04.05.10 Le Potentiel: Cinq questions à Roger Kilefu (*), par St. Augustin Kinienzi

1. Le cambisme de rue, est-il un
phénomène qui existe de par le monde ou une création de la crise
congolaise ?

Le cambisme de rue est un phénomène vieux comme le monde, un métier
qui est exercé depuis la nuit des temps. Car Jésus nous a laissés devant
le temple, rappelez-vous la scène du temple au cours de laquelle Il se
saisit du fouet et chasse des vendeurs de la Maison de son Père. C’est
vous dire que le cambisme n’est pas une création de la crise multiforme
qui secoue la République démocratique du Congo. Seulement voilà, nous
avons pris la résolution de régulariser la situation en opérant dans des
bureaux de change au lieu de rester dans la rue comme le font la
plupart de nos collègues. Nous prenons notre métier au sérieux et nous
voulons bien qu’il soit organisé.

2. Que faire justement pour insérer ce phénomène dans le
secteur formel ?

Comme il est impossible pour le gouvernement de mettre fin au
phénomène cambisme de rue, il est plutôt possible de réorganiser le
secteur en y extirpant l’ivraie qui s’y est installée. Pour cela, l’Etat
doit créer des emplois de façon à occuper tous ces jeunes gens qui sont
venus au cambisme parce qu’ils n’ont pas trouvé mieux ailleurs. Ils
exercent la profession sans vocation, mais attirés par le goût du lucre,
l’argent facile que génère le secteur. Ce qui fait que beaucoup de faux
monnayeurs ont pignon sur rue et le cambisme est devenu, dans
l’imaginaire populaire congolais, un secteur où se déploie la pègre et
se jouent tous les coups tordus qu’on puisse imaginer. Non, n’exercer
pas dans ce secteur qui veut ; c’est un métier qui a ses exigences :
rigueur, honnêteté, intégrité. Sans cela, on fait comme tout le monde.
Avec cette image très négative répandue dans l’opinion. L’Etat doit donc
réorganiser le secteur en s’intéressant aux marchés qui existent déjà,
notamment le Château à Gombe, Kanda-Kanda à Kasa-Vubu, le Couloir au
marché Central… Ne perdons pas de vue que des familles entières vivent
des revenus de cette activité. Quitte à l’Etat de créer des marchés et
d’encadrer la jeunesse.

3. Pourquoi avoir choisi d’évoluer dans un secteur aussi
risqué que le cambisme ?

Je suis venu au cambisme par vocation. Mes qualités innées,
modelées par la formation à l’école, m’ont orientées vers le cambisme.
Et puis, je dois vous avouer que le risque existe partout, pas seulement
dans le secteur du cambisme. Bon, s’il y a un peu de tracasseries ici
et là, nous demandons au gouvernement d’instaurer la sécurité nécessaire
à toute opération financière. Rappelez ce dicton qui dit : « l’argent
n’aime pas le bruit ».

4. Existe-t-il des dispositions légales qui protègent votre
profession ?

Je dirai tout que ces dispositions existent, car l’ouverture d’un
bureau de change requiert qu’on passe par des services publics habilités
en la matière. Et ce sont ces services qui délivrent les autorisations
nécessaires. Comme ces services existent et les textes qui régissent
leur fonctionnement existent aussi. La preuve est qu’il faut au
préalable des autorisations pour exercer dans le secteur du cambisme. En
RDC, on peut être surpris en chemin brassant d’importantes sommes
d’argent, on n’est pas inquiété quand on a ses autorisations. Seul le
cambiste peut opérer dans ces conditions-là.

5. Quels sont vos projets dans ce secteur ?

Etant donné les difficultés inhérentes au fonctionnement du secteur
informel, il n’est pas prudent d’étaler sur la place publique mes
projets. J’ai néanmoins ambitionné, dès mon arrivée dans le secteur, à
m’installer dans un bureau de change. Je viens de réaliser le rêve. A
présent, je pense consacrer mes efforts sur comment perfectionner les
activités de ce bureau et répondre à la demande de la clientèle. Et si
le climat des affaires s’assainit davantage en RDC, je pourrais
diversifier mes activités dans le secteur. Mais pour que tout cela soit
possible, nous attendons donc le soutien du gouvernement pour le plein
épanouissement du secteur du cambisme.

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