13.07.10 Le Climat Tempéré: Interview Transports et voies de communication Laure- Marie Kawanda dévoile sa stratégie pour la relance du secteur

 

 

Le Climat Tempéré : Madame la ministre, au lendemain des festivités du cinquantenaire de l’indépendance
de la RDC et alors que la législature
actuelle a été placée sous le thème de la reconstruction, quelle est la place
de votre ministère ?

 

Laure-Marie Kawanda : Les transports et voies de
communications ont une importance vitale dans le développement et la croissance
d’un pays aux dimensions d’un sous-continent comme la République démocratique
du Congo. Pour illustrer cette importance dans la vie quotidienne de tout
citoyen, point n’est besoin de développements académiques ou scientifiques.
Disons que c’est grâce à ce ministère que l’on peut manger. Oui, tout
simplement. Les prix des denrées et leur présence, en abondance ou non, sur les
marchés, dépendent de la capacité que de ce ministère à faire une vraie
politique des transports. Ce n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui, et
les conséquences en sont immédiatement perceptibles pour notre peuple.

 

LCT : Concrètement,
quel est l’état actuel des infrastructures des transports à travers le
pays ?

 

LMK : Mon ministère est présent sur l’ensemble du
territoire national, au travers de plusieurs entreprises et régies.
Malheureusement, l’on ne peut caractériser leur fonctionnement et la qualité de leurs services que par le terme d’indigence.
On constate dans la plupart d’entre
elles, une approximation de services à la clientèle, qui se combine avec une
politique déstructurée de croissance et de capacité de transport.

Mon ministère
est doté d’infrastructures lourdes. Il faut les approvisionner, les entretenir.
Cela coûte beaucoup. Mais,en retour, l’on peut en récolter énormément.
Actuellement, on constate un déficit de
politique cohérente et combinée de croissance des activités agricoles, pastorales
et halieutiques, des mines et des forêts. Je veux dire que tout est réalisé en
vase-clos, alors que tous ces secteurs de la vie économique, créateurs de
nombreux emplois, nécessitent pour leur développement harmonieux, un système de
transport multimodal structuré.

Aujourd’hui,
ce n’est malheureusement pas le cas. La politique d’investissement actuel est
caractérisée sur un système axé sur les routes rurales, les routes de desserte
agricole ainsi que les routes nationales et provinciales. Cela est déjà très
bien, mais cela ne suffit pas à répondre à la réalité géographique du pays.
Nous devons nous garder de la politique du « tout à la route » qui
risque de créer un vide, du fait que les autres systèmes existants risquent
d’en pâtir.

Voyez par
exemple à l’ONATRA, ou en pire encore à la SNCC. Le désinvestissement qui
frappe ces deux entreprises depuis des années s’est accéléré. Il s’est même
aggravé avec certains mécanismes de consultance, avec notamment des contrats de
gestion impliquant des firmes étrangères qui n’ont malheureusement pas toujours
produit les effets escomptés. Même que sous certains aspects, ces entreprises
ont encore davantage plongé dans l’abîme.

Nous devons
cependant saluer ici le désenclavement progressif de Kalemie, qui devait
connaître une bouffée d’oxygène, avec l’aménagement d’une passe navigable à un
tonnage plus important. L’apport de la Coopération technique belge est à saluer
ici, avec la poursuite de cette œuvre à travers le pont Nyemba, sur l’axe
Kabalo-Kalemie.

Pour
cette région hautement agricole, il
s’agit là d’une réalisation substantielle, à même de booster le développement
de cette contrée. Pour me résumer, je peux dire que par rapport à la vie de nos
populations, le fil conducteur demeure la satisfaction des besoins d’accès à la
sécurité alimentaire, à l’eau courante, à l’électricité, à l’école et aux soins
de santé. C’est ce que notre chef de
l’Etat, le président Joseph Kabila Kabange, a si justement défini dans le
Programme des Cinq chantiers.

Et face à
cette quête, je dis aussi que mon ministère peut, doit contribuer à satisfaire
ces besoins, spécialement en ce qui concerne la sécurité alimentaire, la
circulation des personnes et des biens. Ceci exige des moyens conséquents qui
doivent être attribués à l’amélioration des capacités d’intervention des différentes
articulations de mon ministère. Un effort est en train d’être consenti. Il faut
le renforcer et le diversifier.

 

LCT : A
propos des moyens, avez-vous l’impression que votre ministère n’est pas assez
soutenu ?

 

LMK : Je dis que la communauté des bailleurs de
fonds par exemple ne doit pas se focaliser uniquement sur les routes. Qu’elles
soient rurales, ou autres. Et, au sein du gouvernement, nous plaidons pour une
action qui va au-delà des aspects structurels et institutionnels, en
privilégiant plus les aspects opérationnels et de transport proprement dits.

Je suis
convaincu qu’il faut repenser le mode de fonctionnement des entreprises du
secteur des transports, mais il est tout aussi évident que les aspects
techniques ne peuvent pas être ignorés, car ce sont eux qui font tourner la
machine. Ce ministère est très sensible, avec un impact direct sur la vie des
populations. Alors, le danger c’est quoi ? C’est qu’on aurait tendance
facilement à pointer du doigt le ministère des Transports et voies de communication,
en cas de pépin, pour tel problème ou tel autre, sans considérer que l’on
manque parfois cruellement de moyens pour remplir sa mission.

Prenons à
titre d’exemple le cas de l’aviation. Ce secteur est dans une situation
inacceptable, alors que des voies de solutions existent. Ce sont des moyens
d’action qui manquent. Le pouvoir d’action handicape parfois la volonté
d’action. Regardez la SNCC ! Son incapacité d’action fait que l’économie
est étouffée ; l’activité artisanale et industrielle se meurent, avec pour conséquence
l’amenuisement des revenus des familles. Pourtant, le Katanga regorge
d’opportunités exceptionnelles. Alors, comment expliquer le marasme ? Tout
a un point commun : le manque des transports !

Les activités
de dragage maritime, la manutention portuaire, le chargement des véhicules ou
du chemin de fer, ne sont possibles que s’il existe une structure de transport
valable et viable. Dans le cas du chemin de fer de Kinshasa, la population est
durement frappée par l’insuffisance des locomotives…On peut multiplier les
exemples. Il y a un besoin de moyens. La question du financement des
infrastructures des transports est capitale et cruciale. C’est elle qui est
entre autres à la base des contrats chinois. C’est une réponse pragmatique à ce
goulot d’étranglement.

 

LCT : Quels
sont, selon vous, les préalables pour une réelle relance du secteur des
transports ?

 

LMK : Mon ministère est occupé à mettre au point
une politique nationale des transports qui sera incessamment soumise au
gouvernement et à Son Excellence Monsieur le président de la République pour
sanction. Dans notre économie, très éparpillée territorialement, et qui, en
plus, est terriblement primaire et a besoin d’être modernisée, il faut une
épine dorsale pour garantir la mobilité des biens et des personnes. C’est le
seul passage obligé pour créer un premier tissu social stable.

Les acteurs
économiques doivent être incités à utiliser les voies de communications
nationales, pour ne pas créer des poches de développement non intégrées aux
entités voisines, et plus largement à l’économie nationale. Mettre l’accent sur
les seules pistes rurales et de desserte agricole, risque de mener à des
économies de subsistance très localisées. Il serait opportun de coupler ces politiques de relance agricole
à des programmes de relance du secteur des transports. C’est le cas du Kasaï,
avec le ferroutage entre Mwene-Ditu et
Mbuji-Mayi. Il faudra développer cela.

La politique
des transports en élaboration est conçue avec l’ambition et l’esprit de faire
réellement de ce secteur le fer de lance du décollage socio-économique de notre
pays. C’est un pari que mon ministère tient à relever avec le soutien du chef de l’Etat et du gouvernement.
Nous y travaillons depuis des mois. Nous avons beaucoup tergiversé dans le
passé dans la prise des décisions, cela pour diverses raisons. Cette absence de
décision se paie aujourd’hui sur le terrain. La décision prise par le
gouverneur du Katanga pour la piste de l’aéroport de la Luano a été applaudie
par beaucoup. C’était une décision importante, osée.

Nous sommes
volontaires pour insérer ce genre d’actions ponctuelles dans une politique plus
vaste, à caractère multimodal. Et nous restons convaincus du soutien du chef de
l’Etat qui a fait du développement des infrastructures son cheval de bataille.

Nos efforts se
tournent actuellement vers la recherche des sources de financement, pour la
réalisation de tous ces projets de mobilité nationale. Avec l’appui de
l’ensemble du gouvernement, et pour peu que les capitaux négociés soient gérés
convenablement, comme nous en avons pris l’engagement, notre pays et son
système des transports vont décoller très vite. Merci !

Propos recueillis par Otis Basunga

 

+++

 

Pétrole du Lac Albert

Les masques commencent à tomber

Se réjouissant de
l’admission de la RD Congo au point d’achèvement de l’Initiative PPTE, de
Londres, Global Witness estimait, dans un communiqué, que cette avancée ne sera
pas profitable au peuple congolais si le secteur des ressources naturelles ne
devient pas impérativement plus transparent dans notre pays.

Voici le point de vue de
Global Witnesss : « I
l convient de saluer l’annonce, la
semaine dernière, de la décision tant attendue de la Banque mondiale et du
Fonds monétaire international de renoncer au remboursement de la dette de 12,3
milliards de dollars de la République démocratique du Congo. Cependant, de
multiples réformes de développement de la transparence sont requises de toute
urgence dans les secteurs minier et pétrolier si l’on veut que le pays
bénéficie réellement de cette décision »,
a
déclaré aujourd’hui le groupe de campagne Global Witness.

Le pays a beau afficher une grande richesse en ressources naturelles –
bois, minerais et pétrole –, la population congolaise n’en bénéficie aucunement
du fait de décennies marquées par une corruption et une mauvaise gestion
profondes. « Le fait que le Congo se voit
octroyer un allègement de sa dette au 50ème anniversaire de son indépendance
constitue une occasion unique de rompre avec les comportements destructeurs et
corrompus du passé
», a affirmé Lizzie Parsons, responsable de campagne
pour Global Witness.

 

Des contrats flous !

« Toutefois, nous assistons depuis peu à des développements préoccupants
dans le secteur des ressources naturelles qui vont à l’encontre du progrès que
représente l’octroi d’un allègement de la dette. » Ces derniers mois, des contrats flous ont été
signés dans les secteurs minier et pétrolier lucratifs du Congo, sans être
soumis à aucun examen public approfondi. L’identité des propriétaires des
sociétés qui ont obtenu le droit d’exploiter des ressources importantes est
tenue secrète sous couvert de sociétés étrangères. Le transfert des droits
d’exploitation miniers et pétroliers sans recourir à un processus d’appel
d’offres international manifeste soulève des questions en matière de régularité
de la procédure.

Une mystérieuse société enregistrée dans les îles Vierges britanniques,
Highwind Properties Ltd, s’est vu octroyer le droit d’exploiter la mine de
cuivre de Kingamyambo Musonoi Tailings au Katanga en janvier 2010. On ignore
sur quelle base Highwinds a reçu ce droit. La mine avait auparavant appartenu à
la société minière canadienne First Quantum Minerals, qui avait investi 750
millions de dollars dans le projet avant que celui-ci soit contraint par le
gouvernement de cesser ses activités en septembre 2009 suite à un examen de
dizaines de contrats miniers. Quelques mois auparavant, First Quantum avait
versé 55 millions de dollars d’impôts – le plus gros paiement fiscal jamais
perçu par le gouvernement, d’après le PDG de la société.

Deux compagnies pétrolières jusque-là inconnues, Caprikat Ltd et Foxwhelp
Ltd, toutes deux également enregistrées dans les îles Vierges britanniques, ont
obtenu les droits relatifs à deux blocs pétroliers pour l’instant inexploités
dans le nord-est du Congo, par décret présidentiel promulgué en juin. On ignore
selon quels critères les deux compagnies ont été sélectionnées. La décision a
été prise alors que le gouvernement avait déjà octroyé ces blocs à d’autres
compagnies à de nombreuses reprises, avec des primes de signature totalisant 3
millions de dollars, malgré le fait qu’aucun décret présidentiel ratifiant le
précédent octroi des blocs pétroliers n’avait jamais été promulgué. De
nombreuses sources signalent que Caprikat et Foxwhelp appartiendraient à un
neveu du Président sud-africain Jacob Zuma.

« A l’heure actuelle, les
citoyens congolais n’ont aucun moyen de savoir si les transactions conclues par
le gouvernement le sont dans l’intérêt réel du pays. Le gouvernement devrait
faire savoir sans équivoque quels individus sont impliqués dans les dernières
transactions et selon quels critères ils ont été choisis comme partenaires
»,
a ajouté Lizzie Parsons. « La capacité
des citoyens à comprendre et à examiner minutieusement les accords est
primordiale pour que le pays puisse tourner la page sur son passé
».

 

Des acquéreurs peu sûrs

L’opinion se
souvient de la signature par le chef de l’Etat de l’Ordonnance n° 10/041 du 18 juin 2010 portant approbation du contrat de
partage de production conclu entre la République Démocratique du Congo et
l'Association CAPRIKAT ltd et FOXWHELP ltd sur les blocs 1 et 2 du Graben
Albertine de la République Démocratique du Congo. L’on sait que cette
ordonnance
a été vigoureusement contestée par la
société civile de l’Ituri et une frange importante de politiques de l’Ituri
(Cfr. nos éditions 131 et 132).

Si, comme
actionnaire de ces sociétés, apparaissait déjà le nom de Dan Gertler, richissime homme d’affaires
juif de 32 ans, ayant investi sans grande réussite dans le diamant et le cuivre
congolais, d’autres noms sortent encore de l’anonymat. Il s’agit d’un certain Khulubuse Zuma. Il y a aussi un
nommé Zondwa Mandela. Tous deux sont de
nationalité sud-africaine. Khulubuse Zuma  est à la tête de deux sociétés spécialisées dans
les mines en Afrique du Sud, à savoir : Grootvlei, dans Ekurhuleni, et
Orkney, en dehors de Klerksdorp. Mais ces deux sociétés battent actuellement de
l’aile, indiquent nos sources. Selon le journal en ligne Africaintelligence,
Khulubuse Zuma  est également actionnaire dans une société
d’investissement Aurora Empowerment System. Et pour la presse sud-africaine, plus de 300 ouvriers
de ses sociétés observent une grève pour
non payement de salaires ; et l’on chercherait désespérément des prêts à
gauche et à droite. 

C’est donc à ces investisseurs que
le gouvernement a décidé de confier la destinée de l’or noir de l’Ituri,
investisseurs auxquels il aurait donné 18 mois pour approfondir les recherches qui devront prouver la qualité et la quantité réelle des réserves
convoitées.

A propos de ce contrat, on le sait, beaucoup d’observateurs n’accordent
pas assez de crédit au regard des antécédents fâcheux que nous avons eu à
évoquer dans nos précédentes éditions. E ceux qui suivent ce dossier sont
surpris par les premières orientations de ces investisseurs. Aussitôt qu’ils
ont acquis le droit d’explorer et de produire le pétrole sur les blocs 1 et 2
du lac Albert, renseignent des sources dignes de foi, ces acquéreurs cherchent
déjà des associés pour les aider à développer le projet. Rien d’étonnant à
cela, notent les observateurs. Des documents renseignent que ces nouveaux venus
dans le pétrole ne sont arrivés dans la profession que depuis le 24 mars
dernier. En font foi, les documents d’enregistrement des Iles Vierges. Voilà
pourquoi, d’aucuns pensent que, sans expertise avérée dans le domaine, ces
Messieurs ne pourront tenir les coûts qu’exige un tel investissement.
Ce qui complique les
choses, aux dires des spécialistes, c’est que les réserves de la RD Congo ne
présentent pas les mêmes facilités que le gisement ougandais où l’exploration
s’effectue seulement on shore jusqu’à présent. Du coté congolais, le travail
sera plus difficile et coûteux, assure-t-on. Les berges étant à 80% des
falaises, l’exploration sera totalement off shore et donc plus coûteuse. En
fait, selon un spécialiste bien informé et interrogé par notre
rédaction « Caprikat et Foxwhelp
ont été créés comme véhicule financier pour empocher de l'argent.
D’ailleurs, des sources crédibles rapportent que les concessions par eux
acquises sont déjà proposées en vente à la compagnie italienne ENI. Celle-là
même que l’Ouganda avait rejetée, lui
préférant le français Total et le
chinois CNNOC.

Ainsi, ENI
et Total/CNNOC entreront en concurrence pour ces gisements. La construction Caprikat/Foxwhelp,
risque de causer des misères à notre pays. C’est justement le sens de
l’avertissement lancé par Global Witness à l’intention de tous ceux qui au sein
du gouvernement ou de la présidence de la RD Congo sont à la base de ce type de
montages fumeux. Qui vivra verra !

Jean-Claude Bimwala

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