est la poursuite de la
politique du marionnettisme dans cette sous-région. Kagame et
Museveni remplacent Mobutu et la guerre pour avoir accès aux matières
premières stratégiques se poursuit. Nous en sommes là : depuis « la
guerre de libération de l’AFDL de 1996 », le navire Congo géré
majoritairement par les hommes et les femmes liges de Kagame et Museveni
est sans boussole. Le Congo navigue à vue et/ou est pris en otage par
des réseaux maffieux ayant réussi à instrumentaliser les
institutions démocratiques au profit du triomphe de la cupidité. (Ils
cherchent les marchés
et/ou ouvrent notre pays aux prédateurs de tout bord.) Le Congo n’a pas
de leadership digne de ce nom. Celui-ci se recherche et/ou est à
inventer ; et moi je le veux courageux, persévérant et collectif,
c’est-à-dire agissant (sur le temps) en réseau, porté par « les
minorités organisées » ou « les petits restes » et incarnant les
aspirations de nos populations ou les transformant en une vision pour un
Congo libre et prospère. Je le veux aussi fondé sur le panafricanisme
et sur les axes géostratégiques qui comptent. (Le BRIC, l’ALBA et
l’organisation des pays du Shanghai, par exemple).

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New Roman">J.-P. Mbelu

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