12.07.10 Le Potentiel: Cinq questions à Jeannot Mwenze Kongolo (*)

 

1. La RD Congo a célébré le jubilé d’or de son
indépendance. Quel jugement portez-vous sur le comportement des
politiciens durant les 50 premières années qu’une large opinion qualifie
de douloureuses?

Il y a eu quelques catégories des politiciens entre l’indépendance et
la période d’aujourd’hui. D’abord, il y a eu les pères de
l’indépendance qui étaient essentiellement les produits de la
colonisation. Je crois savoir qu’ils étaient honnêtes, dévoués pour la
cause nationale. Mais ils se montrés limités quant à la gestion de la
chose publique. Cela explique les sécessions et bien d’autres divisions
ethnico-tribales qui ont émaillé la première République. Leur époque
n’est pas teintée de mégestions et de balivernes financières. Cela me
fait penser à un nouveau bébé qui connaît des erreurs, mais qui ne casse
pas la maison pour autant. Puis, viendra le déluge de la période de
Mobutu sous laquelle nombreux acteurs politiques d’aujourd’hui ont joué
un rôle important. Cette période que je considère comme la plus noire de
notre histoire sera marquée par le cataclysme sur tous les plans:
social, économique, financier, éducatif, etc. Bref, Mobutu nous a légué
un pays à reconstruire. Viendra ensuite notre révolution que beaucoup de
jeunes gens ont vécue. Les politiciens de la période de Laurent-Désiré
Kabila ont travaillé au rythme de Mzee lui-même. La rigueur dans la
gestion de la chose publique était de mise. Certains de mes collègues
ont été envoyés en prison pour ce motif. C’était la période durant
laquelle le comportement des politiciens était surveillé depuis le
sommet de l’Etat. Et comme résultat, l’espoir de reconstruire le pays
est né. Pour la première fois, le terme reconstruction est entré dans le
vocable politique du Congo. Enfin, vient l’époque contemporaine que je
considère, pas à tort mais à raison, comme le mobutisme revisité. Le
politicien d’aujourd’hui est voué à lui-même. Il n’est pas instruit sur
les objectifs à atteindre. Il fait ce qui lui semble bon. Il ne se sent
pas dirigé et donc il n’est responsable devant personne. L’impression
générale est que le pays n’est pas dirigé. Comme résultat : la gabegie
managériale et financière bat son plein. Le politicien d’aujourd’hui
n’est pas évalué, bref c’est la cour du Roi Peteau. Voilà pour moi
comment les politiciens de ces 50 dernières années ont dirigé ce pays.

2. La colonisation n’a pas produit de cadres capables de
gérer le pays au départ des colons, affirme une autre opinion. Est-ce
là la cause de l’effondrement de la nation?

Les colons n’avaient pas un devoir moral de préparer leurs propres
remplaçants. La preuve est qu’ils sont partis du Congo mécontents.
Pourquoi devraient-ils préparer les gens qui les chassaient? La vraie
raison de notre malheur d’aujourd’hui vient des 32 ans de servitude de
tout un peuple par son propre frère. Les colons ont laissé ce pays au
top de son progrès. La Gecamines apportait des milliards à un pays sans
budget national. Les gens ne veulent pas honnêtement regarder dans leur
histoire et tirer des conclusions conséquentes. Si, en tant que peuple,
nous prenions notre destin en main, on n’admettrait jamais un seul
mobutiste en politique, car c’est eux (et je suis sérieux) la vraie
cause de notre malheur et non les colons belges.

3. Les nationalistes ont toujours affirmé détenir un
programme précis de redressement de la nation, vous avez personnellement
accompagné Laurent-Désiré Kabila en 1997. Ne pensez-vous pas que sa
disparition ait laissé quelque chose au goût d’inachevé?

A notre époque, nous avions élaboré un plan triennal que nous nous
sommes efforcés de suivre malgré les impondérables de la guerre imposée
par nos voisins qui sont curieusement devenus les amis du régime de
Kinshasa. Ce programme ambitieux reprenait l’essentiel des urgences de
l’époque sur le plan social. Comme je l’ai dit la guerre a tout empêché
parce que cette guerre faisait partie du plan d’élimination de Mzee.
Bien sûr que la mort de Mzee c’est parmi le pire des choses qui soient
arrivées à ce pays. Le goût de quelque chose d’inachevé c’est dans la
bouche de tous les Congolais qui ont vécu ici à l’époque de Mzee. Notre
romance c’est toujours spéculer sur une question : et si Mzee était là
où serait ce pays? Cette question nous ramène toujours dans un univers
de rêves.

4. Le Rapport Kassem de l’ONU vous a personnellement cité
dans le pillage des ressources naturelles de la RD Congo. Aujourd’hui
sept ans après, vous remuez ciel et terre pour que justice vous soit
rendue. Pourquoi avoir attendu autant d’années avant de vous déterminer?

Je l’appelle une affaire de fous. Par ce rapport, l’ONU avait
démontré qu’elle était un instrument des pays occidentaux. C’est une
honte, et j’espère que les Congolais apprendront cette leçon. Pourquoi
avoir attendu 7 ans? Malheureusement, c’est le temps que cela a pris aux
Congolais pour avoir des institutions auprès desquelles je pouvais me
plaindre. Rappelez-vous que ce rapport est sorti à la veille de la
transition. Toutes les enquêtes et les auditions ont eu lieu pendant
cette période. Et puis, les élections ont eu lieu. Avec le nouveau
Parlement, certains députés ont fait mention de cette affaire et je
pensais que cela allait avoir lieu, mais hélas. C’est quand j’ai
remarqué que la législature touchait à sa fin que je me suis permis d’en
parler. Je suspecte maintenant ceux qui sont au bureau du Parlement.
Ils cachent quelque chose contenu dans ce rapport. La Monuc doit en
savoir quelque chose. J’avais, à l’époque, écrit à Kofi Annan (alors
secrétaire général de l’ONU et cela est resté sans suite. Récemment,
j’ai écrit à Evariste Boshab, président de l’Assemblée nationale. La
suite est la même. Je conclus que quelque chose est louche. Tout ce que
je demande, c’est rendre public le rapport de la commission Lutundula.
Beaucoup d’argent de l’Etat avait été dilapidé dans cette affaire, et
j’estime que le contribuable congolais a droit de connaître la suite,
sinon il s’agira encore d’une gabegie. Ma famille est aussi en droit de
savoir si ce que l’Onu a dit à mon sujet est vrai ou pas. Sinon, je vais
en justice contre l’Onu cette année même.

5. Des compatriotes qui avaient été cités avec vous dans ce
rapport de l’Onu ont repris du service dans les couloirs de l’actuel
régime. Mais pour votre cas, vous êtes resté longtemps à l’écart. Quelle
explication en donnez-vous?

Vous comprenez alors qu’il y a quelque chose de louche dans le
comportement et du bureau du Parlement et de l’Onu. Moi je ne me
reproche de rien.Droits de reproduction et de diffusion réservés ©
Le Potentiel

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