Lassassinat de Floribert Chebeya et notre éternelle quadrature du cercle (JP Mbelu)
En effet, la suite réservée à ce communique par
« les pouvoirs publics » risque de confirmer ce que plusieurs dentre
nous savent déjà : depuis 1996, les pouvoirs publics au en
RD. Congo sont phagocytés par des circuits parallèles. Et chaque fois
que « les pouvoirs officiels » ont voulu ignorer cette réalité politique
congolaise, ils ont été remis à lordre. Quand Vital Kamerhe a voulu
marcher sur les plates-bandes de John Numbi au moment du lancement de
lopération dénommé Umoja wetu , il a été dégommé
de la présidence de lAssemblée nationale. Nous ne le
dirons jamais assez : « Les affaires de
sécurité en particulier échappent aux circuits officiels de prise de
décision. » (Lire Congo : lenlisement du projet démocratique
de Crisis Group N° 73, 8 avril 2010, p. 7. Dans les jours et
mois à venir, nous livrerons au public des témoignages de ex-prisonniers
de Kin-Mazière et de la prison de Makala allant dans le même sens.)
Dans ce rapport, Crisis Group nous rappelait que « le
groupe des conseillers katangais (de Joseph Kabila), qui comprend parmi
ses membres les plus influents Katumba Mwanke et (John) Numbi, est
impliqué dans la plupart des dossiers sensibles et maintient, comme
pendant la transition, un système de prise de décision parallèle au
gouvernement. » (Ibidem) Du point de vue des questions
sécuritaires délicates, il ne serait pas trop osé daffirmer que
lactuel gouvernement est démissionnaire. (Il narrive pas par exemple à
soccuper des assassinats à répétition à lest du pays. Nos populations
sont tellement abandonnées à elles-mêmes quelles en appellent au
retour des Maï-Maï et à lauto-défense !)
Dans ce contexte de gestion du pays par des
circuits parallèles, « de fortes présomptions détouffement de la
vérité » pèseraient plus sur les différents cercles de
conseillers katangais et kivutiens formés autour de Joseph Kabila.
Pourquoi ? La gestion du pays par des circuits parallèles participe de
son occupation. Les circuits officiels couvrent, moyennant leur
participation à la mangeoire, les véritables nègres de service, les
élites compradores et leurs parrains. Dans quelle mesure, le fait de
livrer John Numbi à la justice – encore faudrait-il que cette justice
soit indépendante ?- mettrait-il fin à ce système alambiqué de gestion
de notre espace vital ? Et puis, arrêter John Numbi suffirait-il si
celui dont il dépend directement ne lest pas ?
Quest-ce qui pousserait la communauté internationale à faire un peu
plus de pression aujourdhui quelle ne la fait hier ?
Des questions dont les réponses dépendraient de notre approfondissement
du fonctionnement du système doccupation de notre pays.
Lappel de la VSV vaut la peine
dêtre lancé et soutenu Elle a raison quand elle
« continue à en appeler aux pressions des uns et des autres sur les
autorités RD Congolaises toutes les institutions confondues, en faveur
dune enquête internationale indépendante et crédible en vue de faire la
lumière sur cet ignoble assassinat et la disparition du chauffeur et
membre de la VSV, monsieur Fidèle Bazana Edadi. » Pourra-t-elle
peut-être dire qui elle met dans « les uns et les
autres » et travailler en synergie avec les autres forces
de changement chez nous et ailleurs pour que les enquêtes
parallèles soient menées et quelles ne puissent pas être une fin en
soi. Les pressions devraient être faites dans le sens de la sortie du
système actuel de gestion parallèle de notre espace vital.
Lassassinat de Floribert Chebeya semble être un
crime dEtat-manqué ; dun Etat failli. Faire toute la lumière sur cet
assassinat devrait conduire à la mise en place dun Etat de droit
respectueux de la vie et de la dignité humaine, géré par des hommes
dEtat et non par des ex-criminels de guerre et « nouveaux
prédateurs ».
A travers lassassinat de Floribert Chebeya et la
disparition de Fidèle Bazana, notre Etat-manqué révèle davantage au
grand jour sa véritable nature.
Attendre de cet Etat-failli et de ses soutiens
internationaux la facilitation dune enquête crédible est
aussi illusoire que de vouloir quun morceau de bois resté pendant
longtemps dans leau se transforme en crocodile. Depuis la guerre dite
de libération de 1996, nous tombons régulièrement dans la quadrature du
cercle quand nous voulons que les pyromanes se transforment en pompiers.
Il nous faut apprendre dautres méthodes de lutte et durer dans
lorganisation de la résistance contre les réseaux mafieux de la mort
installés chez nous. La guerre et la mort quelle entraîne participent
de lexpansion du capitalisme du désastre. Ce nest pas un
hasard que la Banque mondiale
et le FMI soient actifs dans un pays comme le nôtre où la mort est
semée au quotidien.
J.-P.Mbelu