Les Congolais préfèrent les morts aux vivants : réponse à un internaute Par Roger Buangi Puati[1]

Je suis persuadé que
les héros
de l'indépendance qui sont chantés à longueur de journées seraient
discrédités
par leurs laudateurs s'ils étaient encore vivants. Le meilleur Congolais
serait
un Congolais mort, donc sans parole ni mouvement. Lorsqu'une fille de
notre
peuple comme Me NLANDU se dresse contre "Joseph Kabila" en plein
Kinshasa,
appelle le peuple à la révolte face à la prise de notre pays par un
pouvoir
étranger et est arrêtée, torturée et emprisonnée pour ce seul motif, je
me
demande pourquoi ne nous sentirions-nous pas pris et entraînés dans ce
courage
et ce démenti contre la tyrannie? Comment des êtres humains pourvus de
jugement
et de raison, confortablement assis derrière leurs ordinateurs, ne
peuvent, à
défaut de reconnaître la noblesse de sa lutte, avoir au moins la décence
du
respect? Je suis maintenant convaincu que le malheur du peuple congolais
ne se
situe pas en dehors de lui, mais en lui-même. Car, il ne reconnaît plus
l'intangibilité de la valeur de l'humain, de la chance que son semblable

représente pour tous. Le Congolais attendrait-il des anges du ciel, sans
macule
ni défaut, pour le sortir d'affaire? Ne savons-nous pas que notre
héroïne Kimpa
Vita qui prônait la chasteté avait eu un fils, Jérôme, le jour même de
son
supplice? Nous rappelons-nous que Kasa-Vubu "avait eu le tort" de
promouvoir un
certain Général Major Mobutu, qui pourtant avait déjà fait preuve de
déloyauté
avec son premier coup d'Etat le 14 septembre1960, au grade de
Lieutenant-Général
vingt-et-un jours avant que ce dernier ne le renverse? Avons-nous oublié
que le
Premier Ministre Lumumba, démis par le Président de la République, se
rendit
immédiatement à la radio pour démettre à son tour le Président de la
République
au mépris des institutions? Constatons à l’évidence qu’ils n’étaient pas

parfaits. Devrions-nous pour autant leur retirer notre estime et notre
respect?
Certes non. Si l'aura de ces personnages historiques reste diversement
intacte
dans nos têtes, il n'en est pas moins vrai que ces héros sont des
humains avec
leurs possibilités et leurs défauts. Alors, suffit-il de savoir pianoter
sur un
clavier d'ordinateur pour s'autoproclamer combattant, résistant et
Capita des
Congolais? Que nenni!

 

Il me semble que
l'heure est
venue où la congruence et l'authenticité de notre engagement politique
ne se
mesureront plus au nombre de personnes que nous insultons sur
l'Internet, mais
au courage et à l'abnégation dont nous ferons preuve de porter la lutte
au coeur
de la bataille, d'aller nous frotter aux réalités du terrain, face à
face avec
l'ennemi et prouver dans notre propre chair l'amour que nous portons au
peuple
congolais et le prix que nous sommes prêts à payer pour cela. Derrière
un écran,
c'est beaucoup trop facile et cela ne coûte pas grand chose. Mère
Courage, sur
ce coup là, a déjà marqué des points qu'il serait insensé, gratuitement
méchant
et injuste d'ignorer. C'est en cela que j'ai utilisé le proverbe de chez
moi
(mal perçu par quelque personne) qui dit que tout le monde a le droit de
péter,
mais pas plus haut que son cul. Autrement dit: on ne se moque pas de
ceux qui
ont donné plus que nous, on ne piétine pas ses propres possibilités, on
ne perce
pas la bouée qui est susceptible de nous sauver du naufrage. D'ici
j'entends les
réactions disant : «  notre bouée de sauvetage serait-ce Mère
Courage? » Là n'est pas la question. Je dis simplement qu'au stade où le

Congo, notre pays, se trouve, c'est-à-dire un Etat déchiré et par terre,
c'est
idiot et suicidaire de casser la moindre force que nous avons de notre
côté.
Malheureusement des irresponsables trouvent un malin plaisir à s'adonner
à ce
jeu de massacre et, du coup, se positionnent, bien malgré eux, du côté
des
ennemis de notre peuple. Cette vérité est indéniable: celui qui nous
affaiblit
ne nous aide pas; il nous coule.



[1] Auteur de
Christianisme et traite des Noirs, éditions Saint-Augustin, 2007,
399
pages.

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