Esquisse pour une histoire de la BD en République Démocratique du Congo Christophe Cassiau-Haurie
L'époque
coloniale
Avant l'indépendance, plusieurs journaux éditaient des petits strips de
qualité médiocre mettant en scène des Africains. Dans les années 20, ce
furent tout d'abord L'avenir en 1920 puis L'Essor
du Congo, créé en 1928, qui proposait une série à
caractère historique. En 1931, L'Écho du Katanga publiait une
BD, diffusée par le Service de l'Information du Gouvernement Général. La
même année, le très urbain Cosmo-Kin les imitait avec des
dessins d'un dénommé Narib, et Ngonga, signé par un certain
SAV. Le journal des indigènes du Congo belge, un média bilingue
édité à Elisabethville (Lubumbashi), y introduisait de l'humour
érotique teinté d'un colonialisme bon teint. Les auteurs de ces dessins
étaient probablement Européens, même si on ne peut avoir de preuves
concluantes.
En 1931, Le petit vingtième, en Belgique, publie une adaptation
en lingala de la série d'Hergé, Quick et Flukpe, faite par un
jeune congolais, dont l'histoire ne retiendra pas le nom. Deux ans
après, paraissait dans La croix du Congo, la première série
dont on peut penser qu'elle est l'œuvre d'un Congolais. Il s'agit d'un
certain Paul Lomani (1) qui publie Le match de Jako et Mako sur
des textes du Belge Louchet. L'Écho de Stan (Kisangani), qui
fut fondé en 1939, contenait également des "comics". En 1948, Nos
images, un bulletin bilingue, faisait paraître la première série
dessinée de l'histoire du pays, il s'agissait des Aventures de
Mbumbulu dessiné par un dénommé Masta (très probablement un Belge).
En 1956, cette série était éditée en album sous le titre Les 100
aventures de la famille Mbumbulu.
Dans les années 50, pour contrer la violence de certaines bandes de
jeunes, le père Joseph de Laert, un missionnaire belge, a l'idée de
créer une bande dessinée afin qu'ils prennent conscience des problèmes
qu'ils rencontreront plus tard. Il lance Allo Mangembo, réalisé
en hindoubill, langage mêlé d'expressions
" lingala-français-anglais-western ".
La première BD faite entièrement par des Africains fut publiée dans la
revue Antilope en 1958. Mukwapamba était scénarisée
par Albert Mongita (2) et dessinée par Lotuli. Cette série fait de la
RDC, le précurseur du 9ème art en Afrique noire francophone, Mukwapamba
précèdant de deux ans, Le curé de Pyssaro, œuvre de la
Togolaise Pyabélo Chaold, de trois ans la parution à Madagascar de Ny
Ombalahibemaso de Ramamonjiso et Rahajariza et à Bangui des
aventures de Tamako.
L'épopée de Jeunes pour jeunes
L'année
1965 voit la naissance d'une revue, aujourd'hui mythique et
introuvable, qui allait marquer toute une génération de lecteurs et
faire naître des vocations. Gento oye, créé par Achille Ngoie
(futur romancier de la " Série noire " chez Gallimard) et le footballeur
– crooner Freddy Mulongo, devenait la première revue de BD d'Afrique,
bien avant l'autre revue mythique continentale qu'a été M'Quidèch,
Le journal illustré algérien né en février 1969. Gento oye
deviendra plus tard Jeunes pour jeunes (1968) puis Kake
en 1971, au moment du mouvement de " l'authenticité ". Il disparaîtra à
la fin des années 70 du fait de la crise économique et de la censure
implacable des services du feu Maréchal Mobutu. Ce journal fera
connaître les premiers grands noms de la BD congolaise : Denis Boyau
Loyongo, Lepa Mabila Saye, Bernard Mayo, Djemba Djeïs et Sima Lukombo.
Plusieurs héros deviendront célèbres, en particulier Apolosa,
dans une série policière truffée d'hindubill (3), mais aussi Sinatra,
Durango. Bien d'autres auteurs rejoindront le journal, en
particulier Ekunde. Les revues qui lui succéderont n'auront jamais son
aura et disparaîtront au bout de quelques numéros. Dans les années 80, à
Kinshasa, ce sera le cas avec Yaya, supplément mensuel BD de Disco
Magazine, Rasta magazine, Le numéro un (tous
créés ou coordonnés par Asimba Bathy), Kin-Flash ou à
Lubumbashi, le magazine Alama qui ne durera qu'un numéro. Plus
tard, dans les années 90, Africanissimo, Lisese (dont
l'unique dessinateur était Pat Mombili) ou Bilenge ne
parviendront pas plus à s'imposer.
Les premières figures émergentes
Deux
personnalités du milieu local tenteront également de lancer une revue.
Il s'agit de Mongo Sise qui crée Bédé Afrique en 1986 et Barly
Baruti, en 1990, qui lance AfroBD, sans plus guère de
résultats. Mongo Sise reste cependant le dessinateur le plus marquant
des années 70-80. Premier congolais à avoir été publié en Europe (dans Spirou,
en 1980 puis 1982), il avait commencé sa carrière en sortant ses
premières histoires originales en feuilleton de deux planches
hebdomadaires entre 1972 et 1975, sous la rubrique Notre feuilleton
de Zaïre Hebdo. Elles racontaient les aventures de deux jeunes
congolais, Mata Mata et Pili Pili au Zaïre et en Europe. En 1978, Il
édite le premier album de BD non-confessionnel de l'histoire de la BD
congolaise : Les Aventures de Mata Mata et Pili Pili : Le
Portefeuille. Par la suite, il éditera quatre BD didactiques avec
le soutien de la coopération belge au développement (AGCD) mettant en
scène un jeune héros, pendant africain de Tintin : Bingo. Par
la suite, il rentrera à la Banque nationale du Congo où il produira
quelques planches dans Mosolo, la revue de cet organisme, tout
en dirigeant l'agence de Boma (Bas-Congo).
Barly Baruti lui emboîtera le pas au début des années 80 avec plusieurs
titres didactiques de belle facture, orientés vers la préservation de la
nature et financés par des ONG internationales (Le temps d'agir
– 1982, Le village des ventrus – 1983, Aube nouvelle à
Mobo -1984, L'héritier – 1991, Le retour – 1992, L'avenir
aujourd'hui et Objectif terre – 1994). Suite à un séjour
en Europe, il entame une collaboration avec le scénariste français
Franck Giroux qui donnera lieu à deux séries produites par des éditeurs
français. Tout d'abord, les trois albums de Eva K., première
série occidentale mettant en scène un héros congolais (Evariste Kassaï),
sortent entre 1995 et 1998 chez Soleil Productions. Par la
suite, Giroux et Baruti créeront la série Mandrill dont les
sept volumes sortiront entre 1998 et 2007. Au début des années 90, au
moment du lancement d'AfroBD, plusieurs dessinateurs (Baruti,
Asimba Bathi, Pat Masioni, Thembo Kash) décident de créer l'ACRIA, une
association visant à promouvoir le 9ème art dans la capitale congolaise
en organisant le salon de la BD de Kinshasa (5 éditions entre 1991 et
2005) ainsi que des stages et des ateliers, organisés à l'espace " à
suivre ".
Une faible production d'albums
Mais
la réussite de Baruti est trompeuse. L'après Jeunes pour jeunes
n'est, en effet, pas une période très porteuse pour le 9ème art
national. Le retrait de Sise en est d'ailleurs un signe révélateur. Le
nombre d'albums commerciaux reste en effet très faible hormis à
Kinshasa : deux ouvrages de Barly Baruti publiés par Afrique Édition
en 1987 (La voiture, c'est l'aventure) et 1988(Papa Wemba.
Viva la musica) qui suivaient Fonske, alerte chez les gorilles
(1983) du Belge René Henrard (alias René Kasuku) chez le même éditeur
et, à Lubumbashi, deux autres du scénariste Pie Tshibanda et du
dessinateur Nsenga (Alerte à Kamoto en 1989 et Les refoulés
du Katanga en 1994).
Des auteurs partagés entre l'église
et la rue
La seule production régulière est d'ordre confessionnel. De 1974 à 1992,
Saint Paul Afrique a imprimé et publié une cinquantaine
d'ouvrages. Entre 1979 et 1986, treize titres concernaient l'ancien
testament (David l'invincible, Tobit le bonheur retrouvé,
Esther, reine de Perse…) et un autre qui traitait des actes
des apôtres. Ceux-ci étaient dessinés par Mayo-Nke et Sima Lukombo. De
1979 à 1992, neuf biographies de témoins (Annuarite, Le
cardinal Lavigerie, Bakhita…) ont été réalisées par les
deux dessinateurs précédant ainsi que Lépa Mabila Saye et Masioni
Makamba. Ce dernier a aussi dessiné 11 fascicules couleurs sur les
évangiles, entre 1989 et 1992, avec le père Aldo Falconi au scénario. Saint
Paul Afrique a également édité les 13 albums de la collection Contes
et légendes de la tradition entre 1981 et 1987 avec les mêmes
dessinateurs dans certains cas (Lépa Mabila Saye : Sha Mazulu la
femme au long nez, Mikombe et le demon ou Mami-wata a Lodja.)
ou de nouveaux (Targou, Kainda Kalenga : Le pardon d'un croyant,
Sambou Kondi : Disasi.). Au milieu des années 80, à
Lubumbashi, les salésiens de Don Bosco publient également des œuvres
retraçant la vie de Don bosco (4 titres) mais aussi celle de Dominique
Savio ou d'autres titres comme Joseph Mukasa, lui le premier,
Charles Lwanga, plus fort que le feu et Robert Naussi
était un jeune pour tous les jeunes, certaines d'entre elles étant
des BD.
En parallèle, le milieu kinois est aussi un gros producteur de BD
populaires. Reflets de la culture urbaine, des fascicules bon marché,
conçus artisanalement sont distribués sur les marchés. C'est le cas,
entre autres, de Mfumu'Eto, revue éponyme à parution incertaine
du peintre du même nom. C'est également le cas de Lepa Mabila Saye qui
produit Junior ou la revue Matchatcha.
Enfin, l'écrivain populaire Zamenga Batukezanga, après avoir scénarisé
deux albums pour Saint Paul Afrique (Bandoki et Un croco à
Luozi), décide de publier une série d'albums dans le cadre de sa
maison d'édition, Zabat (puis Zola-Nsi), installée dans le Bas-Congo,
afin de toucher un maximum de lecteurs, en particulier les populations
peu alphabétisées. De 1987 à 2001, neuf albums sont publiés dont
certains rencontreront beaucoup de succès : Pourquoi tout pourrit
chez nous ? (qui lance la carrière de Al' Mata en 1992) ou Le
Mariage des singes à Yambi (avec Pat Masioni) qui connaîtront
plusieurs rééditions. En dehors de cette tentative courageuse, les
coopérations étrangères soutiennent la publication d'albums collectifs
qui n'apportent, il est vrai, pas grand-chose aux auteurs : Un dîner
à Kinshasa, financé par la coopération belge en 1996 ou à
Kisangani, Du nouveau à Boyoma en 1993, initiative du Centre
Culturel Français local.
Un métier peu valorisé
Cependant, le métier de bédéiste n'est pas considéré comme un métier
d'avenir, la BD populaire ne rapporte pas grand-chose et les contrats
avec Saint Paul Afrique ne permettent pas d'en vivre. Face à
cette absence d'opportunités, les auteurs prennent d'autres voies. Chéri
Samba (qui a commencé dans la revue Bilenge) et Ekunde
deviennent peintres, Jean Claude Kimona et Dominique Mwankumi,
illustrateurs pour enfants.
Dès les années 80, le phénomène d'émigration touche le milieu des
bédéistes. Bernard Mayo et Sima Lukombo émigrent en Allemagne, Onoyo
Yemba en France, Tshibemba s'installe à Salonique, Ilunga Kayes part
exercer ses talents au Burundi et Sambou Kondi commence une longue
errance qui l'amènera à vivre dans une demi-douzaine de pays d'Afrique
afin de vivre de son métier. D'autres, comme Kizito ou le lushois
Tshilombo Muze, franchissent le fleuve et travaillent pour le journal Ngouvou
(Brazzaville). Mais pour beaucoup, la situation est loin d'être
confortable. La plupart des artistes qui choisissent d'émigrer
disparaissent de la scène artistique nationale et ne percent pas à
l'international. Bernard Mayo, par exemple, se lance dans la musique,
même s'il tente un retour au début des années 2000 avec la revue
lingalaphone Suka époque. Dans les années 90, Tshisuaka s'en va
en Belgique, à Charleroi et Emany Makonga part au Gabon (4), où
il participera à la fondation de l'association BD Boom (avec le
Gabonais Pahé, entre autres), puis aux États-Unis, d'où il cessera de
donner de ses nouvelles.
De nombreux dessinateurs ne (sur)vivent que grâce à des œuvres de
commande pour des ONG et des organismes de coopération ou entament une
carrière de caricaturiste, à peine plus lucrative (5). À
Lubumbashi, Michel Bongo Liz Mazaza, ancien de Alama, publie,
entre 1992 et 2002, cinq albums de commande en noir et blanc. Le nombre
d'albums sur le thème du Sida est important dans les années 90 et 2000 :
Monzeli (de Tangou, en 1997), Parlons du Sida (de
Lusavuvu), Regard sur le sida (de Bonkela, en 1993), Sangisa
sangisa !! (en 2003), Linga kasi keba (de Barly Baruti,
2004). Autre thème souvent abordé, la démocratie et les élections
nourrissent beaucoup d'œuvres. Elles ne sont cependant pas toujours d'un
bon niveau, au vu de leurs conditions de réalisation, et pas toujours
signées ni assumées par leurs auteurs. De ce fait, le phénomène
migratoire se poursuit.
Le salut dans l'émigration et l'exil
La
plus grosse vague de départ correspond à l'année 2002, où la plupart
des dessinateurs sélectionnés pour l'album collectif A l'ombre du
baobab émigrent en France et en Belgique. En conséquence, le milieu
éditorial occidental commence à découvrir le talent des auteurs
congolais. Les éditions Joker puisent dans ce milieu, que ce
soit pour la série collective des Blagues coquines (à laquelle
participent Tshitshi – Albert Tshisuaka et Pat Mombili) mais aussi pour
des albums individuels avec les deux tomes de Vanity (2006 puis
2009) dessinés par Thembo Kash ou Le joyau du pacifique (2007)
de Tshisuaka. Toujours chez Joker, Hallain Paluku prépare un
album humoristique, Mes 18 ans, parlons-en, pour la fin d'année
2009. Paluku avait auparavant signé le magnifique Missy chez La
Boîte à bulles en 2006 et sorti le tome 1 de la série Rugbill
chez Carabas en 2007. Chez Albin Michel, Pat Masioni a
dessiné en 2005 puis 2008, les deux tomes de Rwanda 94, et a
sorti en 2009, Israël vibration (Ed. Nocturne) et Agathe,
Agent S.I (Ed. Grad, en Suisse). En octobre et novembre
2009, Pat Masioni fait également paraître ses nouvelles planches dans
les n° 13 et 14 de la série "The Unknown Soldier" scénarisée
par Joshua Dysart, et publiées aux États-Unis par les éditions " Vertigo
Comics " (branche de DC comics). Des auteurs congolais, souvent exilés,
ont aussi été publiés dans les quatre anthologies successives d'Africa
comics (de 2002 à 2007) ou dans BD Africa paru chez Albin
Michel en 2005, supervisé par P'tit Luc.
Plusieurs éditeurs congolais sont installés en Europe.Alix Fuilu a créé Afrobulles
en 2002, à la fois association, maison d'édition et revue, qui publie
quatre numéros entre 2003 et 2006, puis un album collectif en 2008 (Vies
volées avec les Congolais Fuilu et Kojélé et le Centrafricain
Kassaï). Bienvenu Séné Mongaba crée à Bruxelles la maison d'édition Mabiki
qui a édité quatre albums : Zamadrogo, fils de Soroba d'Alain
Kojélé (2006) et la trilogie sur la sorcellerie du peintre Andrazzi
Mbala, parue en 2008 et 2009. Mandala éditions, fondées par
Robert Wazi à Rouen, a publié les deux volumes de Simon Kimbangu
en 2002 et 2004, scénarisés et dessinés par Serge Diantantu qui, de son
côté, auto-publie en 2009 La petite Djilly, trois ans après L'amour
sous les palmiers.
L'éditeur associatif italien Laï-Momo, déjà maître d'œuvre d'Africa
comics, compte également deux albums individuels d'auteurs
congolais à son catalogue : Hissa Nsoli (l'île aux oiseaux en
2005) et l'une des rares auteures féminines, Fifi Mukuna (Si tu me
suis autour du monde en 2005). Pendro Magazine, revue
culturelle congolaise créée par Didier Demif à Londres, édite également
une série dessinée par Thembo Kash.
Avec les années 2000, les choses
évoluent peu à peu
Si l'arrêt de Bleu-blanc (dirigé par Kizito), Bulles et
plumes (créé par Dans Bomboko) ou de Chaleur tropicale
(fondé par Asimba Bathy) démontre la fragilité des revues de bandes
dessinées, le milieu se renouvelle sans cesse et recèle bien des talents
dont l'exposition Talatala qui s'est déroulée à Bruxelles en
2007. Une autre lueur d'espoir est apparue avec la création d'Elondja,
première maison d'édition congolaise de BD, créée à Kinshasa par Dan
Bomboko en 2004. Celle-ci a publié cinq mini-albums : deux albums de la
série de Mamisha (dessinés par Alain Kojélé puis Dick Esalé) et
les trois volumes d'Elikya, un monde hostile dont le dernier
est prévu pour la fin de l'année 2010.
L'album collectif Là-bas… Na poto… financé par la Croix
rouge de Belgique avec le soutien de l'Union Européenne a fait
découvrir une nouvelle génération de jeunes dessinateurs comme Charly
Tchimpaka, Didier Kawende ou Jason Kibiswa (Premier Prix Africa
Comics 2007-2008) présents aux côtés de Dick Esalé, Albert Luba,
Hissa Nsoli et des " exilés " comme Fifi Mukuna et Pat Masioni, sur des
scénarios supervisés par Alain Brezault au cours d'un atelier qu'il a
animé à Kinshasa en février 2007.
En parallèle, Africalia (ONG de développement culturel de la
coopération belge) soutient la revue Kin label dirigée par
Asimba Bathy (8 numéros parus, et le 9ème en préparation), plate-forme
pour des talents locaux tels certains des dessinateurs de Na poto
bien sûr mais aussi Gédéon Mulamba, Abelle Bowala, Jules Baïsolé, Faty
Kabuika, Dody Lobela, ainsi qu'Hallain Paluku et certains artistes de
l'Est comme Tetshim (Trésor Tshamala) installé à Lubumbashi ou Séraphin
Kajibwami, originaire du Kivu. Ce dernier a sorti son premier album à
Bukavu en 2007, Les trois derniers jours de Monseigneur Munzihirwa (6)
où il évoque la figure de l'évêque de Bukavu assassiné en 1996 par un
tueur à gage.
Un autre dessinateur connu à l'est est Flavien Ntangamyampi (né en 1960)
qui a produit plusieurs BD de sensibilisation pour la GTZ (coopération
allemande) de 1994 à 2000, puis les 2 tomes des aventures de
Kilimali en 2000 et 2002. Dans le Sud Kivu, 12 dessinateurs se sont
regroupés en une association, l'ABBUK (l'Association des bédéistes
de Bukavu) qui a son siège à l'Alliance française. En dehors de
travaux de commandes locales, ils ont réalisé une BD collective
intitulée Contes de chez nous, sur l'initiative d'un prêtre de
la région, grand amateur du 9ème art : le père Fernand Mertens, déjà
scénariste des Aventures de Kilimali.
D'autres talents commencent à émerger. L'anthologie collective africaine
La BD conte l'Afrique, publiée en Algérie en juillet 2009,
montre encore d'autres œuvres originaires de RDC. Comme si le réservoir
était inépuisable, comme si l'histoire de la BD congolaise ne devait
jamais s'arrêter. Il lui reste à devenir une vitrine de l'énorme
potentiel artistique de ce pays et surtout à aborder certains thèmes de
la société congolaise encore trop peu traités (sorcellerie, guerre
civile, sectes, enfants-soldats, phénomène des shégués…) et devenir le
relais " éditorial " des peintres populaires qui, pour leur part,
n'hésitent pas à les évoquer dans leurs travaux sans réellement toucher
le grand public. Un défi sans doute difficile, mais le passage à une
réelle considération par le milieu artistique est à ce prix….
Christophe Cassiau-Haurie
1. Cet artiste n'a probablement rien à voir avec
l'écrivain Paul Lomami Tshibamba. De plus, rien ne dit qu'il s'agit d'un
congolais, certains européens ayant l'habitude de signer sous un nom
africain.
2. Peintre, dramaturge, homme de radio, Albert Mongita était un touche à
tout de génie dont la mémoire est très injustement oubliée par ses
compatriotes. A Kinshasa, seule la salle du Théâtre national lui rend
bien timidement hommage.
3. Argot de Kinshasa mélangeant le français et le lingala.
4. Il y rejoint un autre congolais, Fargas, qui, d'abord étudiant puis
médecin, publie régulièrement des albums depuis une quinzaine d'années.
5. Alain Brezault a écrit un article sur l'histoire des caricaturistes
de RDC dans le N°79 de Africultures.
6. Avec la participation de Charly Tshimpaka et Asimba Bathy pour la
mise en couleur.