26.07.10 Optimum – Guillaume Ngefa : «Depuis 50 ans, la RDC a vécu une période des rendez-vous politiques manqués»
Optimum :
Comment jugez-vous le chemin parcouru par
Guillaume Ngefa : Lhistoire de notre pays est celle des rendez-vous
politiques manqués et des reculs démocratiques constants. En effet,
dans le mouvement des indépendances africaines sans que
une élite capable de gérer les affaires publiques de lEtat. Le chaos sest vite
installé avec une classe politique jeune et non rompue à lexercice
démocratique du pouvoir. La guerre civile de 1960 à
démocratique et a facilité la prise de pouvoir par les armes. Un deuxième
rendez-vous manqué correspond à la prise du pouvoir du président Mobutu par des procédés non démocratiques.
Lopération sest transformée au bout de deux ans, à partir de 1967, en un
régime dintolérance politique et de corruption systématique pendant plus de
trente ans. Le troisième rendez-vous manqué coïncide avec la volonté du peuple
zaïrois de chasser le régime Mobutu en soutenant naïvement une rébellion nommée
Alliance Démocratique pour
Libération
occupation du pays par les forces politiques et armées étrangères qui ont
importé sur notre territoire les guerres internes des pays voisins. La
naissance des groupes rebelles congolais en opposition à lAFDL, tous soutenus
par des pays voisins, a créé une nouvelle classe politique aux idées bellicistes
sans égard aux principes démocratiques et aux droits de lhomme. Le pillage des
ressources naturelles du pays est devenu un mode de gestion des affaires
publiques. Enfin, le quatrième rendez-vous manqué a été les élections de 2006.
Lespoir suscité par cette échéance
sest vite estompé pour se transformer en désillusion démocratique. Ceux qui
ont été élus ont mis en place une tyrannie en éliminant toute expression
démocratique nécessaire à un pays sortant dune guerre très meurtrière. La
violence politique, la corruption et lachat des consciences – des
représentants du peuple tant au niveau de lAssemblée nationale, du Sénat que
dans les Assemblées provinciales – pour étouffer toute avancée démocratique,
placent le pays dans une grande incertitude et compromettent largement et
durablement son développement. Aujourdhui, tout observateur averti, sérieux et
honnête reconnaît que
a connu des sauts vers linconnu suicidaire pour une population dont le niveau
de vie est dramatiquement bas.
Plus
dun Congolais estime que pendant cinquante ans, le pays a été plongé dans un
chaos. Qui, daprès vous, peut être à la base de cette situation ?
En
plus de ce que je viens de souligner plus haut, nous devons mettre en relief
la relative part de responsabilité du peuple congolais dans son
propre drame. Aucun peuple au monde ne peut accepter le drame politique et le
désastre humanitaire que nous vivons, mais qui nest pas ressenti par ceux qui
sont au pouvoir. Une classe politique qui, en peu de temps, sest
enrichie sur le dos du peuple… en permettant aux criminels politiques et
économiques de venir dépecer notre pays, et en compensation fermer les yeux
sur les dérapages démocratiques ou justifier ou excuser ceux qui en
sont responsables. Il faut, néanmoins, relativiser la responsabilité de ce peuple qui
a été clochardisé pour lanéantir et ne pas penser à prendre en
mains son destin. La grande responsabilité doit être imputée, non pas à
lélite, mais à la médiocrité dune classe politique qui na pas toujours le
sens de lEtat, qui a développé une culture du gagne-pain facile par tous les
moyens. Cest limpunité politique dont la pleine responsabilité revient
au premier chef aux tenants du pouvoir et aussi aux
contre-pouvoirs, notamment la grande majorité de ceux qui prétendent faire
lopposition, mais qui perpétuent les mêmes pratiques. Nous sommes le
seul pays au monde où il existe une profession appelée politicien. Car, être
politicien, cest avoir la vocation de senrichir en million de dollars en
toute impunité dès que lon exerce le pouvoir.
Quelles
solutions préconisez-vous pour que
RDC
qui violent les Droits de lHomme ?
Il
n'y a pas des solutions magiques pour faire respecter les Droits de l'Homme.
Pour que
ne soit pas reprise sur la liste des pays qui violent les Droits de
l'Homme, il faut qu'il existe dans le chef des dirigeants congolais, la
volonté politique pour assurer la promotion et la protection des Droits
de l'Homme. La première solution et la plus importante, cest léducation de
toutes les couches de la population à la connaissance et au respect des droits
humains. Cette éducation devrait commencer dans la famille, se poursuivre à
lécole (dès lécole primaire jusquà luniversité) et prendre place dans tous
les milieux socio-professionnels. Elle se fera à travers des programmes de
cours, des sessions de formation, des ateliers, des conférences, des émissions
radio-télévisées, des écrits dans les journaux, des brochures, des dépliants,
etc. La seconde solution est la création dun observatoire national des droits
de lhomme crédible qui veillerait au respect des droits humains à tous
les niveaux de la vie nationale. Nous devons absolument mettre une commission
Vérité et Réconciliation pour réviser notre histoire, et dire ensemble «plus jamais ça» ! Enfin, la troisième
solution est lorganisation du peuple lui-même pour défendre ses droits et
pousser les dirigeants à respecter leurs droits. Personnellement, je pense qu'il n'y a aucun
doute en ce qui concerne notre engagement pour la promotion et la
protection des Droits de l'Homme, car toute notre vie a été consacrée à
cette cause. En plus, notre engagement pour les Droits de l'Homme est aussi lié
à notre sens élevé pour le respect et l'application effective des
lois. Le respect du rôle que chaque institution est appelée à jouer
rentre dans cet engagement. Ainsi, je pense au renforcement du Parlement
et des institutions judiciaires pour assurer la lutte contre l'impunité, le
contrôle de l'Exécutif …. Toutes ces actions mises ensemble peuvent
contribuer à ce que
rentre dans le cercle des Etats respectueux des Droits de l'Homme.
Que suggérez-vous pour que, dans dix
ans,
présente une image positive dans ce secteur ?
Que
le pays soit doté dune classe politique humaniste, rompu aux règles
d'éthique et préoccupée par le respect des droits humains. Pour cela, il
faut avoir de vraies écoles de formation des leaders politiques et procéder à
des élections qui soient vraies et non truquées.
Que répondez-vous à tous ces Congolais
qui ont perdu espoir et qui ne croient plus en lavenir de leur pays ?
Aux
Congolais qui ont perdu espoir devant la situation qui prévaut actuellement au
pays, je leur rappellerai cet adage : «Si
longue soit la nuit, le jour finit par paraître». Mais, pour cela, il faut
se battre bec et ongles et de manière solidaire pour obtenir un résultat à long
terme. Trois facteurs interviennent dans cette lutte : avoir une vision
commune du pays que nous voulons, avoir une équipe de personnes (leaders) qui
incarnent cette vision et qui sont prêtes à conduire le peuple dans la
réalisation de ce nouveau Congo et, enfin, réunir les ressources financières et
matérielles locales pour sortir de la dépendance des puissances étrangères. Les
Congolais ne doivent pas perdre confiance parce qu'il y a à travers le monde,
des peuples qui ont connu l'histoire pareille à la notre, mais qui se
sont relevés grâce à la prise de conscience de leurs peuples. Cette
prise de conscience consistera à faire notamment un bon choix de ses
dirigeants, un choix basé non pas sur des éléments subjectifs
(appartenance tribale…), mais sur des éléments objectifs (compétence, bonne
moralité, intégrité…), à renoncer à des anti-valeurs (corruption, le
non respect des biens publics, détournement des deniers publics….). Avec des
dirigeants responsables, conscients du rôle qu'ils doivent jouer en faveur des
populations, il est facile de remettre
notre pays de beaucoup de ressources naturelles, il ne nous reste qu'à
les travailler, et à assurer une bonne répartition des revenus générés par ces
ressources.
Interview
réalisée par Rombaut KASONGO
In Magazine
Optimum n°01-Juin 2010