29.05.10 Le Potentiel: Cinq questions à Jean Taty Nsungani (*)

1. Que pensez-vous du retrait de la
motion de censure initiée par le député Jean-Lucien Bussa, lors de la
plénière du 19 mai 2010 ?

Si on ne se faisait aucune illusion sur la capacité de la machine
AMP-PALU-UDEMO à bloquer toute motion, fut-elle de censure, la réalité
est allée au-delà de nos attentes.

Le PALU, profitant de quelques irrégularités sur la motion,
s’est livré à une pratique qui va à l’encontre de la démocratie. Ses
militants ont terni l’image de notre démocratie et désacralisé un lieu
hautement symbolique qu’est le Palais du peuple, allant jusqu’à
bousculer le président de la Chambre basse. La fin de ce parti sera bien
triste.

2. Comment avez-vous apprécié les déclarations des élus de la
Tshopo et de l’Ituri à propos du découpage territorial en RDC?

La stabilité des institutions actuelles ainsi que l’arsenal
juridique, notamment la Constitution, qui sous-tend ces institutions
sont le fruit d’immenses concessions qui partent des Accords de Lusaka,
en passant par le Dialogue inter-congolais ainsi que le référendum des
18 et 19 décembre 2005. Et finalement, la promulgation le 18 février
2006 de la constitution de la République. Remettre en question ces
principes, c’est fragiliser l’équilibre de notre nation qui est encore
jeune, d’autant qu’au terme de l’article 74, le chef de l’Etat a juré
devant Dieu et la nation de veiller à l’application sans failles de la
Constitution spécialement l’article 2. Si ces élus ne demandent au
gouvernement que le respect de cette disposition et pourquoi celui-ci
s’y oppose ? Quelle aberration ? Surtout que ce gouvernement a pris 4
ans pour le faire. Je ne peux que m’incliner face à cette disposition
constitutionnelle car « la force doit revenir à la loi ». Je juge donc
fondée, la position de ces élus.

3. La révolution de l’AFDL vient de totaliser 13 ans. Quels
commentaires faites-vous ?

Une fois de plus, c’est un rendez-vous de notre pays avec l’histoire.
Fatigués de 32 ans de dictature, les Zaïrois d’alors avaient espéré
quelque chose de nouveau.

Mais 13 ans après, on observe encore de survivances du régime
cher à Mobutu caractérisées par un enrichissement hors normes, un
appauvrissement des populations, un clientélisme en progrès, une armée
non professionnelle, des services de sécurité répressifs, une oligarchie
qui s’est accaparée de tous les rouages de l’Etat, une classe politique
corrompue, une mégestion vivace, une déliquescence du tissu
socio-économique, une présence tenace des anti-valeurs, une instauration
du rôle dirigeant à un parti politique et la présence des intouchables,
etc.

On finit par se croire en plein mobutisme et l’on se demande
pourquoi avoir chassé Mobutu s’il eût fallu le remplacer par un système
qui, en tout point de vue, ressemble au sien. La seule différence en est
le nom.

4. Quel bilan faites-vous des cinquante dernières années de
l’indépendance de la RDC ?

L’indépendance octroyée malgré elle par la Belgique à sa colonie
« sans atermoiements inconsidérés ni précipitation funeste », aux dires
mêmes du souverain belge, Baudouin Ier, a suscité dans le cœur des
populations congolaises des attentes légitimes. Mais hélas ! Que
d’espoirs déçus. A l’aube même de cette indépendance, une mutinerie
avait éclaté, suivie d’une crise institutionnelle entre le président
Kasa-Vubu et son Premier ministre, Patrice Emery Lumumba qui le paiera
de sa vie. Il en a résulté une instabilité politique marquée par des
sécessions, des guerres, des meurtres, des attentats, bref la
balkanisation du pays avec comme point culminant le coup d’Etat du 24
novembre 1965 qui a inauguré une ère de dictature qui s’est perpétuée le
17 mai 1997 puis le 26 janvier 2001. Sur le plan économique, le
Congo-Belge, pays à revenu intermédiaire rivalisant avec l’Afrique du
Sud, le Canada et la Corée du Sud au moment de son indépendance, est
aujourd’hui l’un des pays les plus pauvres au monde dont la majorité de
ses habitants vivent avec un revenu de moins d’un dollar américain par
jour.

Sur le plan culturel, les intellectuels, hier fiertés de la
nation, sont vendus actuellement au meilleur offrant ; l’université
congolaise, jadis centre de rayonnement de l’Afrique, produit
aujourd’hui des analphabètes. Le tissu social s’est effrité et les
infrastructures héritées de la colonisation en terme d’écoles, routes…
se sont complètement délabrées.

5. Les élections de 2011 profilent à l’horizon, comment votre
parti, le Mouvement pour le Renouveau (MR) entend y participer ?

Le MR entend participer à ces scrutins pour conquérir et exercer le
pouvoir enfin de mettre fin à des années de mégestion et doter
réellement le pays d’un pouvoir sérieux et crédible. Quant aux
stratégies, elles sont internes au parti mais nos sympathisants sont au
parfum de leur exécution.

Propos recueillis par A.N.

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