À bas le masque: L’impunité tue la reconstruction de la RDC (Correspondance particulière de Sosola Shindikana)

Un samedi matin de mars 2010, je prends place à bord de
Nile
Coach, un autobus exploité par les Ougandais, en destination de Bunia
dans
l’Ituri. La fille de l’ancien directeur de l’Office des routes en moi
revit
soudainement les souvenirs familiaux de visite des chantiers à côté de
son
père.

Un voyage rempli de magie et d'émotions qu'interrompt
abruptement
la première tracasserie administrative, générosité de la Direction des
recettes
de la province Orientale (DRPO) postée au point kilométrique 23.

Les

agents du gouverneur Autsai exigent le paiement de 2 $ US de taxe de
tourisme
par passager. Pourquoi pas profiter de cet arrêt pour se vider la
vessie? Je
réalise alors que je me crois dans une halte routière sur la route
Montréal-Québec. Je n'aurai donc rien en échange de 2 $ demandés parce
qu'il n'y
a même pas de latrines pour se soulager. Rien, hormis la belle forêt
luxuriante
du grand Bassin du Congo qui se montre fort hospitalière aux besoins des

voyageurs.

Avez-vous déjà été à Kisangani? Si vous n’y avez
jamais mis
les pieds, sachez que la chaleur et l’humidité qui y règnent ont déjà
fait
rebrousser le chemin à certains missionnaires occidentaux. Il y fait
chaud à
tuer le cochon.

Les vieux autobus de Nile Coach, interdits de
circulation
en Ouganda mais prisés des Congolais, sont dépourvus du système de
conditionnement d’air. Bienvenue dans l'enfer sous les tropiques.

Les

minutes s'écoulent lentement comme ces gouttes qui coulent sur les joues
des
passagers. Chacun mijote littéralement dans sa sueur pendant que les
Ougandais –
rejoints par deux colosses congolais tannés d’attendre – se chamaillent
avec des
agents de la DRPO très confiants d'encaisser quelques dollars.

Nous

reprenons la route trente minutes plus tard sans avoir déboursé un seul
franc de
cette insensée taxe de tourisme. Mais le bonheur des passagers aérés par
le vent
chargé de poussière rouge est estompé quelques kilomètres plus loin par
l’état
cahoteux de la chaussée que grugent progressivement les bambous en
santé. Mais
pourquoi n’a-t-on pas pensé à confier le service après vente à
l’entreprise
libanaise?

Entre deux haut-le-cœur, les voyageurs maudissent le
gouverneur Autsai Asenga et son équipe, experts en perception des taxes
multiples dont on ignore la destination. Ils veulent savoir ce qu’a fait
la DRPO
des recettes de péage routier perçues durant six mois avant que la
Banque
mondiale revienne financer le projet de désherbage de la route par le
biais de
l’Unité de coordination de projet (UCOP).

Désenclavés grâce à la
réhabilitation de la RN 4 en 2008, les Boyomais n’en reviennent toujours
pas de
l’impunité dont jouit le gouverneur Autsai Asenga, membre du fan club de
PPRD
dont la mutation en parti-État se confirme davantage.

À
Kisangani, les
gens attendent impatiemment les hypothétiques élections de 2011 pour
exprimer
leur ras-le-bol au président Kabila qu'ils considèrent "complice" des
agissements d’un gouverneur honni. Ils se contentent pour l'instant de
le
mépriser pour apaiser leurs souffrances.

S’ils sont prêts à
suivre à
nouveau Bébé Rico mokonzi ya ba bébé (Bébé Rico, le
roi des
bébés en Lingala)? Tout porte à croire que la population de l’ancien
Haut-Zaïre
n’entend pas se laisser baiser par un président qui, selon elle, n’a
vraiment
pas gouverné le pays…


Correspondance
particulière
de  Sosola Shindikana

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